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qu'on prenait, lorsque deux cents bataillons de garde nationale auraient pu être réunis à Orléans dans peu de jours! Il serait inutile de chercher à couvrir les erreurs du gouvernement provisoire, en les justifiant par des considérations politiques, quelques respectables qu'elles puissent être en elles-mêmes. Le souverain qu'on voulait rendre à la nation, aurait dû être appelé dans les rangs des Français armés pour défendre leur indépendance; derrière lui, une forêt de baïonnettes devait élever une barrière impénétrable aux prétentions de l'ennemi. Hors de là il ne pouvait y avoir que des malheurs à attendre et aucune garantie pour les éviter.

L'arrêté du 28, pris en conséquence de la loi qui mettait Paris en état de siége, ne présente également que des mesures insuffisantes pour la défense de la capitale. L'article 1 annonce que les approches seules de Paris seront défendues. Certes, l'intention de ne pas défendre la capitale de maison en maison, comme les Espagnols avaient fait à Saragosse, est tout-à-fait raisonnable; le sacrifice d'une ville comme Paris entraînait des conséquences trop calamiteuses pour qu'on pût en faire la proposition : mais pour en défendre les approches était-il nécessaire de n'y employer que les troupes de ligne, lorsque tant de gardes nationaux demandaient de marcher à l'ennemi? L'article 2 dit, il est vrai, que les légions ou bataillons de la garde nationale

pourront être employés, sur leur demande, avec les troupes de ligne. Mais les chefs des bataillons ou même des légions, auraient-ils voulu prendre sur leur responsabilité une demande isolée? se seraient-ils même crus autorisés à la faire, avant d'avoir l'assentiment, un par un, de leurs subordonnés? L'article 3 porte que les tirailleurs de la garde nationale, ou plutôt les fédérés, seront employés dans les postes les plus rapprochés de la capitale. Ne valait-il pas mieux les envoyer à l'armée, plutôt que de priver ainsi cette même armée d'un renfort de quinze mille hommes, qui demandaient tous les jours la permission de la rejoindre? Au reste cette question est devenue oiseuse par le fait, puisque les fédérés n'ont pas été armés. L'article 5 est indéfinissable. Comment! c'était le 28 qu'on se ressouvenait que l'armée du nord était à Soissons, où elle risquait d'être coupée de Paris, par la marche des armées ennemies! L'article 7 et l'article 8 étaient déjà devenus surabondans, puisqu'on n'avait pas donné aux armées du Rhin et du Jura l'ordre de se rendre à Paris, quand cela se pouvait, c'est-àdire le 23: il était facile de juger que le 28 elles étaient déjà coupées de la capitale et ne pouvaient plus y venir. Il en était de même de celle de la Vendée; on demandera seulement à quoi elle servait de réserve. Ce court exposé renferme toutes les mesures de défense qu'a prises le gouvernement provisoire, et les questions qui peu

vent naître de l'examen de ses actes. Le lecteur les résoudra comme il le jugera convenable.

Nous avons vu que, dès le 24, les plénipotentiaires chargés de négocier au nom du peuple français, étaient partis de Paris. Les instructions dont ils étaient porteurs étaient entièrement basées sur les déclarations des coalisés, et reposaient sur l'indépendance nationale et l'intégralité du territoire (*). Le 25, ils arrivèrent à Laon, d'où ils firent prévenir Blücher et Wellington de leur arrivée et de leur mission. Le 26, ils eurent une entrevue avec deux officiers de l'étatmajor de Blücher. Ce dernier, pour conclure un armistice, demandait non-seulement toutes les places de la Flandre, mais celles de la frontière orientale, y compris Metz et Thionville. Il eut même l'impudeur de faire dire, qu'elles seraient plus sûrement gardées dans ses mains que dans celles des généraux français. Blücher et ses deux acolytes prétendaient toujours que les coalisés ne voulaient pas se mêler du gouvernement de la France; mais qu'ils voulaient être maîtres de la personne de Napoléon. La demande de la remise des places fortes fut écartée, comme outrepassant les pouvoirs des plénipotentiaires; cependant Blücher et Wellington se montrèrent disposés à recevoir des commissaires spéciaux, chargés de négocier un armistice. Les plénipo

(*) Voyez Pièces justificatives, No XXXI.

tentiaires rendirent compte de cette conférence au gouvernement, et ajoutèrent dans leur rapport, que l'évasion de Napoléon, avant l'issue des négociations, serait regardée comme une mauvaise foi de notre part, et pourrait compromettre essentiellement le salut de la France. Le 27, ayant reçu leurs passe-ports, ils partirent de Laon, se dirigeant à Mannheim par Metz. Wellington répondit le lendemain à M. Bignon, pour refuser le sauf-conduit de Napoléon (*).

Arrivés à Kayserslautern, le maréchal Barklay de Tolly prévint les plénipotentiaires que les souverains avaient dépassé Mannheim. Alors ils changèrent de route, et, le 30 juin, ils arrivèrent à Haguenau. Les souverains coalisés refusèrent de les recevoir, et nommèrent des commissaires pour traiter avec eux. Ce furent le comte Wallmoden, pour l'Autriche, le comte Capo d'Istria, pour la Russie, et le général Knesebeck, pour la Prusse; le général lord Stewart, quoique sans mission spéciale, prit part à la conférence, et y joua même le rôle principal, comme représentant l'Angleterre, chef de la coalition par ses subsides. La négociation, si on peut donner ce nom à une conversation assez impérieuse, où lord Stewart permit à peine aux autres commissaires coalisés de placer quelques observations, fut courte. Nos plénipotentiaires exposèrent la situa

(*) Voyez Pièces justificatives, No XXXII.

tion nouvelle où se trouvait la France, par l'abdication de Napoléon, et demandèrent la cessation des hostilités, le but de la guerre étant rempli. Cette interpellation, faite à la loyauté des coalisés, ne fut et ne devait être qu'une tentative inutile; lord Stewart y répondit par des subterfuges. Il demanda d'abord de quel droit l'assemblée législative avait déposé son souverain. Cette demande seule, après le traité du 25 mars, et la déclaration qui l'avait expliqué, caractérisait la politique de la coalition, et présageait les actes qui devaient suivre. Les coalisés n'avaient-ils pas demandé cette abdication, qui, disaient-ils, était le but unique de leurs hostilités? Nous n'ajouterons aucune réflexion à ce peu de mots : il était, dès ce moment, indubitable que toutes les déclarations les plus solennelles et les droits les plus sacrés des nations allaient être foulés aux pieds. A cette question si révoltante, lord Stewart ajouta peu après une grossièreté, en traitant l'armée française d'une bande de traîtres. Comment a-t-il pu proférer ces expressions sans rougir? Comment n'a-t-il pas été pénétré de la vérité accablante, que le ministère anglais a perdu le droit de reprocher, à quelque individu que ce soit au monde, la trahison ou la perfidie. Cette négociation pénible et si peu honorable pour les commissaires de la coalition, termina le 1o juillet, à neuf heures du matin, par la remise officielle d'une note, qui devait contenir la réponse des

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