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même à la charge du débiteur, conformément aux principes généraux.

Il est fort à remarquer que l'art. 778 ne renvoie qu'aux articles 761, 763 et 764; il ne renvoie pas à l'art. 762, qui fixe les délais et les formes de l'appel pour les contestations engagées entre les créanciers. Cette omission est certainement intentionnelle, puisque le projet du conseil d'Etat renfermait une omission analogue quoique la série des articles fût différente. Il faut conclure de là que l'appel, quand l'importance du litige l'autorise, doit nécessairement avoir lieu dans les délais et les formes ordinaires, et que le délai ne court qu'à dater de la signification à partie. La raison en est probablement qu'il n'y a pas ici des litiges enchevêtrés, mais un seul litige entre l'adjudicataire d'une part, et tous les créanciers avec le saisi de l'autre, ce qui nécessite moins l'abréviation des délais et la simplification des procédures.

Nous estimons toutefois que le jugement n'est pas susceptible d'opposition et qu'il n'y a pas lieu à jonction du défaut contre le saisi non comparant, la consignation du dire de l'adjudicataire sur le procès-verbal, la connaissance certaine qu'en ont les créanciers inscrits par la communication faite à leur avoué, et enfin le rapport du juge entraînant naturellement forclusion contre les parties qui n'ont pas conclu à l'audience (1).

SECTION II

DE L'ORDRE A SUITE DE TOUTE ALIENATION AUTRE QUE
L'EXPROPRIATION FORCÉE

Il existe entre l'expropriation forcée et tout autre mode d'aliénation une différence capitale : c'est que la première, comme nous l'avons dit maintes fois, purge toutes les hypothèques, aussi bien celles qui sont inscrites que celles qui sont dispensées d'inscription, tandis qu'aucun autre mode d'aliénation ne produit le même résultat. Cette différence essentielle en amène nécessairement une autre, c'est que l'ordre peut être ouvert immédiatement après la transcription du jugement d'adjudication, puisque le prix est dès lors irrévocablement fixé, tandis qu'il ne peut l'être après tout autre mode d'aliénation tant que le droit de surenchère du dixième compétant aux créanciers hypothécaires laisse de l'incertitude sur le prix à distribuer.

(1) Contrà, Bressolles, p. 82, no 67.

D'un autre côté, l'ordre, en cas d'expropriation forcée, peut en toute hypothèse être provoqué non-seulement par les créanciers et l'adjudicataire, mais encore par le saisi, quand même le cahier des charges aurait accordé à l'adjudicataire quelques délais: car ces délais doivent naturellement être courts, et expirer presque toujours avant la clôture de l'ordre ou peu après. Dans les autres aliénations le prix n'est souvent payable qu'à des échéances fort reculées, et le vendeur provoquerait alors l'ordre inutilement quand le prix n'est pas encore exigible. L'art. 772 dispose en conséquence : « Lorsque l'aliénation n'a pas lieu sur expropriation forcée, l'ordre est provoqué par le créancier le plus diligent ou par l'acquéreur. Il peut aussi être provoqué par le vendeur, mais seulement lorsque le prix est exigible. » Il ne faut pas entendre cette dernière disposition en ce sens que tout le prix doit être exigible; il suffit, ce nous semble, qu'une portion du prix le soit, puisque c'est dès lors le cas de savoir qui touchera d'abord cette portion du prix. « Dans tous les cas, l'ordre n'est ouvert qu'après l'accomplissement des formalités prescrites pour la purge des hypothèques, » c'est-à-dire qu'il faut procéder à la double purge des hypothèques inscrites et des hypothèques dispensées d'inscription, quand il en existe des deux sortes (1). « Il est introduit et réglé dans les formes établies par le présent titre. >> Il n'y a donc plus de différence dès que le droit de provoquer l'ordre est ouvert, entre l'expropriation forcée et les autres aliénations, et tout ce qui a été dit de l'ordre amiable et de l'ordre judiciaire s'applique à ces dernières aliénations sans difficulté.

Le droit de préférence pour les créanciers dispensés d'inscription survit également ici durant quelque temps au droit de surenchère. Les créanciers à hypothèques légales, porte le dernier paragraphe de l'art. 772, qui n'ont pas fait inscrire leurs hypothèques dans le délai fixé par l'art. 2195 C. civ., ne peuvent exercer le droit de préférence sur le prix qu'autant qu'un ordre est ouvert dans les trois mois qui suivent l'expiration de ce délai, et sous les conditions déterminées par la dernière disposition de l'article 717, c'est-à-dire que, même avant l'expiration des trois mois depuis l'aliénation, le droit de préférence est éteint s'il ya eu un ordre amiable ou si les délais pour produire sont échus

(1) Rien n'empêche, quand tous les intéressés supposent qu'il n'y a aucune hypothèque légale, que l'ordre ne soit ouvert sans que la procédure de purge de ces hypothèques ait été faite. Cass, 27 juin 1832 (D. A. Ordre, 143-2°. - S. 32. 1. 774. — P. chr.).

à l'égard de tous les créanciers; car ici nous admettons parfaitement que le délai ne court qu'à dater de la dernière sommation s'il en a été fait à des dates différentes, parce que la notoriété de l'ordre n'est réputée complète que lorsque tous les créanciers inscrits ont été sommés.

Le droit de consigner son prix, dès que la purge en a fixé le chiffre, compète à tout acquéreur indistinctement, aussi bien qu'à l'adjudicataire sur expropriation forcée, à la condition, bien entendu, que son acte d'acquisition ne lui ait pas interdit ce droit. L'art. 777 dispose, en effet, dans son dernier paragraphe : • En cas d'aliénation autre que celle sur expropriation forcée, l'acquéreur qui, après avoir rempli les formalités de la purge, veut obtenir la libération définitive de tous priviléges et hypothèques par la voie de la consignation, opère cette consignation sans offres réelles préalables. A cet effet, il somme le vendeur de lui rapporter dans la quinzaine mainlevée des inscriptions existantes, et lui fait connaître le montant des sommes en capital et intérêts qu'il se propose de consigner. Ce délai expiré, la consignation est réalisée, et, dans les trois jours suivants, l'acquéreur ou adjudicataire requiert l'ouverture de l'ordre en déposant le récépissé de la caisse des consignations. Il est procédé sur sa réquisition, conformément aux dispositions ci-dessus. » Le vendeur doit naturellement être sommé à son domicile réel ou au domicile élu dans le contrat. Nous ne pensons pas qu'une sommation à avoué fût suffisante dans le cas où l'adjudication aurait eu lieu à la suite d'une vente judiciaire, et le délai de quinzaine nous semble devoir être augmenté à raison de la distance qui sépare le domicile du vendeur de celui de l'acquéreur. La consignation doit naturellement se faire au lieu de la situation de l'immeuble, puisque c'est là que l'ordre devra avoir lieu et que seront délivrés les-bordereaux. S'il s'élève des difficultés à la suite de la consignation, elles sont jugées absolument comme après expropriation forcée : l'art. 778 est formel là-dessus. Il y a donc lieu d'attendre, avant de faire valider la consignation, que le délai accordé aux créanciers pour produire soit expiré.

« L'acquéreur est employé par préférence, pour le coût de l'extrait des inscriptions et des dénonciations aux créanciers inscrits (art. 774). » Il doit en être ainsi, soit qu'il provoque l'ordre, soit qu'il consigne; et il nous semble équitable de lui accorder aussi par préférence les frais de purge de l'hypothèque légale, puisque cette purge, aux termes des art. 772 et 777, doit nécessairement précéder l'ordre ou la consignation.

SECTION III

DES DEMANDES EN SOUS-ORDRE

L'article 1166 du Code civil permet aux créanciers d'exercer tous les droits et actions de leur débiteur autres que ceux attachés à la personne. L'art. 775 du Code de procédure tire de ce principe la conséquence que tout créancier peut prendre inscription pour conserver les droits de son débiteur: à plus forte raison peut-il requérir le renouvellement des inscriptions déjà prises. Il peut aussi se présenter dans l'instance d'ordre pour demander que la collocation revenant à son débiteur lui soit attribuée à lui-même : c'est ce qu'on appelle une demande en sous-ordre.

Mais si d'autres créanciers viennent former la même demande et que le montant de la collocation soit insuffisant pour les désintéresser tous, comment les deniers devront-ils être distribués entre eux? On décidait autrefois, dans le ressort de plusieurs parlements, que le montant d'une collocation hypothécaire devait être assimilé au prix d'un immeuble, et partant, qu'il devait se distribuer par rang d'hypothèque. Le Code de procédure a consacré le principe contraire. « Le montant de la collocation du débiteur, porte l'art. 775, est distribué, comme chose mobilière, entre tous les créanciers inscrits ou opposants avant la clôture de l'ordre, » c'est-à-dire par contribution.

S'il s'élève des difficultés pour cette contribution, elles doivent être jugées non plus suivant les règles de l'ordre, mais suivant celles de la distribution par contribution, dont nous parlerons plus tard (1). Elles ne doivent pas, du reste, retarder la clôture de l'ordre : le commissaire doit seulement déclarer que le montant de la collocation restera entre les mains de l'adjudicataire ou sera consigné jusqu'à ce que les difficultés élevées pour sa répartition aient été jugées.

Au demeurant, il faut bien remarquer que, lorsqu'un créancier hypothécaire en subroge un autre à l'utilité de son hypothèque, celui-ci acquiert un droit exclusif au rang qui lui a été cédé : il doit donc être colloqué à ce rang par préférence aux autres créanciers du même débiteur, même à ceux qui auraient obtenu des subrogations semblables, mais d'une date postérieure (2). Nous ne parlons pas de la subrogation à l'hypothèque

(1) Il nous semble naturel cependant que le juge chargé de l'ordre le soit également légale d'une femme mariée, soumise à des conditions spéciales de validité et de publicité par l'art. 9 de la loi sur la transcription du 23 mars 1855.

de plein droit de la distribution. Contrà, Bioche, vo Ordre, no 592. (2) Cass., 17 avril 1827 (D. A. Ordre, 1337-2°. - S. chr. - P. chr.).

SECTION IV

DE LA SUBROGATION AUX POURSUITES D'ORDRE

Tous les créanciers ont intérêt à recevoir promptement leur dû; tous ont intérêt par conséquent à activer la clôture de l'ordre. L'art. 776 dispose donc : « En cas d'inobservation des formalités et des délais prescrits par les art. 753, 755, $ 2, et 769, l'avoué poursuivant est toujours déchu de la poursuite, sans sommation ni jugement. Le juge pourvoit à son remplacement d'office, ou sur la réquisition d'une partie, par ordonnance inscrite sur le procès-verbal. Cette ordonnance n'est susceptible d'aucun recours. Il en est de même à l'égard de l'avoué commis qui n'a pas rempli les obligations à lui imposées par les art. 758 et 761. L'avoué déchu de la poursuite est tenu de remettre immédiatement les pièces sur le récépissé de l'avoué qui le remplace, et n'est payé de ses frais qu'après la clôture de l'ordre. >>> Il va sans dire que l'avoué en retard, tant qu'il n'a pas été remplacé, peut continuer la procédure; les actes mêmes qu'il aurait faits après son remplacement doivent être maintenus tant que l'ordonnance qui pourvoit à son remplacement ne lui a pas été signifiée, à moins que le juge ne déclarât l'avoir rendue en sa présence. Les mesures rigoureuses ne doivent pas facilement se supposer, et nous ne voyons pas ici de motifs suffisants pour s'écarter de la règle : Paria sunt non esse et non significari.

SECTION V

DE L'ORDRE RÉGLÉ DIRECTEMENT PAR LE TRIBUNAL

Le législateur n'a établi une procédure spéciale pour l'ordre que parce qu'il y a ordinairement un très-grand nombre de créanciers, et que, pour examiner alors une multitude de titres, et de prétentions réciproquement hostiles, il a paru indispensable de confier le travail préliminaire à un juge seul. Cette raison n'existe plus quand les créanciers se trouvent réduits à un petit nombre. Aussi l'art. 773, appliquant maintenant à toutes les procédures d'ordre une mesure que le Code de procédure n'avait faite que pour les aliénations autres que celles sur expropriation

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