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joindra l'intérêt de ses enfants, dont le sort sera décidé par l'arrêt porté sur la mémoire du pèrc.

Je voudrois donc qu'après la mort de chaque roi son corps fût déposé dans un lieu sortable, jusqu'à ce qu'il eût été prononcé sur sa mémoire; que le tribunal qui doit en décider et décerner sa sépulture fût assemblé le plus tôt qu'il seroit possible; que là sa vie et son règne fussent examinés sévèrement; et qu'après des informations dans lesquelles tout citoyen seroit admis à l'accuser et à le défendre, le procès, bien instruit, fût suivi d'un arrêt porté avec toute la solennité possible.

En conséquence de cet arrêt, s'il étoit favorable, le feu roi seroit déclaré bon et juste prince, son nom inscrit avec honneur dans la liste des rois de Pologne, son corps mis avec pompe dans leur sépulture, l'épithète de glorieuse mémoire ajoutée à son nom dans tous les actes et discours publics, un douaire assigné à sa veuve; et ses enfants, déclarés princes royaux, seroient honorés leur vie durant de tous les avantages attachés à ce titre.

Que si, au contraire, il étoit trouvé coupable d'injustice, de violence, de malversation, et surtout d'avoir attenté à la liberté publique, sa mémoire seroit condamnée et flétrie; son corps privé de la sépulture royale seroit enterré sans honneur comme celui d'un particulier, son nom effacé du

registre public des rois; et ses enfants, privés du titre de princes royaux et des prérogatives qui ý sont attachées, rentreroient dans la classe des simples citoyens, sans aucune distinction honorable ni flétrissante.

Je voudrois que ce jugement se fit avec le plus grand appareil, mais qu'il précédât, s'il étoit possible, l'élection de son successeur, afin que le crédit de celui-ci ne pût influer sur la sentence dont il auroit pour lui-même intérêt d'adoucir la sévérité. Je sais qu'il seroit à desirer qu'on eût plus de temps pour dévoiler bien des vérités cachées, et mieux instruire le procès. Mais si l'on tardoit après l'élection, j'aurois peur que cet acte important ne devînt bientôt qu'une vaine cérémonie, et, comme il arriveroit infailliblement dans un royaume héréditaire, plutôt une oraison funèbre du roi défunt qu'un jugement juste et sévère sur sa conduite. Il vaut mieux en cette occasion donner davantage à la voix publique, et perdre quelques lumières de détail, pour conserver l'intégrité et l'austérité d'un jugement qui sans cela deviendroit inutile.

A l'égard du tribunal qui prononceroit cette sentence, je voudrois que ce ne fût ni le sénat, ni la diéte, ni aucun corps revêtu de quelque autorité dans le gouvernement, mais un ordre entier de citoyens, qui ne peut être aisément ni trompé

à

ni corrompu. Il me paroît que les cives electi, plus instruits, plus expérimentés que les servants d'état, et moins intéressés que les gardiens des lois, déja trop voisins du trône, seroient précisément le corps intermédiaire où l'on trouveroit à-la-fois le plus de lumières et d'intégrité, le plus propre ne porter que des jugements súrs et par-là préférable aux deux autres en cette occasion. Si même il arrivoit que ce corps ne fût pas assez nombreux pour un jugement de cette importance, j'aimerois mieux qu'on lui donnât des adjoints tirés des servants d'état que des gardiens des lois. Enfin je voudrois que ce tribunal ne fût présidé par aucun homme en place, mais par un maréchal tiré de son corps, et qu'il éliroit lui-même comme ceux des diétes et des confédérations: tant il faudroit éviter qu'aucun intérêt particulier n'influât dans cet acte, qui peut devenir très auguste ou très ridicule, selon la manière dont il y sera procédé.

En finissant cet article de l'élection et du jugement des rois, je dois dire ici qu'une chose dans vos usages m'a paru bien choquante et bien contraire à l'esprit de votre constitution; c'est de la voir presque renversée et anéantie à la mort du roi, jusqu'à suspendre et fermer tous les tribunaux, comme si cette constitution tenoit tellement à ce prince, que la mort de l'un fût la destruction

de l'autre. Eh, mon dieu! ce devroit être exacte- ~ ment le contraire. Le roi mort, tout devroit aller comme s'il vivoit encore; on devroit s'apercevoir à peine qu'il manque une pièce à la machine, tant cette pièce étoit peu essentielle à sa solidité. Heureusement cette inconséquence ne tient à rien. Il n'y a qu'à dire qu'elle n'existera plus, et rien au surplus ne doit être changé: mais il ne faut pas laisser subsister cette étrange contradiction; car, si c'en est une déja dans la présente constitution, c'en seroit une bien plus grande encore après la

réforme.

CHAPITRE XV.

Conclusion.

Voilà mon plan suffisamment esquissé : je m'arrête. Quel que soit celui qu'on adoptera, l'on ne doit pas oublier ce que j'ai dit dans le Contrat social' de l'état de foiblesse et d'anarchie où se trouve une nation tandis qu'elle établit ou réforme sa constitution. Dans ce moment de désordre et d'effervescence elle est hors d'état de faire aucune résistance, et le moindre choc est capable de tout renverser. Il importe donc de se ménager à tout

Livre II, chap. x.

prix un intervalle de tranquillité durant lequel on puisse sans risque agir sur soi-même et rajeunir sa constitution. Quoique les changements à faire dans la vôtre ne soient pas fondamentaux et ne paroissent pas fort grands, ils sont suffisants pour exiger cette précaution; et il faut nécessairement un certain temps pour sentir l'effet de la meilleure réforme et prendre la consistance qui doit en être le fruit. Ce n'est qu'en supposant que le succès réponde au courage des confédérés et à la justice de leur cause, qu'on peut songer à l'entreprise dont il s'agit. Vous ne serez jamais libres tant qu'il restera un seul soldat russe en Pologne, et vous serez toujours menacés de cesser de l'être tant que la Russie se mêlera de vos affaires. Mais si vous parvenez à la forcer de traiter avec vous comme de puissance à puissance, et non plus comme de protecteur à protégé, profitez alors de l'épuisement où l'aura jetée la guerre de Turquie pour faire votre œuvre avant qu'elle puisse la troubler. Quoique je ne fasse aucun cas de la sûreté qu'on se procure au-dehors par des traités, cette circonstance unique vous forcera peut-être de vous étayer, autant qu'il se peut, de cet appui; ne fût-ce que pour connoître la disposition présente de ceux qui traiteront avec vous. Mais ce cas excepté, et peut-être en d'autres temps quelques traités de commerce, ne vous fatiguez pas à de vaines négo

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