Page images
PDF
EPUB

elle doit appeler les héritiers du mari, et réciproquement. Quant aux ventes provoquées par des habiles à succéder, des héritiers bénéficiaires, des curateurs de succession vacante, etc., c'est-àdire en un mot toutes les fois qu'il ne s'agit pas de meubles indivis entre plusieurs, le requérant n'a besoin d'appeler personne à la vente. Nous ne pensons pas même qu'il soit nécessaire d'appeler en aucun cas les créanciers qui ont formé des oppositions; ils sont suffisamment avertis par les placards et annonces (1). La vente doit toujours se faire au lieu où sont les effets, s'il n'en est autrement ordonné.

Aux termes d'une loi du 22 pluviose an VII, tout officier chargé de procéder à une vente mobilière ne peut, sous peine d'amende, la commencer avant d'en avoir fait la déclaration au bureau du receveur de l'enregistrement. Les formalités que doit contenir le procès-verbal de vente sont réglées par la loi précitée du 22 pluviose an VII et par les principes du droit commun sur les adjudications.

L'adjudication, comme en matière de saisie-exécution, est faite au plus offrant et au comptant, et faute de paiement il est procédé sur-le-champ à la revente sur folle-enchère. Il doit toujours être conservé minute du procès-verbal (2).

L'officier public qui accorderait des délais aux adjudicataires serait personnellement responsable du prix, et sa responsabilité ne cesserait pas, quand même les parties intéressées auraient consenti à ces délais, si elles n'avaient pas la disposition de leurs droits (3).

Si la vente n'a pas été faite dans les formes légales, quelles sont les conséquences de cette irrégularité? Cela dépend des circonstances. Les acquéreurs d'abord ne sauraient jamais être inquiétés quand ils ont acquis de bonne foi: la maxime qu'en fait de meubles la possession vaut titre suffit pour les protéger. S'ils avaient acquis de mauvaise foi, c'est-à-dire par suite de quelque concert frauduleux avec le vendeur, la vente serait nulle, même à leur égard, sans préjudice de dommages-intérêts.

Quant au vendeur, si c'est un habile à succéder qui a vendu sans formalités de justice, il a fait acte d'héritier et ne peut plus renoncer ni accepter sous bénéfice d'inventaire. Si c'est un héritier bénéficiaire, il peut, suivant les circonstances, être déclaré déchu du bénéfice d'inventaire, c'est-à-dire réputé héritier pur

(1) Contrà, Demiau-Crouzilhac, p. 636, et Pigeau, t. 2, p. 653. (2) Décision du ministre de la justice, du 8 février 1830.

(3) Cass., 19 juin 1872 (D. P. 72. 1. 305. - S. 72. 1. 259. - P. 72.660).

et simple (C. pr. 989). Nous disons suivant les circonstances, parce que l'art. 989, en ce qui regarde la vente irrégulière du mobilier, est conçu en termes moins impératifs que l'art. 988 relatif à la vente des immeubles. Celui-ci porte que l'héritier bénéficiaire sera réputé héritier pur et simple, s'il a vendu des immeubles sans se conformer aux règles prescrites; tandis que l'art. 989 se borne à dire que l'héritier bénéficiaire doit aussi observer les formes prescrites pour la vente du mobilier, à peine d'être réputé héritier pur et simple: ce qui semble laisser l'application de la peine à l'appréciation du juge, qui ne doit pas la prononcer lorsque la vente n'a porté que sur des objets d'une valeur insignifiante, que l'héritier a pu se croire autorisé à vendre de gré à gré.

Pour tous les autres administrateurs qui auraient vendu sans observer les formalités prescrites, la peine qu'il est naturel de leur appliquer c'est de les rendre comptables du prix marqué dans l'inventaire pour les objets qu'ils ont vendus à un taux inférieur, et du prix de la vente pour ceux qu'ils ont vendus à un taux supérieur, sans préjudice de plus forts dommages-intérêts suivant les cas.

II. La vente des rentes n'a lieu que dans des cas bien plus rares que celle du mobilier proprement dit. Cette vente n'étant jamais urgente, un habile à succéder non plus qu'une veuve commune ne peuvent, avant de prendre qualité, se faire autoriser à la faire. Elle ne peut non plus avoir lieu à la requête d'un cohéritier, puisque les rentes comme les créances se divisent de plein droit entre les héritiers.

Mais l'héritier bénéficiaire et le curateur à la succession vacante peuvent se faire autoriser à vendre les rentes de la succession. Les art. 989 et 1001 du Code en ont une disposition précise (1), et nous pensons que la justice pourrait pareillement autoriser, pour cause de nécessité absolue ou d'avantage évident, la vente des rentes appartenant à des mineurs ou à des absents.

La vente dans tous ces cas ne peut avoir lieu qu'en observant les formalités prescrites au titre de la saisie des rentes. Les art. 989 et 1001 du Code n'en ont des dispositions précises que pour l'héritier bénéficiaire et le curateur à la succession vacante; mais il y a même raison de décider dans tous les autres cas.

(1) Un avis du Conseil d'Etat du 11 janvier 1808 permet, même à l'héritier bénéficiaire, de transférer, sans autorisation préalable, les rentes sur l'Etat au-dessous de 50 francs.

Nous ne doutons pas non plus que la justice ne puisse autoriser la vente de valeurs de bourse, de créances litigieuses ou d'un recouvrement difficile, ou même de toutes autres créances non encore exigibles, toutes les fois qu'elle juge la vente avantageuse pour tous les intéressés. Le jugement qui autorise la vente doit alors indiquer la manière dont elle se fera, et les agents de change n'ont ici nul privilége (1).

CHAPITRE VI

De la vente des immeubles des mineurs.

Aujourd'hui que les valeurs mobilières ont acquis un si grand développement par l'essor de l'industrie, on ne dit plus comme on disait autrefois mobilium vilis possessio. Cependant les fortunes immobilières auront toujours plus d'importance que les autres, par cela même qu'elles ont plus de fixité; elles sont d'ailleurs la principale source des richesses, les divers objets que procure le commerce ou que façonne l'industrie n'étant presque toujours que les produits de la terre plus ou moins transformés. La loi devait donc redoubler de précautions pour assurer un prix de vente avantageux aux mineurs ou autres personnes incapables, toutes les fois qu'il y a lieu de vendre leurs immeubles.

Les anciennes règles du Code sur cette matière ont été grandement simplifiées par la loi sur les ventes judiciaires du 2 juin 1841. Les seules formalités à observer maintenant sont: 1o l'avis du conseil de famille; 2o le jugement qui homologue cet avis; 3o l'expertise, mais en certains cas seulement; 4o le dépôt d'un cahier des charges; 5o des placards et annonces; 6o l'appel du subrogé-tuteur; 70 l'adjudication aux enchères. Reprenonsles successivement.

1o L'avis du conseil de famille. L'art. 953 du Code, rectifié par la loi nouvelle, dispose à cet égard: « La vente des immeubles appartenant à des mineurs ne pourra être ordonnée que d'après un avis de parents énonçant la nature des biens et leur valeur approximative. - Cet avis ne sera pas nécessaire si les biens appartiennent en même temps à des majeurs, et si la vente est poursuivie par eux: il sera procédé alors conformément au titre des partages et licitations. » L'assemblée de parents ne doit donner l'autorisation de vendre que lorsqu'il y a nécessité absolue ou avantage évident. Il fut expressément reconnu à la

(1) Cass., 7 décembre 1853 (D. P. 54. 1. 128. - S. 54. 1. 77. – P. 55. 1. 288).

Chambre des députés que l'art. 953 précité ne dérogeait point à l'art. 457 du Code civil (1).

2o Le jugement d'homologation. Ce jugement doit être rendu en la chambre du conseil, après avoir entendu le procureur de la République (C. civ. 458). Il est rendu sur une requête présentée par l'avoué du tuteur, dont l'émolument est réglé par l'art. 9, $ler, du nouveau tarif. Le tribunal, en homologuant l'avis des parents, doit déclarer par le même jugement que la vente aura lieu soit devant l'un des juges du tribunal, à l'audience des criées, soit devant un notaire à cet effet commis (954). « Si les immeubles, ajoute l'article, sont situés dans plusieurs arrondissements, le tribunal pourra commettre un notaire dans chacun de ces arrondissements, et même donner commission rogatoire à chacun des tribunaux de la situation des biens. >>> Ces derniers tribunaux commettent à leur tour un de leurs membres ou un notaire. Mais nous ne pensons pas que la commission rogatoire de commettre un notaire puisse être donnée au juge de paix: les ventes d'immeubles ont une autre importance que les simples actes d'instruction pour lesquels est fait l'art. 1035 du Code.

La disposition finale de l'art. 954 indique clairement que l'homologation de l'avis des parents doit toujours être demandée au tribunal dans le ressort duquel le conseil de famille a été légalement assemblé, et jamais aux divers tribunaux dans le ressort desquels les biens peuvent se trouver situés; et ce tribunal peut ordonner, s'il le juge avantageux au mineur, que tous les biens, quoique situés en divers arrondissements, seront vendus simultanément devant le juge ou notaire par lui commis (2).

3o L'expertise, s'il y a lieu. Dans le système du Code de procédure, l'expertise était obligée dans tous les cas, et les enchères ne pouvaient s'ouvrir que sur la mise à prix réglée par les experts. Ce système avait un grand inconvénient, celui d'augmenter outre mesure les frais de la vente, qui absorbaient souvent, quand les immeubles étaient de peu de valeur, la plus grande partie du prix. Aujourd'hui l'expertise n'est ordonnée que suivant les circonstances, et c'est toujours le tribunal qui règle la mise à prix. L'art. 955 dispose en effet : « Le jugement qui ordonnera la vente déterminera la mise à prix de chacun des immeubles à vendre et

(1) V. séance du 18 janvier 1841 (Moniteur du 19).

(2) C'est encore ce qui fut reconnu à la Chambre des députés dans la séance du 18 janvier 1841

les conditions de la vente. Cette mise à prix sera réglée, soit d'après l'avis des parents, soit d'après les titres de propriété, soit d'après les baux authentiques ou sous seing privé ayant date certaine, et à défaut de baux, d'après le rôle de la contribution foncière. Néanmoins le tribunal pourra, suivant les circonstances, faire procéder à l'estimation totale ou partielle des immeubles. Cette estimation aura lieu, selon l'importance et la nature des biens, par un ou trois experts que le tribunal commettra à cet effet. >>

« Si l'estimation a été ordonnée, ajoute l'art. 956, l'expert ou les experts, après avoir prêté serment, soit devant le président du tribunal, soit devant un juge commis par lui, rédigeront leur rapport, qui indiquera sommairement les bases de l'estimation, sans entrer dans le détail descriptif des biens à vendre. La minute du rapport sera déposée au greffe du tribunal. Il n'en sera pas délivré d'expédition. » L'ancien art. 956 voulait que les experts rédigeassent leur rapport en un seul avis, à la pluralité des voix. Une disposition semblable se trouvait dans le projet soumis à la Chambre des pairs; mais elle fut rejetée par la Chambre, et avec raison (1). Sous l'empire du Code, en effet, les experts ne devaient dresser qu'un seul avis, parce que leur estimation réglait toujours la mise à prix. Mais la loi nouvelle voulant au contraire que la mise à prix soit toujours réglée par le tribunal, et n'ayant considéré l'expertise, quand elle a lieu, que comme un des éléments de cette mise à prix, laquelle n'a rien d'obligatoire pour le tribunal, il n'y avait plus de raison pour déroger à la règle générale d'après laquelle, en cas de dissentiment entre les experts, le procès-verbal doit indiquer les divers avis et leurs motifs.

Une autre différence s'induit de là entre la loi ancienne et la loi nouvelle. Sous l'empire de la loi ancienne, le rapport des experts n'avait pas besoin d'être homologué, et voilà pourquoi l'ancien art. 957 prescrivait d'en déposer directement la minute chez le notaire, quand c'était un notaire qui avait été commis pour la vente. Aujourd'hui, au contraire, l'expertise doit nécessairement être suivie d'un second jugement, et c'est pour ce motif que l'art. 956 veut que le rapport soit toujours déposé au greffe du tribunal.

Le jugement rendu à la suite de l'expertise peut, comme le premier, être rendu à la chambre du conseil; mais les conclusions du ministère public sont toujours indispensables.

4o Dépôt du cahier des charges. « Les enchères, porte l'art. 957,

(1) V. séance du 27 avril 1840 (Moniteur du 28).

« PreviousContinue »