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entre des cités unies forcément les unes aux autres, au lieu de liens d'amitié, des éléments de guerre civile.

On parle de fraternité; on craint qu'elle ne soit affaiblie par la rivalité qui existe presque toujours, diton, entre les communes voisines et divisées d'intérêts. L'association forcée de ces intérêts serait assurément une pépinière de procès bien plus fertile que leur distinction. Où n'arriverait-on pas d'ailleurs en suivant ce raisonnement? La centralisation s'étendrait de proche en proche et ne s'arrêterait sans doute que lorsque la nation entière ne formerait plus qu'une seule com

mune.

Les démagogues sont des centralisateurs effrénés. En haine de la commune, ils nous mènent droit au communisme. Assurément leurs plans n'obtiendront pas une complète réalisation. L'État n'absorbera pas, quoi qu'ils fassent, la famille, la commune, l'industrie, la propriété, la conscience; des excès de l'individualisme nous ne passerons pas à ceux du socialisme, et la liberté humaine sortira victorieuse des assauts que lui livre l'exagération de l'unitarisme; mais les vrais principes sur la distinction de l'État et de la commune courent le risque d'être altérés dans un sens anti-libéral. Ce qui est en péril aujourd'hui, c'est moins l'unité que la liberté; respectons-la dans sa base fondamentale, dans l'existence de la commune telle que les traditions séculaires l'ont établie.

Toutes les fois donc qu'il s'agira de réunir plusieurs communes en une seule ou de distraire une section de commune, soit pour la réunir à une autre, soit pour l'ériger en commune séparée, il faut que les conseils

municipaux, les conseils cantonaux, le conseil général, soient successivement consultés, et que l'administration du département ne statue qu'après une enquête préalable faite dans les communes intéressées tant sur le projet en lui-même que sur ses conditions.

Si le projet ne concerne qu'une section de commune, une commission syndicale élue par les électeurs municipaux domiciliés dans la section doit être appelée à intervenir et à donner son avis.

Les réunions et distractions de communes intéressant l'État tout entier doivent être prononcées par l'Assemblée nationale sur l'avis affirmatif du conseil général du département. Le pouvoir souverain de cette assemblée ne va même pas jusqu'à autoriser la dislocation d'une commune, qui serait exposée par là à perdre ses conditions d'existence.

Quant aux édifices et autres immeubles communaux, ceux qui servent à un usage public passent à la commune à laquelle est faite la réunion, ou restent la propriété de la commune érigée. Mais les habitants de la commune réunie à une autre commune doivent conserver les propriétés privées dont les fruits sont perçus en nature ou affermés à prix d'argent.

Dans ces limites, le droit de réunion et de division des communes est compatible avec le principe de l'inviolabilité de leur existence civile.

L'obstacle que l'exiguïté et l'indigence des communes opposent aux œuvres de prévoyance et d'assistance publique peut d'ailleurs être corrigé dans une certaine mesure par le conseil cantonal, création féconde, il faut l'espérer, en améliorations pratiques.

CHAPITRE III

DU MODE DE NOMINATION DES OFFICIERS MUNICIPAUX.

SOMMAIRE

Élection, droit commun de la France. Capitulaires. Ordonnance de Saint Louis. Réclamation des pays d'État. Créations d'offices de maires. Édits de 1764, 1765, 1771. Lois de 1789 et de l'an VIII. Lois de 1831. Trois systèmes en présence. Statistique. Principes. Législations étrangères. Réfutation de trois objections: 1o dangers de la démagogie, 2o mauvaise administration des maires élus, 30 attributions déléguées aux maires par le gouvernement. Moyens d'obvier aux abus; agents de police cantonaux, droit de révocation.

La libre élection par les habitants des administrateurs de la commune constitue l'essence même des franchises communales.

Les capitulaires' font foi de l'intervention du peuple dans l'élection des magistrats municipaux dès les premiers siècles de notre histoire. La plupart des villes du Midi possédaient, même avant l'établissement de la monarchie, cette prérogative qui leur était reconnue

1 Capitulaire de Dagobert (630). art. 41. Capitulaire de Charlemagne (809), art. 22. Capitulaire de Louis-le-Débonnaire (849). Capitulaire de Charles-le-Chauve (877).

sous la domination romaine; et les villes nouvellement fondées, par exemple Montauban, bâtie au milieu du douzième siècle, furent investies du droit d'élire leurs consuls par les chartes de fondation'.

L'ordonnance de Saint Louis, de 1256, dispose, art. 1er Les maires seront élus en France le lendemain de la saint Simon-saint Jude.

C'était le droit commun de la France: « Les habi<< tants des villes étaient ordinairement désignés sous << le nom de bourgeois; les affaires publiques étaient « confiées à des magistrats élus par eux et tirés de « leur corps 2 >>

Les communautés ne connaissaient d'autres administrateurs que leurs consuls3.

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De la fin du dix-septième siècle jusqu'au milieu du dix-huitième, survint une série d'édits qui créa, dans des vues fiscales, des offices de maires.

La plupart des parlements des pays d'État firent à ce sujet des remontrances énergiques. « Il est impossible, disait le parlement de Provence, il répugne aux premières idées de la raison, qu'une nation conserve le droit de pourvoir à son administration municipale, et qu'elle perde la faculté d'élire ses administra

teurs.

1 Voyez RAYNOUARD, Hist. du droil municipal, t. II, p. 77 à 260. PAQUET, Inst. comm., t. II, ch. 1, p. 483.

2 Ordonnances des rois de France, t. II, préface, p. 3. 3 CORIOLIS, De l'administration de la Provence, t. III, p. 193 et 194

* Édits d'août 1692, mai 1702, décembre 1706, octobre 1707, septembre 1714, juin 1717, août 1722, novembre 1730.

« Ces facultés utiles au bien commun, reste de la liberté qui traça le plan des premières sociétés politiques, ont été maintenues dans les différents âges et les différentes révolutions du monde.

« Et à ne consulter d'ailleurs que le droit naturel qui commande aux souverains et aux sujets, aux législateurs et à ceux qui reçoivent des lois, des sociétés qui s'assemblent pour délibérer, qui ont des intérêts communs à ménager, des finances à régir, des domainaines à faire valoir, des fournitures à avancer, à liquider et à répéter, des dettes à payer et des créances à exiger, qui plaident, qui transigent, doivent avoir nécessairement la faculté de proposer des citoyens dignes de la confiance publique à une administration qui fait le salut de tous, et d'où dépend en partie la fortune de chaque famille. >>

Turgot reconnut la justesse de ces griefs, et, par les édits d'août 1764 et mai 1765, rendit aux habitants le droit d'élire leurs maires; mais l'édit de novembre 1771 rétablit les offices municipaux.

A son tour l'Assemblée constituante fit revivre par la loi du 14 septembre 1789 le principe de l'élection des maires et des conseillers municipaux. Ce régime fut maintenu, sauf quelques modifications secondaires, jusqu'à la Constitution de l'an VIII, qui mit dans les mains du gouvernement toutes les fonctions municipales, sans mentionner, même pour mémoire, les droits des habitants des communes.

Des idées plus libérales ne commencèrent à se faire jour que vers la fin de la Restauration. Le projet de conciliation présenté en 1829 par M. de Martignac

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