nous a fait perdre, outre l'Alsace et la Lorraine, 550,000 habitants, par l'excédant des décès sur les naissances en 1870 et 1871.

« L'année 1872 avait présenté un résultat plus consolant. Les naissances s'étaient accrues, les décès avaient diminué, les mariages avaient atteint le chiffre le plus élevé qu'on ait vu, et l'excédant des naissances sur les décès avait été de 172,936. C'était encore bien peu, sans doute, en comparaison des nations qui nous avoisinent, mais enfin c'est un signe favorable après tant de malheurs, et on pouvait espérer qu'avec le maintien de la paix la nation reprendrait peu à peu sa progression normale.

« Le tableau du mouvement de la population en 1873, publié dans l'Annuaire de l'Économie politique, vient de démentir cette espérance. L'excédant des naissances sur les décès n'a plus été que de 101,776, et les symptômes les plus inquiétants se sont reproduits. Dans 25 départements, les décès ont excédé les naissances. Ce triste résultat est dû à la fois à la diminution des naissances et à l'augmentation des décès.

« On voit que les naissances ont diminué, d'une année à l'autre, de 19,636, et que les décès se sont accrus de 51,524.

« Je ne veux pas entrer aujourd'hui dans l'examen des causes. La principale a dû être la mauvaise récolte de 1873, mais elle n'est pas la seule, puisque la réduction est permanente et semble prendre le caractère d'une loi. Cette recherche sera nécessairement très-longue et très-complexe. Elle doit être constante, à la fois locale et générale, comme le mal lui même. Je me borne, pour le moment, à la provoquer. Le public français paraît avoir pris son parti de la réduction de la population comme de l'augmentation du budget, deux faits qui ne sont peut-être pas aussi étrangers l'un à l'autre qu'ils en ont l'air. Cette insouciance doit avoir un terme. Il y va de l'existence même de notre nation, car: « Il n'y a pas, comme le disait déjà Rousseau au XVIIIe siècle, de pire disette pour un État que celle des homines ». Pendant que nous restons stationnaires ou que nous reculons, l'Angleterre et l'Allemagne s'accroissent chacune de plus de 400,000 âmes par an, ce qui fait 4 millions en dix ans.

« Je joins ici le tableau des naissances et des décès en 1873, tel qu'il a paru dans l'Annuaire, avec l'indication de la différence pour chaque département. On y puisera des renseignements utiles pour l'enquête devenue plus que jamais nécessaire. On remarquera, par exemple, que les départements de l'ancienne Normandie présentent de forts excédants de décès, et les départements bretons, au contraire, de forts excédants de naissances.

<< Recevez, etc.,

Versailles, 9 août 1876.

« L. DE LAVERGNE. »

(Suit le tableau de mouvement de la population en France, extrait de la notice de M. Loua, chef du bureau de la statistique générale, publié dans l'Annuaire de l'Économie politique et de la statistique pour 1876, qui vient de paraître, page 3, sur lequel M. de Lavergne a calculé les excédants de naissances et de décès pour les divers départements.)

III. NOTE DE M. JOSEPH GARNIER SUR LE MOUVEMENT DE LA

POPULATION EN FRANCE.

La presse a reproduit une lette de M. de Lavergne sur le mouvement de la population. Je demande à l'Académie la permission de lui communiquer les réflexions que m'a suggérées cette lettre qui a été très-remarquée, comme tout ce qui sort de la plume de notre savant confrère.

D'abord, il ressort des différences calculées par M. de Lavergne que la population, en 1873, est restée stationnaire ou à peu près dans trente départements, qu'elle a augmenté dans 47 et diminué sensiblement seulement dans une dizaine.

Il ne peut y avoir de discussion sur le chiffre des 550,000 habi

tants perdus par l'excédant des décès sur les naissances en 1870 et 1871.

Les effets de la guerre se sont continués en 1872 et 1873, La misère, commencée par les événements de 1870-71, n'est pas encore finie; tous les jours, les familles subissent des pertes par suite des privations éprouvées pendant la guerre et des maladies contractées à cette époque. Remarquons, de plus, qu'une partie des 550,000 disparus n'ont pas contribué à l'augmentation de la population.

Cette déperdition de 1870 et 1871 explique l'augmentation de 1872, qui s'est ralentie en 1873 par une réaction inverse et naturelle. Mais au lieu de juger ces résultats par années séparées, il est plus juste de les juger par la moyenne, qui ne sera tout à fait vraie que quand nous connaîtrons les chiffres de la période quinquennale 1872 à 1876, et notamment le recensement qu'on nous annonce pour les premiers jours de 1877, conformément à un vœu récent formulé par les sociétés de Statistique et d'Économie politique, et qui donnera l'effectif de la population de la France en 1876.

En l'état, si nous prenons la moyenne de 1872 et 1873, soit la moitié du total des deux accroissements (274,712), nous trouverons une augmentation moyenne annuelle de 137,356, qui n'a rien d'alarmant, et qui nous donne un accroissement de 1 million et un tiers de million en différences, à ajouter aux 36 millions actuels.

Il n'y a aucune nécessité à ce que les Français s'accroissent davantage; il est bon qu'ils ne s'accroissent que parallèlement au progrès des terres mises en culture, de la productivité des industries, de l'augmentation des épargnes et des débouchés de l'émigration. Que si toutes ces améliorations qui vont assez lentement se trouvaient, dans les dix ans, dépasser la proportion habituelle, il en résulterait simplement une plus grande aisance, ce qui est précisément le résultat à poursuivre.

Dans les pays où la population augmente lentement, la proportion des adultes, c'est-à-dire des producteurs, est plus forte que dans les pays où les naissances sont nombreuses et où ce sont surtout les enfants qui grossissent les chiffres de la population, et ceux aussi de la mortalité.

Mais, dit-on, en Angleterre et en Allemagne l'accroissement normal est de 400,000 par an, soit 4 millions en dix ans.

Il faut d'abord remarquer que l'émigration prend une forte portion de ces 400,000. Or, il y a beaucoup à dire sur ces exportations d'hommes qui enlèvent les plus intelligents, les plus vigoureux, les plus productifs, ainsi que les capitaux de la terre natale. Pour la différence, il n'y a rien à dire si l'Angleterre et l'Allemagne sont