Page images
PDF
EPUB

Ainsi, dans la comptabilité comme dans l'assiette et dans la perception des contributions, les communautés jouissaient d'une liberté réelle. Il y avait des avantages incontestables dans un système qui consolidait les intérêts généraux, en leur donnant, pour garantie solidaire des recouvrements à effectuer contre chaque contribuable, la communauté, le diocèse et la province, et les intérêts des localités qui faisaient frapper l'impôt à leur gré sur les produits les plus convenables, et mettaient dans la répartition, dans le recouvrement et dans la comptabilité des deniers de l'intelligence et de l'équité.

Mais d'une part les impôts s'accroissaient outre mesure, par l'effet des facilités qu'on avait à en établir. Les communes étaient écrasées par l'intérêt de leur dette. Venaient ensuite les impositions, qualifiées royales, c'est-à-dire la capitation, les vingtièmes, les sous pour livre, les dons gratuits, l'entretien de la maréchaussée, la milice, les rentes domaniales, etc. Les subsides à fournir aux hôpitaux, aux colléges, aux académies et aux églises formaient encore un autre objet de dépenses extrinsèques, auxquelles se joignaient tous les petits impôts d'usage. Le traitement du gouverneur dans les capitales des provinces, le logement de l'intendant, l'indemnité accordée à son secrétaire, les gratifications aux maîtres de poste, les robes, les chaperons, les jetons et les frais de voyages des échevins, les présents de cour et les banquets, tout cela concourait à écraser les contribuables.

Et comme ceux qui tenaient seuls les cordons de la bourse étaient ceux qui profitaient des dépenses, non

seulement les dépenses étaient exagérées, mais elles étaient souvent injustement réparties, mal réglées et donnaient lieu à des fâcheuses responsabilités 1.

Édits de 1683, de 1763 et 1764.

Louis XIV voulut remédier à ces abus par le célèbre édit de 1683, que l'on considère avec raison comme l'origine des états annuels des recettes et dépenses qui ont reçu de nos jours le nom de budget.

L'art. 1er de cette loi porte en substance:

1° Que les maires, échevins, consul et autres personnes ayant l'administration des biens, droits et revenus des villes et gros bourgs fermés dans les généralités de Paris, Amiens, Soissons, Châlons, Orléans, Bourges, Tours, Poitiers, Moulins, Lyon, Niort, Grenoble, Rouen, Caen, Alençon, Limoges, Bordeaux et Montauban, seront tenus de remettre dans le délai de trois mois aux intendants l'état de leurs revenus, avec les baux des dix dernières années, les comptes qui en ont été rendus, et les pièces justificatives;

2o Que, sur la représentation de ces actes, il sera dressé par les intendants un état des dépenses ordinaires des communautés, avec l'indication d'un fonds certain fixe et annuel pour l'entretien et les réparations

1 Nous avons considéré le bien et le soulagement de nos peuples pour abolir et retrancher les saisies et les contraintes qui se faisaient contre les maires et échevins... des villes et communautés qui avaient contracté les dettes, ensemble les recours de garanties et les emprisonnements desdits officiers et habitants des villes les uns contre les autres (Préambule de l'édit de 1683).

des ponts, du pavé, des murailles, et pour les autres dépenses municipales, à la charge d'en rendre compte en la manière accoutumée.

Suivant le même édit, ces états de situation financière étaient arrêtés par les intendants, quand ils n'excédaient pas 4,000 fr., pour les villes où il existait des cours souveraines; 2,000 fr. pour celles qui ne renfermaient dans leur enceinte que des tribunaux inférieurs; 1,000 fr. pour les moindres villes, et 500 fr. pour les bourgs fermés. Au-delà de ces limites, les états devaient être envoyés par l'intendant avec son avis, au conseil du roi, pour y être pourvu comme il appartiendrait.

A ces dispositions de l'édit de 1683, restrictives de la latitude des dépenses communales, les édits de mars 1763 et août 1764 en joignirent d'autres dans la vue. de'régulariser la comptabilité communale.

Les deniers communaux durent être versés dans une caisse fermant à trois clefs, dont l'une était gardée par l'un des officiers municipaux, la seconde par un notable et l'autre par le receveur. C'étaient les notables qui fixaient le lieu où la caisse devait être placée, et qui réglaient la somme que le receveur pouvait en tirer pour subvenir aux dépenses quotidiennes. Il ne lui était pas permis de garder entre ses mains une somme plus forte, sous peine de destitution'. Les deniers d'octrois étaient déposés dans la même caisse. En cas d'excédant des recettes sur les dépenses, les notables proposaient l'emploi qui en pouvait être fait dans l'intérêt de la

1 Edit d'août 1764, art. 27.

commune, et le roi prononçait d'après l'avis de l'intendant.

Le receveur ne pouvait rien payer que sur les mandements signés du maire et d'un échevin au moins et du secrétaire-greffier, et, en cas d'absence du maire, de deux échevins et du secrétaire', quoique les mandements dussent être enregistrés avant toute exécution. Le receveur était encore tenu de les rappeler dans un registre différent, coté et paraphé par un officier municipal, où il portait jour par jour et sans aucun blanc tous les articles de recette et de dépense dont il répondait. Au commencement de chaque mois, il faisait viser par un échevin l'état particulier des recettes et dépenses effectuées pendant le dernier mois, et il devait se tenir prêt à rendre dans le courant du mois de mars son compte général de l'année.

Ce compte n'était plus rendu, comme autrefois, à des auditeurs élus; mais, après avoir été examiné et vérifié par une assemblée de notables, il était rendu en forme par-devant les juges du bailliage ou de la sénéchaussée, qui, sur le vu des pièces justificatives et les conclusions du procureur du roi, les vérifiaient de nouveau et les arrêtaient sans droits ni frais. Cette formalité n'empêchait pas que, d'une part, le procureur du roi ne se pourvût au parlement contre l'allocation des articles qu'il jugeait susceptibles de rejet, et que, d'un autre côté, l'intendant n'adressât l'extrait du compte, avec ses observations, au contrôleur général, pour tenir le gouvernement instruit de la situation financière de la

[merged small][ocr errors]

commune, et mettre le prince à portée de remédier au désordre quand il y en avait1. Les deniers d'octrois faisaient l'objet d'un compte particulier qui n'était rendu que tous les trois ans au bureau des finances et à la chambre des comptes. Enfin le receveur était obligé de fournir une caution telle qu'elle avait été réglée dans l'assemblée qui avait pourvu à sa nomination; quant à son traitement, c'était encore le roi qui fixait la remise proposée pour en tenir lieu, d'après une délibération de l'assemblée des notables, et sur l'avis donné par l'intendant au contrôleur général des finances $.

Système moderne.

La législation de Louis XIV, qui eut, comme on le voit, pour objet de centraliser l'administration financière des communes, a été maintenue et étendue par les lois publiées depuis la révolution.

L'état des recettes d'une commune doit comprendre toutes les ressources financières dont elle dispose, et qui se composent des recettes ordinaires et extraordinaires. Les premières sont les revenus des biens immeubles et des titres actifs, les centimes additionnels aux contributions, les octrois et autres perceptions autorisées par les lois; les autres sont les emprunts, les dons et legs, les impositions extraordinaires et autres recettes accidentelles".

1 Édit d'août 1764, art. 35, 40 et 41.

2 LEBER, Hist. crit. du pouvoir municipal, p. 601.

Art. 34 et 32 de la loi du 18 juillet 1837.

« PreviousContinue »