<«< Lu, publié de l'exprès commandement du Roi, porté « par le sieur marquis de Pusignieu etc..., à Grenoble, «<en Parlement, le 5 août 1773. » Il fit en outre transcrire le tout, avec cette formule, sur le registre du greffe. Il était 6 heures du soir quand toutes les formalités furent terminées. On ouvrit alors les portes de la salle d'audience, et de nouveau, en audience publique, lecture fut faite de l'édit, des lettres patentes et de la déclaration, ainsi que de la formule de l'enregistrement. Les magistrats se retirèrent ensuite, sauf Vidaud et de Moydieu qui travaillèrent jusqu'à 10 heures à la rédaction du procès-verbal; obligés de le signer, ils mentionnèrent du moins que c'était toujours du très exprès commandement du Roi et en vertu de la lettre de cachet qu'on leur avait remise. Mais cette série de protestations ne suffisait point encore à la Compagnie, que l'acte de violence de la veille. avait laissée nerveuse. Aussi, le lendemain 6 août, voulutelle ajouter encore à ses registres un arrêté nouveau, comme pour convaincre surabondamment les justiciables, et peut-être les générations à venir, de son indépendance. Elle prit prétexte pour cela du libellé de la formule « lu et publié... etc. », apposée la veille sur le registre où avaient été faites les transcriptions, et, aux motifs suivants (1) : << Considérant que de la manière dont les termes sont (1) Arch. de l'Isère, B, Reg. 2314, fos 259 et s. « couchés à la suite de ladite transcription, on pourrait << croire que la Cour y a délibéré et donné son consente<< ment; << Considérant que la présence de tous les membres de << la Cour lors de ladite transcription a été forcée par les « ordres exprès du Roi dénoncés par le seigneur de << Pusignieu et adressés à ladite Cour, contenant injonc«<tion à tous en général, et à chacun en particulier de ne point désemparer l'Assemblée, à peine de désobéis << sance; << Considérant que cette présence forcée a été tellement << passive qu'il a été interdit à ladite Cour de délibérer sur << lesdits édit, lettres patentes et déclaration. » Elle rendit un arrêt par lequel, réitérant toutes ses résistances et réserves de la veille, elle décidait de nouvelles remontrances pour obtenir du Roi qu'une transcription ainsi faite, en violation des lois du royaume, ne portât pas effet, et pour qu'il retirât son édit ou y admit les modifications proposées. Il va sans dire que c'était là une décision de façade, et que personne ne songea sérieusement à poursuivre une lutte stérile. En réalité les choses en restèrent là, et de ce jour l'édit de Maupeou entra en vigueur. Comment et dans quelle mesure fut-il appliqué? La réponse comporterait une étude presque irréalisable de la jurisprudence (1). Mais, quelques difficultés qu'il ait rencontrées, (1) Le Recueil d'arrêts de PERRETON (Bibl. de Grenoble, Q, 10; v° Hypothèques), t. II, pp. 1569 et s., indique deux applications de l'édit de 1771, il est permis de dire qu'il avait aiguillé la procédure de la purge dans une voie nouvelle et pratique; il devait servir de modèle, quelques années plus tard, aux juristes modernes, à ceux qui, dans notre droit civil moderne, ont organisé le régime de la purge des hypothèques. mais qui ne sont pas topiques. Une d'entre elles est tirée d'un arrêt où le Parlement décida que l'édit de juin 1771 ne pouvait avoir d'effet rétroactif, mais la date de l'arrêt est antérieure à l'enregistrement de l'édit. CHAPITRE III La Réintégration de l'ancien Parlement § Ier. Derniers jours du Parlement Maupeou. La mort de Louis XV, le 10 mai 1774, provoqua presque un soulagement (1); « La France entière se deman<«<dait avec anxiété quel serait le caractère du nouveau règne, et comment et par quelles mesures il s'ouvri<< rait »> (2). Les chapitres si intéressants consacrés par M. Flammermont à «< la lutte de Maupeou contre le duc d'Aiguillon et les autres ministres » pendant la fin du règne de Louis XV, à « sa chute », peu après l'avènement de Louis XVI, font revivre les phases d'un combat très àpre et où, ce qui est curieux, chaque élément de la population de Paris joue un rôle. Pour provoquer la disgrâce du (1) Cf. CARRÉ, Le règne de Louis XV, dans l'Histoire de France de LAVISSE, t. VIII, 2o partie, liv. IV, pp. 415 et s.; - p. 422. (2) FLAMMERMONT, loc. cit., p. 552. Chancelier, il faut en effet la conspiration de tous ces éléments: Maurepas, ministre d'État, faisant en sous-œuvre le siège du jeune Roi qu'il est arrivé à dominer; les princes, le duc d'Orléans et le duc de Chartres, poussés toujours par ce ministre et manoeuvrant d'accord avec lui, malgré des querelles qui les font parfois paraître ennemis; le prince de Conti si dévoué à cette cause; la Reine Marie-Antoinette, que la même main armera contre le Chancelier en le représentant comme l'auteur des calomnies répandues contre elle, et dont la sensibilité sera plus accessible aux récits des misères des magistrats exilés; le peuple enfin, plus impressionnant encore par son silence que par ses clameurs, comme dans cette soirée du 27 juillet 1774 où, traversant Paris, au lendemain d'une nouvelle disgrâce des princes, et pour la première fois depuis la mort de Louis XV, le Roi et la Reine éprouvent l'angoisse d'un accueil glacial (1). Le camp adverse n'est pas moins fort: le Roi n'est-il pas au fond favorable au Chancelier? Ses premiers actes sembleraient le faire croire. En tout cas le principal intéressé, Meaupou, ne cédera pas la place sans la défendre, il n'est pas homme à craindre les coalitions et il est bien préparé à la lutte; et puis, si décrié qu'il soit, son Parlement s'agite; il déchire par des libelles le Parlement antérieur à la réforme; tous les ministres, sauf Maurepas, sont encore avec lui; Turgot, alors ministre de la marine, a contre les magistrats anciens une vieille (1) FLAMMERMONT, loc. cit., p.563. |