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nombre de celles qui sont expressément exceptées par l'article suivant. 6o Sont exceptées les chapelles des hôpitaux et autres maisons de charité, des prisons et autres maisons de détention; les chapelles des couvents de religieuses cloîtrées qui n'ont pas été supprimées; celles des colléges de Paris en plein exercice; celles enfin des séminaires, en attendant qu'il soient tous réunis en un seul, aux termes du décret....... 7o Les exceptions portées en l'article précédent n'auront lieu qu'aux conditions suivantes : que ces chapelles, ne devant servir qu'à l'usage particulier de la maison, ne seront point ouvertes au public; qu'aucune fonction ecclésiastique ne pourra y être exercée que par ceux qui auront, à cet effet, une mission particulière de l'évêque de Paris, visée par le curé de la paroisse, laquelle mission n'aura pu être accordée que sur la demande des supérieurs de ces maisons... 10° Les églises et chapelles fermées seront mises en vente. Les acquéreurs de ces édifices resteront libres d'en faire tel usage qu'ils jugeront à propos. 11° Tout édifice que des particuliers destineront à l'exercice du culte religieux portera une inscription pour la distinguer des églises publiques... 16° Le directoire ordonne expressément à la municipalité d'employer tous les moyens pour réprimer efficacement les coupables effets de l'odieuse intolérance qui s'est manifestée récemment et pour prévenir les mêmes délits contre la pleine liberté religieuse reconnue et garantie par la nouvelle constitution.

A la lecture de cet arrêté, on remarqua tout de suite que l'article 7 tendait un piége aux réfractaires, puisque la demande du visa était une approbation indirecte de la constitution civile. (Mém. de Ferrières.) Quoi qu'il en soit, grâce à la proclamation de la municipalité, à la menace de sévir, et enfin à la présence de nombreux piquets de la garde nationale, la journée du dimanche fut tranquille. La presse révolutionnaire ne dit rien de toutes ces mesures; elle ne les blàma ni les approuva. En général, elle dit à peine quelques mots sur ce qui s'était passé; il semble qu'elle ait eu honte d'en parler, et crainte, en même temps, en le condamnant de paraître condamner l'émeute. Sans l'Ami du Roi, sans les mémoires contemporains et les mesures rigoureuses du directoire, on ne se douterait pas que l'événement ait été aussi grave.

Voici l'article le plus étendu et le moins convenable que l'on trouve dans tous les écrits révolutionnaires à cette occasion. Annales patriotiques de Carra, 9 avril. Des moines honteux, encore relégués dans leurs cloîtres, et quelques béguines, en qualité de femmes dociles, imitatrices de leurs amants tonsurés et porte-frocs, se sont avisés hier et avant-hier de donner de petites

scènes de rébellion dans leurs églises. La foule s'y est transportée : les femmes étaient armées de verges; elles ont fustigé hors du temple quelques calotins et calotines possédés du démon de la contre-révolution, et les hommes ont beaucoup ri des grimaces de ces lutins flagellés. Cependant la garde nationale est accourue, et à fait rabattre les cotillons retroussés. La municipalité, craignant que les fustigations publiques et trop répétées n'occasionnassent quelque scène plus fâcheuse, a mis fin par une proclamation à ces corrections populaires; ellé a ordonné que les églises des nonnains seraient fermées au public, et redeviendraient, suivant leur destination primitive, les oratoires privés des religieuses cloîtrées. »

On le voit, cet article est plus propre à dissimuler le scandale qu'à le faire connaître. Encore, pour excuser un acte qu'il présente comme tout à fait isolé et comme presque individuel, il recourt à cette tradition de bas lieu, qui malheureusement avait cours dans le public, sur les mauvaises mœurs des moines et des religieuses. Voici, par contre, un article de Peuchet, inséré dans le Moniteur, qui nous apprend ce que pensaient les constitutionnels :

« Les citoyens paisibles et honnêtes, ceux qui aiment la révolution pour les lois, et la liberté pour tout le monde, ont qualité pour demander qu'on réprime les harangueurs publics, dont le nombre s'accroît chaque jour à Paris. Placés sur les ponts, au coin des rues, ils attendent les ouvriers, les hommes simples, pour les endoctriner; ils les égarent par des récits menteurs et des systèmes de superstition et d'intolérance politiques; ils corrompent le sens des décrets par des interprétations fanatiques et insensées; ils exaspèrent les sentiments de la multitude par des calomnies contre les personnes. Ce sont eux qui répandent et font germer dans l'esprit du peuple toutes ces semences de désordre dont les effets sont si funestes et dont on ignore si souvent le principal ferment.

« Ces sermons politiques sont aussi dangereux que ridicules; ils versent dans l'âme de ceux qui les écoutent un poison lent qui y éteint la raison et le respect des lois; on y confond la souveraineté nationale avec la volonté des groupes populaires, la liberté avec le pouvoir de désobéir aux lois de l'État, la constitution avec un système incohérent de prétentions fanatiques et de licence journalière. De là ces arrestations des messageries, ces violations de domicile, ces entreprises séditieuses, ou tout au moins l'extrême facilité que l'on trouve dans la multitude pour l'entraîner à ces délits.

à Ce n'est point aller contre la liberté d'écrire que d'interdire, sous de rigoureuses peines, ces lectures publiques, ces écoles en plein air, où tous les écarts de l'opinion d'un harangueur ignorant deviennent

autant de maximes pernicieuses pour le peuple, qu'il est affligeant de voir livré à l'enseignement d'hommes inconnus, et par conséquent suspects.

<< Cette indifférence de la puissance publique est doublement coupable: 1o elle suppose un grand mépris du peuple; 2o un oubli des devoirs que la loi prescrit sur les moyens de conserver l'ordre et la tranquillité publique. La crainte des méchants ne doit jamais retenir les magistrats, dont la première obligation est de les combattre, et de sacrifier, s'il le faut, une existence entièrement consacrée au bonheur des citoyens. >>

Cependant les deux partis se mettaient également en mesure, conformément au dernier arrêté du directoire. Le club des jacobins et une société de ceux qu'on appelait alors aristocrates demandèrent en même temps à la municipalité de leur louer, les premiers, le couvent des Jacobins pour y tenir leurs séances, et les seconds, l'église et le couvent des Théatins pour y faire faire le service divin par les non assermentés, c'est-à-dire selon leur croyance. Par arrêté du 15 avril, ces deux locations furent autorisées. L'ouverture de l'église des Théatins fut autorisée le lendemain 16, pour le dimanche suivant, c'est-à-dire pour le 17, à la condition de placer sur la porte cette inscription: Edifice consacré au culte religieux, par une société particulière. Paix et liberté (1). On n'eut pas le temps de placer cette inscription, et l'on se proposait néanmoins de se servir de l'église pour la célébration du jour dominical. Mais il se trouva que, dès le matin, on avait attaché à la porte des Théatins une poignée de verges avec un placard, portant ces mots : Avis aux dévotes aristocrates: médecine purgative distribuée gratis le dimanche 17 avril. De là un rassemblement considérable, qui alla grossissant et qui, stationnant toute la journée devant la porte, empêcha le service de commencer. Ce qui prouve que tout le monde ne désapprouvait pas «< ces menaces d'une intolérance odieuse qui soulèvent le cœur de tous les honnêtes gens... » (Moniteur) c'est que la garde nationale ayant arraché les verges et l'affiche, elles furent remises en place par quelques gens du public. Il n'y aurait pas eu trop de mal, si les choses en étaient restées là, comme on pourrait le supposer, d'après le récit du Moniteur et des journaux. Mais de nombreux orateurs haranguèrent la foule, lui disant qu'il s'agissait ici d'une manœuvre pour diviser les citoyens, provoquer la guerre civile, anéantir la ré

(1) C'est entre MM. de Talleyrand, Sieyès, La Rochefoucauld pour le département, Bailly pour la municipalité, et Lafayette pour la garde nationale, qu'avaient été arrangées les mesures relatives à l'église des Théatins, qui, par les menées des jacobins, réussirent si mal. (Note trouvée dans les papiers de Lafayette.)

volution, etc. « Une jeune demoiselle, conduite par sa mère, s'étant présentée, on la fouetta sur les marches de l'église. Le maire Bailly vint, il fit ôter les verges, l'inscription, mais il ne put dissiper l'attroupement.» (Mémoires de Ferrières; voyez aussi les Mémoires de Bailly et de Lafayette, qui indiquent également que la violence fut poussée jusqu'à l'impudeur.)

Pour en finir de suite avec l'affaire des Théatins, il faut ajouter que les aristocrates ou les réfractaires ne se tinrent pas pour battus. Croyant l'orage passé et l'attention ailleurs, ils revinrent à leur église. Mais le 2 juin, un nouvel attroupement se forma, vers dix heures du matin, sur le quai (aujourd'hui quai Voltaire); on pénétra dans l'église; les personnes réunies furent effrayées et prirent la fuite; l'autel fut renversé. On se préparait à faire davantage, lorsque M. Lafayette arriva avec la garde nationale; il harangua la foule et réussit à la disperser, moitié par force, moitié par persuasion. L'autel fut rétabli, et l'après-midi on chanta vêpres. Il faut ajouter que Bailly, Lafayette et les gardes nationaux étaient présents. M. Lafayette pria et fit ensuite conjurer les chefs de la société des Théatins de l'aider à pousser à bout cette entreprise. Ils crurent, peutêtre avec raison, devoir attendre un moment plus calme. (Mémoires de Lafayette, t. III, p. 61.)

« Les départements des provinces, continue Ferrières, enchérirent encore sur Paris. Partout on chassa, on maltraita les curés qui avaient refusé le serment. On les empêcha d'exercer leurs fonctions; on les poursuivit de villes en villes; on contraignit les religieuses de reconnaître les nouveaux évêques, et, dans ce dessein, on ne leur épargna ni les menaces, ni les outrages. La populace de Bordeaux s'empara de deux sœurs de charité qui refusaient d'aller à la messe du curé constitutionnel. On les plongea à plusieurs reprises dans la rivière, d'où on les retira à demi mortes. L'officier municipal s'étant transporté chez l'une de ces religieuses, et lui ayant dit qu'il venait recevoir sa déposition : « Monsieur, lui répondit cette héroïque et sainte fille, je ne serai jamais la délatrice de gens à qui j'ai voué mon existence et mes soins; je ne cesserai pas même dans cette circonstance d'être sœur de la charité, comme j'en suis la martyre. » (Mémoires de Ferrières, liv. IX.)

Mais revenons à Paris et au dimanche 17 avril. Ce ne fut pas seulement dans les rues que se manifesta l'opposition contre le clergé réfractaire. Il y eut du bruit jusque dans la chapelle du roi. Un grenadier de la garde nationale chercha à soulever ses camarades contre les prêtres qui entouraient le roi. Cela fit une sorte d'esclandre; le grenadier fut chassé par ses camarades et courut aus

sitôt au club des Cordeliers, où il raconta ce qu'il avait vu et ce qui lui était arrivé. Sur cette narration, le club prit aussitôt l'arrêté suivant :

« La société, sur la dénonciation à elle faite, que le premier fonctionnaire public de la nation souffre et permet que des prêtrès réfractaires se retirent dans sa maison et y exercent publiquement, au scandale des Français et de la loi, les fonctions publiques qui leur sont interdites par elle; qu'il a même reçu ce matin la communion pascale et entendu la messe de son ci-devant grand aumônier, l'un des prêtres réfractaires... a arrêté que, la vérité de ce fait bien constatée, elle dénonce aux représentants de la nation ce premier fonctionnaire public, ce premier sujet de la loi, comme réfractaire aux lois constitutionnelles qu'il a juré de maintenir, et dont ses fonctions lui prescrivent d'assurer l'exécution, et comme autorisant à la désobéissance et à la révolte; préparant ainsi à la nation française les factions que les ennemis des droits de l'homme voudraient exciter contre la constitution... Et attendu que le maire de Paris et le commandant général se sont permis, par leur présence, de seconder et d'appuyer tous les torts dont le roi s'est rendu ce matin coupable envers tout le peuple français, la société déclare que le salut public commande de les rendre responsables des suites d'une conduite aussi inconstitutionnelle... Et sera, le présent arrêté, imprimé, affiché et adressé à toutes les sociétés patriotiques et aux départements.

a Signé, PEYRE, président; VINCENT, greffier. »

Pendant que les agitateurs de la grande ville se préparaient ainsi, l'assemblée nationale était occupée de la question la plus étrangère aux préoccupations publiques. Elle traitait la question de la marine. Cependant elle interrompit ce travail pour entendre le directoire du département.

SEANCE DU 17 AVRIL. Le directoire du département de Paris est admis à la barre avec le corps municipal.

M. Pastoret porte la parole.

Le premier hommage des administrateurs du département de Paris à l'assemblée nationale a été l'engagement solennel d'employer toutes leurs forces et tout leur zèle au maintien de l'ordre public. Votre président leur a rappelé cet engagement lorsqu'ils sont venus vous rendre compte des mesures qu'ils avaient prises pour ramener la paix dans la capitale troublée. Ils ont parlé au roi, ils ont parlé au peuple; la municipalité a employé les mêmes

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