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che de se retirer ailleurs, eut recours à d'autres moyens. A chaque instant, des avis, tantôt de jour, tantôt de nuit, venaient annoncer à Napoléon des conspirations contre sa personne. Il méprisa ces avis, car il savait bien que les Français ne sont pas assassins; mais il sentit que son séjour dans une maison impériale pouvait jeter des doutes sur la bonne foi de son abdication, et le 25, à midi, il partit pour la Malmaison; de là il prit congé de l'armée, par une adresse qui n'a été publiée que dans un seul journal (*). Son premier projet avait été de se retirer en Angleterre; quelques personnes, qui connaissaient mieux les Anglais, le dissuadèrent. Alors il demanda au ministre de la marine un état des bâtimens prêts à partir pour l'Amérique. Ce dernier l'envoya, et en recommanda un, qui était au Hâvre, et dont le capitaine attendait à Paris sa décision. Napoléon, ne se fiant pas à l'offre qui lui était faite, refusa. Fouché, instruit de son refus, lui fit insinuer qu'il fallait partir. Napoléon répondit qu'il était prêt, et demanda deux frégates. Le ministre de la marine, qui eut ordre de les préparer à Rochefort, destina la Saale, capitaine Philibert, et la Méduse, capitaine Poncé. L'amiral Violette devait d'abord commander cette expédition; se trouvant absent, elle fut confiée au capitaine Poncé. Mais le gouvernement, qui avait donné

(*) Voyez Pièces justificatives, N° XXIX.

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à ses plénipotentiaires des instructions au sujet de Napoléon, voulant en attendre le résultat, et une réponse sur le sauf-conduit qui avait été demandé, suspendit le départ; il prit même la mesure d'envoyer le général Beckers à la Malmaison.

Le 27, le ministre de la marine vint annoncer à Napoléon que les ennemis s'avançaient et qu'il fallait partir sans sauf-conduit. Napoléon, frappé de l'imprudence que commettaient les généraux ennemis, envoya alors le général Beckers à Paris, offrir au gouvernement de le mettre momentanément à la tête de l'armée, pour éloigner l'ennemi de la capitale, et faciliter par-là les négociations (*). Il était si persuadé de la justesse de ses vues, qu'il avait fait commander des chevaux. Fouché se récria hautement, et décida (malgré Carnot) ses collègues à refuser: alors Napoléon chargea le général Flahaut d'aller concerter son départ avec le gouvernement. Ce général eut, aux Tuileries, une altercation avec le maréchal Davoust, qui s'écria: « S'il ne part pas à l'instant, je le « ferai arrêter, je l'arrêterai moi-même. » Cette altercation finit par une menace de punition, à laqucile le général Flahaut répondit en donnant sa démission. Cet incident irrita Napoléon, qui voulut se présenter à l'armée. On l'en détourna, et son départ fut fixé à la nuit du 27 au 28. Mais le

(*) Forez Pièces justificatives, No XXX.

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gouvernement, qui venait de recevoir une dépêche de ses plénipotentiaires, qui annonçait que le départ de Napoléon, avant l'issue des négociations, serait regardé comme un acte de mauvaise foi, le retint encore. Cependant on avait reçu l'avis que Blücher cherchait à enlever Napoléon, et qu'il avait dit : « Si je puis attraper Bonaparte, je le ferai pendre à la tête de mes colonnes. » Cette lâcheté était dans le caractère de l'Arioviste prussien. Le gouvernement se trouva dans la perplexité. Napoléon pouvait se mettre à la tête de l'armée. L'armée pouvait aller le chercher, ou il pouvait tomber entre les mains d'un ennemi sans foi. Ce dernier danger était cependant le moins à craindre, les troupes les plus voisines de la Malmaison veillaient à la sûreté de Napoléon.

Enfin le gouvernement fut tiré d'embarras, par le refus que fit Wellington d'un sauf-conduit. Le 29, à trois heures et demie du matin, le ministre de la marine vint en prévenir Napoléon, qui partit dans la journée pour Rochefort. Durant ce voyage, qui se fit lentement, Napoléon rejeta toutes les offres qui lui furent faites. En arrivant à Rochefort, le 8 juillet, il se trouva que les Anglais, prévenus, avaient eu le temps d'amener une escadre devant la rade. L'amiral anglais ayant. refusé les garanties qu'on lui avait demandées, et l'impossibilité d'échapper au blocus étant reconnue, Napoléon s'était décidé à s'embarquer à bord d'un américain, qui était à l'embouchure

de la Gironde, et qui avait promis de le soustraire à ses ennemis. Mais d'autres conseils prévalurent, et, le 15, il se rendit aux Anglais. Le général Beckers voulait l'accompagner à bord de l'amiral. Retirez-vous, général, lui dit Napoléon, je ne veux pas qu'on puisse croire qu'un Français est venu me livrer à mes ennemis. »

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En examinant les mesures prises par le gouvernement provisoire, on se convaincra facilement qu'elles étaient loin de correspondre à l'objet qu'on paraissait avoir en vue, et qu'elles ne remplissaient pas les intentions exprimées dans les résolutions des chambres, du 22 juin. Il semble que le gouvernement, décidé à négocier avec les chefs des deux armées les plus voisines de Paris, ne jugea pas à propos de déployer une force, dont le but serait de forcer Blücher et Wellington d'attendre l'arrivée de tous les souverains.

En effet, la résolution précitée portait, que la guerre était nationale, et que tous les Français étaient appelés à la défense de la patrie. La conséquence de cette déclaration devait être de prendre les mesures les plus promptes, afin de réunir des forces assez considérables pour appuyer les négociations qu'on voulait entreprendre. Il aurait donc fallu ordonner la mobilisation immédiate de toute la garde nationale des départemens, la formation en bataillons de celle qui était armée de fusils de calibre, et la levée en masse du reste. Il aurait fallu ordonner la réunion à marches for

cées de ces bataillons derrière la Loire, et y transporter sans délai le siége du gouvernement. Parlà on réunissait une force imposante, et, pendant que l'armée du nord défendrait les approches de Paris et le passage de la Seine, on gagnait le temps d'attendre l'arrivée des souverains coalisés; alors on pouvait traiter avec tous. Ce qu'il fallait surtout éviter, était de conclure une convention quelconque avec deux généraux, dont les stipulations ne présentaient aucune espèce de garantie, puisqu'ils pouvaient être désavoués.

Au lieu de prendre ces mesures, que réclamaient les intérêts de la France, que fit le gouvernement provisoire? Il décréta une conscription, ou plutôt la levée du restant des conscrits appelés. le 9 octobre 1813, et qui ne s'étaient pas mariés depuis. En admettant que la moitié de ces conscrits n'ait pas marché en 1814, il en serait resté quatre-vingt mille, dont moitié sans doute étaient ou mariés, ou compris dans la garde nationale mobile des départemens qui étaient ou allaient être envahis. Qu'on y ajoute encore qu'il fallait près de deux mois, pour que l'appel et la révision de cette conscription fussent faits et que les conscrits, eussent rejoint l'armée; qu'il fallait encore le temps de les équiper et de les instruire. Il résultera alors de tous ces faits incontestables, que le décret du gouvernement préparait dans l'espace de deux mois, à la France, une levée de quarante mille hommes au plus: et ce sont de telles mesures

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