au greffe de la Cour, exigeant que des extraits collationnés leur en fussent délivrés. (1) Cette profession de foi, malgré son apparence déférente, était d'une singulière audace; elle pouvait attirer sur ses auteurs une sévérité particulière dans l'exil qui allait les atteindre. En jetant le discrédit par avance sur les fonctions qu'auraient à remplir leurs successeurs, en les déclarant inacceptables sans faillir à l'honneur, les signataires du manifeste portaient au Chancelier le coup qu'il pouvait redouter davantage. Si cet appel, en effet, était entendu de leurs confrères ambitieux ou timides, ce pouvait être la grève devant les sièges nouvellement créés. Aussi Maupeou donna-t-il l'ordre au Commandant de la province de faire rayer la protestation des registres du greffe. Mais ces considérations n'eussent pas suffi pour faire reculer ces magistrats. M. de Meyrieu était l'habituel rédacteur des remontrances du Parlement, et les vivacités qu'on y rencontre parfois indiquent quel devait être son tempérament dans la lutte; quant au président d'Ornacieux, dont un de ces contemporains disait que ses vertus et son courage eussent honoré l'ancienne Rome », il persista par la suite dans son attitude hautaine vis-à-vis de tous ceux qui pactisèrent avec la réforme. (1) Cette protestation nous est rapportée par différentes sources. A la Bibliothèque de la ville elle figure dans deux documents, M, 1116, p. 60, R, 6225. Cependant, le jour fixé pour se réunir au Palais était arrivé. Les magistrats avaient la veille reçu, des officiers de la garnison, des lettres de cachet, et le 7 novembre tous, hormis M. de Bérulle, occupaient leur siège en la Chambre du Conseil où ils étaient réunis (1). Vers les 8 heures du matin, M. le comte de Clermont-Tonnerre, lieutenant général des armées du Roi au Gouvernement du Dauphiné, commandant en chef la province, assisté du chevalier Pajot de Marcheval, intendant de la province, quittèrent l'hôtel du Gouvernement. Bien qu'occupant tous les deux le même carrosse, celui du Commandant, M. de Marcheval avait fait suivre le sien; des gardes les escortaient, et ordre était donné aux conducteurs de faire marcher les chevaux le plus lentement possible, et cela pour donner plus de dignité et de célébrité à l'objet de leur mission. M. de Tonnerre était en habit de cérémonie; Pajot de Marcheval, en robe et soutane de satin noir, rabat plissé et bonnet carré. Arrivés au Palais, ils pénétrèrent dans la salle d'audience. M. de Tonnerre prit sa place des séances ordinaires, et enjoignit à M. le président de Vaulx, qui présidait la Compagnie en l'absence (1) Arch. de l'Isère. Tous les détails des séances des 7 et 8 novembre 1771 sont relatés dans les cahiers du plumitif de l'année 1771, réunis dans le registre B, 1837, fos 425 et s. Ce registre contient, outre ces notes prises à l'audience, l'original du procès-verbal de ce qui s'est passé par Pajot de Marcheval lui-même, fos 433 à 454. de son chef, de mander les gens du Roi. Lorsqu'ils furent entrés, il dit, restant assis et couvert : « Messieurs, je vous apporte les ordres du Roi ». Le greffier, auquel on venait de les remettre, lut alors les lettres de commission données à Fontainebleau le 24 octobre à l'Intendant, pour l'exécution des volontés royales, et, après cette lecture, les gens du Roi furent invités par le Gouverneur à en requérir l'enregistrement. M. Colaud de la Salcette prit alors la parole: « Monsieur, dit-il, accoutumés à vous voir occuper à notre tète avec une satisfaction générale une place, due autant à votre nom qu'à nos vœux et à notre attachement pour vous, aimant aussi à voir le sieur de Marcheval prendre parmi nous une séance distinguée, dont son mérite et son état le rendent également digne, pourquoi faut-il que l'appareil qui vous environne à ce jour ne jette plus dans nos cœurs que la consternation! Il en coûte au vôtre sans doute, Monsieur, d'exécuter des ordres rigoureux, mais, quels que soient les événements qu'ils annoncent, obligés par notre ministère d'accélérer l'exécution littérale des volontés du Roi, et néanmoins toujours soutenus par notre confiance en ses bontés, nous requérons du très exprès commandement dudit Seigneur Roi que les lettres de commission soient enregistrées. >> L'Intendant se leva ensuite, alla saluer le Commandant, le Président, les autres magistrats, revint prendre sa place, et ordonna l'enregistrement immédiat par le greffier. Et l'enregistrement eut lieu en ces termes : «En exécution des ordres du Roi et pour m'y conformer, << sans avoir délibéré ni opiné sur le présent, j'ai signé. » Suivent les signatures: de Vaulx, président; de la Forte, greffier en chef. Après cette première formalité, on procéda alors à l'enregistrement forcé de nouvelles lettres patentes, en vue de supprimer les arrêts du Parlement des 1er et 14 février, 4 et 23 mars 1771, sur la suppression du Parlement de Paris. Au milieu d'un cérémonial toujours semblable, Pajot de Marcheval fit donner lecture de ces lettres, après ce peu aimable préambule : «Messieurs, Sa Majesté n'a pu voir sans surprise et sans mécontentement les arrêtés que vous avez pris les 1er et 14 février, 4 et 23 mars derniers. Les objets sur lesquels ils portent n'étaient point de votre compétence; plus ils vous étaient étrangers, plus vous avez à vous reprocher d'avoir conçu et manifesté des opinions contraires aux vues de Sa Majesté, aux nouvelles dispositions que sa sagesse l'a engagée de faire pour le bien des peuples dans l'Administration de la Justice. Vous avez dù vous attendre qu'Elle ne laisserait pas subsister des actes aussi contraires au respect dû à son autorité; Elle a en conséquence donné les lettres patentes sur arrêt de son Conseil, dont vous allez entendre la lecture. >> Les lettres, datées de Fontainebleau le 11 octobre, répétaient que ces arrêts étaient attentatoires aux lois du royaume, à la tranquillité publique et au respect dû au Roi, qu'elles les cassaient et mettaient à néant, avec l'ordre de les rayer des registres, et la défense d'en rendre désormais de semblables, à peine de désobéissance. Elles furent enregistrées comme les précédentes. Et, lorsque furent terminées toutes ces cérémonies, qui n'étaient que de peu d'importance, eu égard à ce qui allait se passer, l'intendant Pajot de Marcheval se leva une troisième fois au milieu d'un silence qui dut être, à cette minute, singulièrement solennel, si l'on songe à l'angoisse qui étreignait au moins tous ceux qui étaient décidés à ne pas capituler devant la force. Ayant à nouveau salué M. de Clermont-Tonnerre, ainsi que tous les magistrats, «Messieurs, dit-il, les volontés du Roi que j'ai à vous annoncer dans ce moment vous sont déjà connues par l'exécution qu'elles ont reçues dans la plupart des Cours supérieures du royaume. La distribution gratuite de la justice et la diminution du trop grand nombre d'officiers, que la vénalité des charges avait introduit dans des temps malheureux, sont des bienfaits de Sa Majesté, auxquels tous ses peuples ont droit de prétendre. Ils vont s'étendre sur cette province par la publication et l'enregistrement de l'édit dont vous allez entendre la lecture. Vous y verrez, Messieurs, que l'objet général du bien public n'a pas fait perdre de vue à Sa Majesté les intérêts particuliers des officiers de son Parlement, et qu'en ordonnant la suppression des offices, Elle a pourvu à ce qu'il soit procédé à la liquidation de leurs finances et au payement des intérêts, jusqu'à ce que le remboursement soit effectué. Nous concevons cependant, Messieurs, que la dissolution d'un Corps aussi ancien et aussi respectable doit exciter votre sensibilité. Nous la partageons bien sincèrement, et nos regrets seraient inexprimables, si nous ne connaissions des motifs de consolations dans les bontés de Sa Majesté. » Et le greffier lut le texte de l'édit portant sup |