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La disposition par laquelle le tribunal ordonne ou refuse l'expertise se trouvant nécessairement liée avec celle qui ordonne le partage ou la licitation, et celle-ci ayant un caractère définitif, l'appel de ce jugement doit suspendre les opérations du partage ou de la licitation. Il en serait autrement si l'on n'attaquait que le mode d'expertise ordonné par le tribunal, l'appel des jugements simplement préparatoires n'étant permis qu'après le jugement définitif.

$ 4. De la composition de la masse et du règlement des comptes devant le notaire.

Si la demande en partage n'a pour objet que la division d'un ou de plusieurs immeubles sur lesquels les droits des intéressés sont déjà liquidés, les lots peuvent être immédiatement composés par les experts s'il en a été nommé, et tirés au sort après l'entérinement de leur rapport (975). Mais ce cas est le plus rare. Le plus souvent les droits des parties ne sont pas liquides, en ce sens qu'il y a des rapports à effectuer, des restitutions de fruits à faire, etc. Ces droits doivent être réglés préalablement, puisqu'ils doivent nécessairement influer sur la formation des lots. On sait en effet que dans nombre de cas les rapports ne s'effectuent qu'en moins prenant; qu'alors les parties qui n'ont pas reçu d'avancements d'hoirie doivent prélever sur la masse des valeurs égales à celles que leurs cohéritiers ont reçues par anticipation, et que le surplus seulement se partage. De même, d'après la jurisprudence, la restitution des fruits peut être exigée en corps héréditaire, et celui à qui elle est due peut, par conséquent, suivant les cas, avoir à prendre dans la masse une portion bien plus forte que celle de ses cohéritiers.

Les contestations sur ces divers points pouvant être nombreuses, le législateur a pensé qu'il convenait de renvoyer les parties devant un notaire pour qu'elles pussent s'y expliquer, et autant que possible régler à l'amiable leurs prétentions respectives. Le renvoi devant le notaire doit aussi être ordonné dans tous les cas lorsqu'il n'y a pas eu d'estimation préalable, puisqu'il est impossible de pouvoir composer des lots égaux tant que la valeur de tous les biens n'a pas été déterminée à l'amiable entre les cohéritiers ou fixée par justice (1). Le poursuivant doit alors

(1) En dehors de ces cas, le renvoi devant un notaire n'est, à nos yeux, que facultatif. Contrà, Toulouse, 18 janvier 1832 (D. P. 33. 2. 30. — S. 36.2. 564 (note). - P. chr..

sommer les copartageants de comparaître au jour indiqué, devant le notaire commis, à l'effet de procéder aux compte, rapport, formation de masse, prélèvements, composition de lots et fournissements. Il convient que la sommation soit donnée huit jours ou du moins trois jours francs à l'avance. Elle peut être donnée par acte d'avoué à avoué, et il faut naturellement tenir compte des distances.

Le notaire remplissant ici les fonctions d'un rapporteur ou conciliateur, n'est pas astreint aux solennités prescrites pour les actes notariés par la loi du 25 ventose an XI. « Le notaire commis, porte l'art. 977, procèdera seul et sans l'assistance d'un second notaire ou de témoins; si les parties se font assister auprès de lui d'un conseil, les honoraires de ce conseil n'entreront poin dans les frais de partage et seront à leur charge. » Les points dont les parties sont demeurées d'accord font l'objet d'un premier procès-verbal dont le notaire garde la minute, et dont il délivre seulement l'expédition aux parties qui la requièrent. Les difficultés et dires des parties doivent, aux termes de l'art. 877, être rédigés par le notaire en un procès-verbal séparé. « Ce procès-verbal, ajoute l'article, sera par lui remis au greffe, et y sera retenu. - Si le juge-commissaire renvoie les parties à l'audience, l'indication du jour où elles devront comparaître leur tiendra lieu d'ajournement. - Il ne sera fait aucune sommation pour comparaître soit devant le juge, soit à l'audience. >>>

La loi ne parle pas de sommation à comparaître devant le jugecommissaire. A moins cependant que le notaire n'eût pris précédemment son jour et cité lui-même verbalement les parties, avant qu'elles ne se retirent, à comparaître audit jour devant le juge; un avenir pour s'y présenter est indispensable. Le commissaire doit naturellement tâcher de concilier les parties, et s'il n'y parvient pas ou si quelqu'une ne se présente point, il les

renvoie à l'audience.

Si quelqu'une des parties ne se présente pas à l'audience au jour marqué par le commissaire, peut-elle former opposition au jugement qui interviendra? Le jugement étant rendu sur rapport, on peut induire de l'art. 111 qu'il y a forclusion pour les non comparants (1).

Les parties doivent annoncer toutes leurs prétentions et former tous leurs dires devant le notaire. Ce n'est pas à dire pourtant

(1) La jurisprudence de la cour de Paris est depuis longtemps fixée dans ce sens. V. Chauveau, quest. 2507 octies. V. aussi Cass., 7 juillet 1869 (D. P. 69. 1. 348.-S. 70. 1. 14. - P. 70. 20).

qu'elles soient déchues du droit de les former par des conclusions postérieures; mais les frais de ces conclusions ne devraient pas alors être passés en taxe.

$ 5. De la composition des lots.

Lorsque tous les droits des parties ont été définitivement réglés ou à l'amiable ou par jugement, le notaire doit composer la masse du patrimoine, et arrêter les rapports à faire ou les prélèvements à exercer par les divers copartageants. Il peut se faire que les opérations du partage s'arrêtent là. C'est ce qui arrive 1o quand tous les biens de la succession ont été vendus; 2o quand les prélèvements à exercer par quelqu'un des copartageants auquel les autres doivent des rapports ou des restitutions de fruits absorbent tous les biens qui restent dans la succession.

Mais si, tous prélèvements faits, il reste quelques biens à partager, il faut en composer autant de lots qu'il y a de copartageants. « Ces lots, porte l'art. 978, seront faits par l'un des cohéritiers s'ils sont tous majeurs, s'ils s'accordent sur le choix, et si celui qu'ils auront choisi accepte la commission; dans le cas contraire, le notaire, sans qu'il soit besoin d'aucune autre procédure, renverra les parties devant le juge-commissaire, et celui-ci nommera un expert. » Cet expert doit prêter serment devant le juge, conformément à la règle générale, à laquelle l'art. 978 ne fait pas d'exception (1). « Le cohéritier choisi par les parties, porte l'article suivant, ou l'expert nommé pour la formation des lots, en établira la composition par un rapport qui sera reçu et rédigé par le notaire à la suite des opérations précédentes. » Il ne faut donc pas de procès-verbal particulier; le cohéritier ou l'expert signent leur rapport sur la minute du notaire: il n'est pas même nécessaire qu'ils sachent signer, et l'attestation du notaire doit alors suffire.

Les cohéritiers, en chargeant un d'entre eux de composer les lots, ne sont pas censés accepter d'avance tout ce qu'il fera : ils ne pourraient pas même lui donner explicitement ce pouvoir exorbitant, puisque ce cohéritier est lui-même intéressé dans le partage, et que nul ne peut être arbitre pas plus que juge dans sa propre cause. La composition des lots faite par le cohéritier et celle faite par l'expert peuvent donc, dans tous les cas, être querellées.

(1) Une nouvelle prestation de serment n'est pas cependant nécessaire, quand la formation des lots n'est que la suite d'une mission à lui confiée antérieurement et pour laquelle il a prêté le serment. Cass., 17 juin 1873 (D. 73. 1. 475).

Si tous les intéressés sont présents au moment où la composition des lots est faite devant le notaire et qu'aucun ne réclame, le notaire constate leur accord et clot immédiatement le partage. Si quelqu'un d'eux réclame, le notaire doit procéder comme dans le cas de l'art. 987, c'est-à-dire dresser un procès-verbal des difficultés, et ajourner les parties à jour fixe devant le jugecommissaire s'il a déjà pris son jour; le juge, à son tour, s'il ne peut les concilier, les renvoie à jour fixe à l'audience, où elles doivent comparaître sans sommation. Mais si quelqu'une des parties est absente, il faut nécessairement, avant de clore le partage, demander l'entérinement du rapport contenant la composition des lots, par un acte d'avoué contenant avenir.

Une question d'une haute importance s'élève ici: c'est celle de savoir si, dans certaines circonstances, le cohéritier ou l'expert chargé de la composition des lots peut régler ces lots par attribution, ou si dans tous les cas le lot de chaque copartageant doit être déterminé par la voie du sort. Avant la loi sur les ventes judiciaires du 2 juin 1841, nombre d'arrêts avaient décidé que le partage pouvait se faire par attribution de lots, toutes les fois que le tirage au sort devait entraîner de graves inconvénients. Lors de la discussion de cette loi à la Chambre des députés, un député avait proposé, sur l'art. 970, un amendement ainsi conçu : « Si les droits des copartageants sont inégaux, le tribunal pourra, après avoir pris l'avis du conseil de famille, s'il y a parmi eux des mineurs et des interdits, ordonner par voie d'attribution le prélèvement des lots inégaux; mais il fera tirer au sort tous les lots qui en seront susceptibles. » Cet amendement, il est vrai, fut rejeté, mais seulement par le motif allégué par le garde des sceaux, qu'il était impossible de jeter dans une loi de procédure une disposition de cette importance, sans la mettre en harmonie avec les dispositions du Code civil (1). La Chambre, en rejetant l'amendement, n'entendit donc nullement trancher la question.

Cela posé, le partage par attribution de lots doit, ce nous semble, être autorisé quand il est avantageux aux parties, s'il ne rencontre pas dans la loi un obstacle invincible. Or, nous soutenons avec confiance que, dans tous les cas où les droits héréditaires des copartageants sont inégaux, la loi ne fait pas obstacle au partage d'attribution. Que dispose en effet l'art. 831 du Code civil? Qu'après les prélèvements de droit, il est procédé, sur ce qui reste dans la masse, a la composition d'autant de lots

(1) V. séance du 18 janvier 1841 (Moniteur du 19).

égaux qu'il y a d'héritiers copartageants ou de souches copartageantes. Le nombre des lots doit donc, d'après ce texte, correspondre au nombre des copartageants: s'il y a deux copartageants, - il faut composer deux lots; s'il y en a trois, trois lots, et ainsi de suite. Mais ce mode de procéder est impossible lorsque les droits héréditaires des copartageants sont inégaux. Si, dans une succession, le père est en concours avec le frère, le premier ayant seulement le quart et le second les trois quarts, il faudra, si l'on veut procéder par la voie du sort, composer nou plus autant de lots qu'il y a de copartageants, comme le prescrit l'art. 831, mais quatre lots. Il faudra en composer vingt si la succession doit se diviser entre des légataires à titre universel du vingtième. Or, ce mode de procéder ne peut pas se combiner avec le texte de l'art. 831. Qu'en conclure, sinon que le cas où les droits des copartageants sont inégaux est demeuré en dehors des prévisions impératives du Code civil relatives au tirage des lots, et qu'ainsi les tribunaux ont alors tout pouvoir d'ordonner ou de sanctionner un partage d'attribution, quand ils jugent que ce partage est avantageux pour quelqu'une des parties et ne peut préjudicier aux autres (1).

Lorsque les lots ont été fixés à l'amiable ou que les contestations sur leur formation ont été vidées par sentence passée en chose jugée, le poursuivant doit faire sommer les copartageants à l'effet de se trouver, à jour indiqué, en l'étude du notaire pour assister à la clôture de son procès-verbal, en entendre lecture, et le signer avec lui s'ils le veulent ou le peuvent (980). Si les parties sont majeures et capables et qu'elles comparaissent toutes devant le notaire au jour fixé pour la clôture du procèsverbal, le notaire peut leur épargner les frais d'un jugement d'homologation, en se faisant assister d'un second notaire ou de deux témoins pour attester solennellement l'accord des parties. On n'a pas oublié en effet que les cohéritiers majeurs et capables peuvent abandonner les voies judiciaires en tout état

de cause.

Mais s'il y a des mineurs ou d'autres incapables, ou si toutes les parties n'ont pas assisté à la clôture, ou enfin si, toutes les parties ayant comparu, le notaire a continué de procéder sans l'assistance d'un second notaire ni de témoins, le procès-verbal du notaire doit être homologué par le tribunal pour acquérir

(1) La jurisprudence de la Cour suprême est pourtant peu favorable aux partages d'attribution. V. arrêts des 19 mars 1844 (D. P. 44. 1. 189. - S. 44. 1. 301. — P. 81. 723) et 26 avril 1847 (D. P. 47. 1. 224. - S. 47. 1. 610. — P. 47. 1. 687).

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