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Nul autre motif que celui de faire cesser l'effusion du sang, et l'intérêt de ma patrie, ne m'ont dicté cette lettre.

Si je me présente sur le champ de bataille avec l'idée de vos talens, j'y porterai la conviction de combattre pour la plus sainte des causes, celle de la défense et de l'indépendance de ma patrie, et quel qu'en soit le résultat, je mériterai, milord, votre estime.

Agréez, etc.

Signé, le maréchal prince d'ЕCK MÜHL.

Une lettre pareille fut écrite à Blücher; voici sa réponse :

A mon quartier-général, le 1 juillet 1815.

Monsieur le maréchal, il n'est pas vrai que tous les motifs de guerre entre les puissances alliées et la France aient cessé parce que Napoléon a abdiqué; il n'a abdiqué que conditionnellement et en faveur de son fils, et les décisions des puissances réunies excluent du trône, non-seulement Napoléon, mais tous les membres de sa famille.

Si le général Frimont s'est cru autorisé à conclure un armistice avec le général ennemi qui lui était opposé, ce n'est point un motif pour

nous d'en faire autant. Nous poursuivons notre victoire, et Dieu nous en a donné la volonté et les moyens.

Prenez garde à ce que vous faites, M. le maréchal, et ne plongez pas encore une ville dans le malheur; car vous savez ce que le soldat irrité se permettrait, si votre capitale était prise d'as

saut.

Voulez-vous vous charger des malédictions de Paris, comme de celles de Hambourg?

Nous voulons entrer dans Paris, pour protéger les honnêtes gens contre le pillage, dont les honnêtes gens sont menacés par la canaille. Un armistice satisfaisant ne peut être conclu que dans Paris. Vous ne méconnaîtrez sans doute pas, M. le maréchal, cette situation où nous nous trouvons envers votre nation.

Au reste, M. le maréchal, je vous observe que si vous voulez traiter avec nous, il est singulier que vous arrêtiez, contre le droit des gens, nos officiers porteurs de lettres et de missions (*).

J'ai l'honneur d'être, dans les formes de la politesse convenue, M. le maréchal, votre dévoué serviteur,

Signé, BLÜCHER.

(*) A qui Blücher envoyait-il des officiers, dont le général en chef français ne devait pas connaître la mission? Était-ce à Fouché? Mais le maréchal Davoust n'aurait pas arrêté des dépêches adressées au chef du gouvernement français. C'étaient donc, et on n'en peut pas douter, des missions d'espionnage.

N° XXXVI.

Délibération de la commission du

gouvernement.

Du 1 juillet 1815.

La commission arrête ce qui suit :

ARTICLE 1.

M. le maréchal prince d'Eckmühl réunira ce soir, à neuf heures, à son quartier-général de la Villette, un conseil de guerre, auquel il appelera les officiers généraux commandant les corps d'armée sous ses ordres, qu'il croira susceptibles d'éclairer la délibération, ainsi que les officiersgénéraux commandant en chef l'artillerie et le génie.

ART. 2.

Tous les maréchaux présens à Paris, et le lieutenant-général Gazan, sont invités à se rendre au conseil et à concourir à la délibération.

ART. 3.

L'objet de la délibération se composera des ques

tions suivantes :

1° Quel est l'état des retranchemens et leur armement, tant sur la rive droite que sur la rive gauche de la Seine?

2° L'armée peut-elle défendre toutes les approches de Paris, même sur la rive gauche de la Seine?

3° L'armée pourrait-elle recevoir le combat sur tous les points à la fois?

4° En cas de revers, le général en chef pourraitil réserver ou recueillir des moyens, pour s'opposer à l'entrée de vive force?

5° Existe-t-il des munitions suffisantes pour plusieurs combats?

6° Enfin, peut-on répondre du sort de la capitale, et pour combien de temps?

ART. 4.

Il sera dressé procès-verbal de la délibération du conseil de guerre, et ce procès-verbal sera signé par MM. les maréchaux et officiers généraux présens.

ART. 5.

L'expédition de ce procès-verbal sera adres

sée, séance tenante, à la commission du gouverne

ment.

ART. 6.

Le ministre de la guerre cst chargé de la prompte exécution de cet arrêté.

Après que le conseil de guerre se fut séparé, on adressa au gouvernement un prétendu procèsverbal portant les réponses suivantes :

A la 1e question. - L'état des retranchemens et leur armement à la rive droite de la Seine, quoiqu'incomplet, est en général assez satisfaisant. Sur la rive gauche, les retranchemens peuvent être considérés comme nuls.

A la 2°. Elle le pourrait, mais non pas indéfiniment et elle ne doit pas s'exposer à manquer de vivres et de retraite.

A la 3°.-Il est difficile que l'armée puisse être attaquée sur tous les points à la fois; mais, si cela arrivait, il y aurait peu d'espoir de résistance.

A la 4.

Aucun général ne peut répondre

des suites d'une bataille.

A la 5°. Oui.

A la 6.

Il n'y a aucune garantie à cet égard.

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