à ceux qui le signaient: le duc d'Orléans, le duc de Chartres, le prince de Condé, le duc de Bourbon, Louis de Bourbon, comte de Clermont, Louis François de Bourbon, prince de Conti. Viennent ensuite, le 15 avril et le 4 mai, les arrêts de Rouen et de Toulouse. Cet auteur indique alors que les autres Cours souveraines n'osèrent pas suivre cet exemple, se bornant quelques-unes à des remontrances. S'il eût connu le bel arrêt de Grenoble, il l'aurait sans aucun doute fait figurer à côté des autres; il le méritait à un double titre, par son ton courageux d'abord, par sa date ensuite, qui en faisait la première manifestation de l'indignation générale. Mais tout cela n'était pas pour arrêter le Chancelier; il n'en poursuivit qu'avec plus d'ardeur la réorganisation du Parlement de Paris, des Conseils supérieurs, et des tribunaux inférieurs; il fallait hâter cette besogne pour pouvoir s'occuper plus vite des Parlements provinciaux; à ce prix-là seul, l'œuvre serait complète. Il y parvint enfin : celui de Besançon fut le premier renversé, le 22 juillet; puis le 13 août ce fût celui de Douai; le 1er septembre, celui de Toulouse; le 4, celui de Bordeaux; le 26, celui de Rouen; le 1er octobre, celui d'Aix; le 23, celui de Metz; le 15, celui de Rennes ; le 31, la petite Cour des Dombes; le 5 novembre, celui de Dijon. Premiers bruits de suppression du Parlement de Grenoble. Démarches des Consuls. A chacun des coups qui atteignaient les anciens Parlements, le courrier apportait à Grenoble la nouvelle de ce qui s'était passé (1). Les détails les plus circonstanciés de ces expulsions à main armée étaient souvent racontés avec leurs péripéties saisissantes. A chaque nouvelle atteinte, Grenoble sentait bien que son tour ne tarderait guère. Dès la première quinzaine d'octobre des bruits alarmants circulent dans le public: Letourneau se fait l'écho d'un « on dit » singulièrement grave: il serait question de supprimer le Parlement de Grenoble, et de créer à Valence un Conseil supérieur, qui hériterait de ses attributions. On n'est cependant pas bien fixé, car d'après d'autres lettres le Dauphiné serait divisé en deux parties, l'une ressortissant au Conseil supérieur de Lyon, l'autre à la Cour d'Aix. Devant ce danger les consuls de Grenoble s'émeuvent il faut à tout prix tâcher de parer à cette éventualité redoutable. Le 15 octobre, M. Savoye, premier consul, convoque à l'Hôtel de Ville le Corps municipal. Le récit de cette séance, et la copie de la lettre qu'on y décida d'adresser à ceux qui pouvaient intervenir comme défenseurs de (1) Letourneau dans son journal indique chacune des dates. Grenoble menacé, nous sont conservés aux Archives Municipales (1). << Mardi 15 octobre 1771, dans l'Hôtel de Ville, sur les 5 heures de relevée... « A été exposé par M. Savoye, premier consul, qu'il a fait convoquer la présente assemblée pour lui faire part de la crainte de tous les habitants, occasionnée par des lettres arrivées ici samedi, de Paris, qui nous menacent de la suppression absolue du Parlement, sans espoir de rétablissement, et par une députation que vient de faire à la Cour le Présidial de Valence, démarche qui peut faire soupçonner des projets secrets à notre détriment de la part de ce Présidial. Ces motifs ont déterminé MM. les Consuls à faire un projet de lettre pour Mgr le duc d'Orléans, Mgr le Chancelier, Mgr le marquis de Monteynard (2); il est mis sous les yeux du Conseil, afin que, si on se détermine à écrire pour répondre aux vœux de nos concitoyens, on puisse plus facilement arrêter la lettre telle qu'elle sera trouvée à propos. << Ouï le Procureur du Roi, « A été délibéré qu'il sera écrit une lettre à Mgr le duc d'Orléans, Mgr le Chancelier, Mgr le marquis de Monteynard conforme au projet dont la lecture vient d'être faite, qui est unanimement approuvée, et laquelle sera transcrite à la suite de la présente délibération; au surplus ladite lettre sera souscrite par tous les membres du Conseil.... (1) Arch. Munic. de Grenoble, BB, 125, Registre des Délibérations de l'Hôtel de Ville, fos 119, v° et s. (2) Louis-François de Monteynard, né à Tencin, le 13 mai 1713, mort en mai 1791. Appartenant à une vieille famille dauphinoise, après s'être signalé pendant les guerres d'Allemagne en 1743, et d'Italie de 1744 à 1746, promu au grade de lieutenant-général, le 10 février 1759, il fut appelé au ministère de la guerre, le 6 février 1771, après la retraite du duc de Choiseul. Cf. ROCHAS, Biographie du Dauphiné. Teneur de la lettre en la délibération ci-devant. << Plusieurs lettres de Paris viennent de consterner nos concitoyens. Elles portent que, dans une ville et dans une province, où les titres les plus respectables assurent un Parlement, qui fut dans le principe le Conseil de nos anciens Dauphins, l'intention de Sa Majesté est d'éteindre le Parlement de Grenoble, sans espoir de rétablissement, pour en transporter le ressort ailleurs. La ville de Valence a même vu avec satisfaction que son Présidial, sous le prétexte de demander l'union à son ressort de la partie du Vivarais ayant appartenu à la Maison de Poitiers, a député il y a quelques jours un de ses officiers à la Cour. La tentative qu'a faite en dernier lieu cette ville pour nous enlever l'artillerie (1) nous autorise à soupçonner des desseins secrets dans la démarche de ce Présidial, qui sans doute se verrait avec plaisir érigé en Parlement ou tout au moins en Conseil supérieur. << Dans l'un et l'autre cas, la destruction de la ville de Grenoble serait assurée; d'une part la province a trop peu d'étendue pour pouvoir supporter une division quelconque de son ressort; de l'autre la distraction absolue du ressort de la province anéantirait l'acte de transport du Dauphiné à la Couronne, dont nos augustes Souverains ont plusieurs fois par leurs serments assuré l'exécution; et c'est sur la foi de cet acte respectable que les habitants de cette ville l'ont décorée (1) Il s'agit du transfert à Valence de l'école d'artillerie qui avait son siège à Grenoble. Les premières menaces commencèrent en 1768, époque à laquelle, au mois de janvier, le chef de l'école de notre ville reçut l'ordre d'aller à Valence étudier ce projet. Les démarches de tous les Corps constitués ne purent obtenir gain de cause pour Grenoble, et l'école fut en fin de compte transférée en 1778 dans la ville rivale. Cf. PRUDHOMME, Histoire de Grenoble, p. 583; VERNET, Histoire de Grenoble, t. III, pp. 312 et s. à grands frais par de nouvelles constructions, et qu'ils ont par des dépenses immenses défriché dans ce territoire et dans les lieux circonvoisins des terrains incapables de produire des grains, pour y planter des vignes, où l'on ne perçoit que du vin de la plus mauvaise qualité, qui ne peut avoir de consommation que dans la ville de Grenoble. Tant de soins et tant de dépenses ne serviront qu'à la ruine entière de nos habitants, s'ils étaient frappés d'un seul des coups dont ils sont menacés. La position du Parlement à Grenoble est, mieux que partout ailleurs de la province, à portée des villes, bourgs et villages du Dauphiné. Valence serait d'un trop grand éloignement du Briançonnais, de l'Embrunais et des pays de la frontière de Savoie. Grenoble n'a point de commerce au dehors, elle ne peut le trouver que dans son propre sein, en sorte que, si on la prive d'un Parlement résidant, et du grand nombre d'étrangers que l'Administration de la Justice y attire, on anéantit entièrement ce commerce; Valence au contraire, qui jouit déjà de l'avantage d'une grande route, est le plus heureusement située pour le commerce au dehors; il ne tient qu'à elle d'en profiter, sans avoir besoin d'envier à une autre ville un bien dont elle jouit de tous les temps, et qui fait la partie essentielle de son existence. Valence en restant ce qu'elle est ne perd rien, Grenoble perd tout au contraire, et nous pouvons vous assurer, Monseigneur, que la privation du Parlement de Grenoble réduit à la dernière indigence plus de 2.000 familles, outre la désolation générale qu'elle porte dans les campagnes, et la chute entière d'un hôpital, dont les besoins sont aussi connus que l'importante utilité dont il est pour une foule de malheureux. << Toutes ces circonstances et plus encore la justice et les bontés de notre auguste Souverain nous permettent d'espérer que nous conserverons un Parlement dans l'enceinte de nos murs, lors surtout que vous voudrez bien, Monseigneur, proté |