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de suite en mouvement, le 3o et la cavalerie suivirent; après le départ des troupes, devait se faire l'évacuation des bagages et des blessés. C'est ici le lieu de porter aux habitans de Namur le tribut d'éloges, que mérite leur conduite généreuse et fraternelle envers nos troupes; les soins qu'ils prirent des blessés, et le zèle cordial avec lequel ils s'empressèrent de fournir tous les secours et les transports nécessaires, ne peuvent être oubliés par des Français.

Pendant que nos troupes se retiraient de Namur, le corps de Pirch s'était déployé en entier devant la place, et s'était engagé avec nos troupes. Il fit commencer l'attaque par la division Kraft, qui peu après fut appuyée par la division Brause. Voyant que nos troupes rentraient successivement dans Namur, et que bientôt elles lui eurent abandonné le champ de bataille, son ardeur redoubla et il voulut essayer d'emporter la place d'assaut; en même temps il voulut tenter le passage de la Sambre vers Flavinne. Ni l'un ni l'autre ne réussit; la rivière était trop profonde, et la division Teste tint ferme. Le combat dura jusqu'à huit heures du soir; alors, tout étant évacué, et les hauteurs de Dinant et de Bouvigne occupées par nos troupes, le général Teste quitta Namur, sans perte qu'un petit nombre de tués et de blessés. Le 2o corps prussien perdit devant Namur mille six cent quarante-six hommes, dont soixante officiers, d'après ses propres rapports. Le général

Pirch détacha le lieutenant-colonel Sohr, avec deux bataillons, les 3o et 5o régimens de hussards et une batterie, pour suivre la division Teste. L'officier prussien avait l'ordre de reconnaître simplement la position du corps du maréchal Grouchy, et de rejoindre l'armée prussienne par Florennes et Walcourt.

Nous croyons devoir ajouter quelques considé rations, à ce que nous avons déjà dit sur la conduite stratégique du maréchal Grouchy; mais ce ne sera qu'une récapitulation des faits et des réflexions que ces faits peuvent produire. Ce résumé est nécessaire, pour fixer l'opinion sur les véri→ tables causes des désastres de Waterloo. Personne parmi nous ne songera certainement à élever des soupçons sur le zèle ardent et sur la loyauté avec laquelle le maréchal Grouchy servait sa patrie à cette époque. Mais il ne peut être révoqué en doute, que l'armée prussienne n'ait échappé le 18 au maréchal Grouchy (*), et que le manque de coopération de notre aile droite, n'ait été la principale et même la seule cause de la perte de la bataille; l'opinion est d'accord avec les faits sur ces deux points. Voyons donc s'il est possible de déterminer, si, et jusqu'à quel degré le ma-

(*) On voit, par la lettre que nous avons déjà rapportée (Pièces justificatives, N° XVII), que le maréchal Grouchy ne s'était pas fait éclairer par la gauche, et n'avait pas eu connaissance de la colonne prussienne qui était passée par Gentines, c'est-à-dire, des corps de Ziethen et de Pirch.

réchal Grouchy peut être accusé d'avoir contribué, par sa conduite stratégique, à amener ces deux circonstances fatales.

Nous avons déjà vu que le 17 au matin, lorsque Napoléon se mit en mouvement vers les QuatreBras, il avait ordonné au maréchal Grouchy de suivre les Prussiens, avec les troupes de l'aile droite. On assure que le maréchal avait l'ordre de ne pas dépasser Gembloux. Nous accorderons volontiers cette restriction, qui nous paraît même avoir dû exister dans le premier ordre. En effet, Napoléon ayant appris que les Anglais étaient encore aux Quatre-Bras, jugea, puisque le maréchal Ney ne les avait pas attaqués, que Wellington pouvait avoir l'intention d'y livrer une bataille. L'armée anglo-batave réunie était assez forte pour hasarder le sort des armes (*). Dans cette situation probable, l'occupation de Gembloux réunissait un double avantage : d'abord, l'aile droite était assez éloignée pour pouvoir tenir les Prussiens hors de portée du champ de bataille, et ne l'était pas trop, pour pouvoir y détacher des troupes, en cas qu'elles fussent nécessaires; en second lieu, Gembloux étant sur la communication directe de Namur à Bruxelles, c'était de là, bien mieux que de tout autre point, qu'on pouvait reconnaître la véritable direction de retraite

(*) Elle comptait quatre-vingt-dix mille hommes d'infanterie et seize mille chevaux.

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des Prussiens. Mais en admettant que le maréchal Grouchy ait d'abord reçu l'ordre de ne pas dépasser Gembloux, la circonstance même qu'il ne reçut pas celui qui lui fut adressé plus tard, de se diriger sur Wavre, cette circonstance, disje, ne nous paraît pas le justifier stratégiquement d'avoir arrêté son mouvement le 17. Un maréchal n'est plus dans la classe des officiers subalternes, dont tous les mouvemens sont réglés par des ordres écrits; ceux qu'il reçoit sont toujours accompagnés d'instructions explicatives et de la latitude d'action que comporte et qu'exige même l'importance de son commandement. Il n'est d'ailleurs pas croyable que Napoléon, en se séparant du maréchal Grouchy, ne lui ait pas fait connaître ce qu'il attendait de l'aile droite, et ce qu'il entendait faire lui-même: la supposition qu'il ait voulu abandonner le résultat qu'il attendait des opérations de l'aile droite, au hasard de l'arrivée d'un officier d'ordonnance, ne peut pas être admise; il est donc bien évident que le maréchal Grouchy n'a jamais pu être privé du droit d'interpréter la lettre de ses ordres, en suivant l'intention qui les avait dictés; sans ce droit, son commandement aurait été illusoire.

D'après ces données, voici à notre avis l'interprétation dont étaient susceptibles les ordres que l'empereur Napoléon avait donnés au commandant de son aile droite. L'armée prussienne n'avait que deux directions de retraite à prendre : celle

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de Namur, pour rester sur sa première ligne d'opérations, et celle de Wavre, pour rentrer dans la ligne d'opérations de Wellington, soit à Louvain, soit à Bruxelles même. Dans le premier cas, l'ordre de s'arrêter à Gembloux devenait impératif; car il n'était pas possible que l'aile droite s'avançât seule dans la direction de Liége, tandis que le restant de l'armée marchait à Bruxelles. Mais dans le second cas, cet ordre ne pouvait plus être que conditionnel, et devait recevoir son interprétation de la situation même où allaient se trouver les deux armées. Les Anglais n'avaient pas tenu aux Quatre-Bras, et il n'y avait par conséquent pas eu de combat; le maréchal Grouchy le savait, avant de quitter Sombref. Il était donc évident que Napoléon, avec le gros de son armée, marchait, par Genappe, dans la direction de Bruxelles, et par conséquent s'éloignait. Dès lors il était nécessaire de serrer de près l'armée prussienne, afin de pouvoir suivre tous ses mouvemens, et pouvoir en rendre compte, pour ainsi dire d'heure en heure, à soi-même et au général en chef. Le maréchal Grouchy savait, depuis neuf heures du matin, que le corps de Bülow était à Gembloux. Le général Pajol, qui était à Saint-Denis, tournait déjà la gauche de ce corps; il aurait donc fallu se porter sur lui en deux colonnes, l'une directement, et l'autre par la route romaine. La défaite du corps de Bülow, tourné par les deux ailes, était immanquable, et sa dé

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