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Ici comme ailleurs, l'opposition, ce semble, doit être formée dans la huitaine de la signification à avoué; après ce délai, il n'y a lieu qu'à l'appel, si l'importance du litige le comporte. Mais l'opposition a cela de particulier qu'elle paraît ouverte à la partie même qui s'est présentée devant le président ou le commissaire. Nous n'admettons pas qu'à moins d'un texte formel un juge isolé, n'exerçant qu'une juridiction empruntée, puisse rendre une décision définitive souveraine vis-à-vis d'aucune des parties.

Il est des cas où l'opposition peut être employée devant le commissaire lui-même en vertu d'une disposition de la loi et pendant un temps illimité : c'est ainsi que le témoin défaillant condamné à une amende et des dommages peut présenter ses excuses au juge-commissaire pour se faire relever. En cas pareil, si l'opposition pratiquée devant le commissaire ne réussit point, la maxime Opposition sur opposition ne vaut ne permet pas d'en porter une seconde devant le tribunal; il n'y a lieu qu'à l'appel si la loi ne l'interdit point, appel qui doit avoir lieu dans les délais et la forme ordinaires.

Quant à la requête civile ou au pourvoi en cassation, ils ne paraissent jamais ouverts aux parties contre de simples ordonnances, puisque le préjudice que ces ordonnances occasionnent peut toujours être prévenu par des voies plus simples.

Telles sont les règles que nous proposons avec défiance dans une matière où le silence de la loi oblige son interprète, non plus à la commenter, mais à la faire.

CHAPITRE IX

De l'acquiescement.

✓✓ L'acquiescement valable a pour effet de fermer tous les recours

ordinaires ou extraordinaires.

On distingue deux sortes d'acquiescement; l'un est exprès, l'autre tacite.

L'acquiescement exprès n'est valable qu'autant qu'il a été donné par une personne qui avait la capacité de disposer des objets qui ont donné lieu au procès. La jurisprudence n'admet point des acquiescements anticipés: ainsi, la circonstance qu'on s'en est remis à la sagesse ou à la justice du tribunal n'empêche pas d'employer après la sentence les recours autorisés par la loi (1).

(1) C'est un point très-certain en jurisprudence. V. notamment Cass., 18 novembre 1818 (D. A. Acquiescement, 513) et 7 mai 1834 (D. A. Acquiescement, 266.-S. 35.1. 382. - P. chr.).

L'acquiescement tacite peut résulter d'un grand nombre de circonstances, dont nous signalerons seulement les principales.

1o L'expiration des délais est une sorte d'acquiescement tacite, qui a même, à quelques égards, plus de vertu que l'acquiescement exprès, puisqu'il peut être opposé aux incapables. La raison en est que si la conservation des droits des incapables est d'ordre public, la stabilité des jugements est d'ordre public aussi; et, dans ce conflit d'intérêts du même ordre, le législateur a pensé qu'une incertitude trop prononcée sur le sort des jugements serait le mal le plus grand.

2o La signification d'un jugement à partie, sans protestation ni réserve, emporte acquiescement: cela s'induit pour l'appel d'une manière implicite, mais évidente, de l'art. 443 du code, et il y a même raison de décider pour la requête civile et le pourvoi en cassation (1). Mais l'acquiescement n'est alors que conditionnel; il est subordonné à la condition que la partie adverse se soumettra de son côté à la sentence dans les dispositions qui lui sont défavorables. Si cette condition vient à manquer, l'acquiescement s'évanouit. C'est par suite de ce principe que l'art. 443 du code permet à l'intimé d'interjeter incidemment appel en tout état de cause, quoiqu'il ait signifié le jugement sans protestation, et ici encore il y a même raison de décider pour la requête civile et le pourvoi en cassation.

En général, les protestations et les réserves ne sont que des paroles vaines quand elles sont démenties par les actes: les faits ont plus de puissance que les mots; c'est en ce sens qu'on dit qui protestatur nihil agit. Mais cette règle ne doit être admise que lorsque la protestation est en contradiction manifeste avec l'acte même. Si l'intention que la partie annonce dans ses protestations peut réellement se concilier avec l'acte qu'elle fait, les protestations sont utiles: c'est un avertissement que le langage muet de l'acte ne doit pas avoir le sens qu'il a ordinairement; c'est ainsi qu'en employant une expression il est permis d'annoncer qu'on lui attribue moins de valeur qu'elle n'en a dans l'usage. D'après cela, la signification à la partie adverse, accompagnée de réserves, conserve l'appel et les autres recours (2).

La signification à avoué, même sans protestation, n'emporte pas en général acquiescement (3); l'avoué la fait principalement

(1) Cass., 12 août 1817 (D. A. Acquiescement, 385.-S. chr. - P. chr.) et 6 juillet 1819 (D. A. Acquiescement, 733. - P. chr.).

(2) Cass., 9 août 1826 (D. A. Acquiescement, 415. - S. chr.- P. chr.). (3) Cass., 20 novembre 1826 (D. A. Acquiescement, 378.-S. chr.

T. II.

P. chr.). 11

( dans son intérêt, pour grossir son état de frais. Mais dans les cas exceptionnels où elle a la vertu de faire courir les délais vis-à-vis de l'autre partie, comme en matière de distribution par contribution et d'ordre, elle doit emporter acquiescement si elle n'est accompagnée de protestations (1), et sauf désaveu.

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3o Toute exécution volontaire de la sentence emporte aussi acquiescement; mais on ne peut considérer comme volontaires les actes qu'une partie fait pour prévenir la saisie de ses meubles ou de ses immeubles, ou toute autre contrainte.

Ainsi, la partie condamnée paiera, après commandement, le principal et les dépens d'une sentence en dernier ressort inattaquable par la voie de l'opposition: elle conservera néanmoins le recours en requête civile ou en cassation, sans qu'il soit nécessaire de l'exprimer (2). De même elle conserve le droit d'appeler, quand elle paie après commandement les condamnations principales prononcées par une sentence déclarée exécutoire nonobstant appel. Il y a plus de doute si elle paie les dépens; parce que l'exécution provisoire ne s'étend pas aux dépens. Toutefois, comme elle a pu se méprendre sur la portée de la sentence, ses réserves d'appeler sont utiles (3).

Que décider dans les deux cas, si la partie a payé avant d'avoir reçu un commandement? Elle aura perdu son recours si elle a payé sans protestation ni réserves (4). Mais des protestations suffisent pour conserver son droit, parce qu'elle peut avoir intérêt à prévenir le commandement.

Que si elle paie les condamnations prononcées par une sentence dont elle pourrait arrêter l'exécution par quelque recours, elle acquiesce, et ses réserves sont vaines (5). Il ne saurait y avoir d'exception à cette règle qu'autant que le créancier aurait usé de dol pour se faire payer, ou que le débiteur serait sur le point de voir ses biens saisis.

L'exécution volontaire et sans réserves des jugements préparatoires n'exclut jamais ni l'appel ni les voies extraordinaires, parce que ces jugements ne peuvent être attaqués qu'après le jugement définitif (C. pr. 451; loi du 2 brumaire an IV, art. 14).

(1) Cass., 24 avril 1833 (D. A. Acquiescement, 379. - S. 35. 1. 442.-P. chr.). (2) Cass., 12 mai 1840 (D. A. Acquiescement, 359.-S. 40. 1. 668.-P. 40. 2. 153), 28 mai 1867 (D. P. 67. 1. 215.-S. 67. 1. 405. — P. 67. 1086).

(3) Cass., 19 avril 1830 (D. A. Acquiescement, 372. - S. chr. - P. chr.) et 4 décembre 1871 (D. P. 71. 1. 339.-S. 71. 1. 245 - P. 749).

(4) Cass., 23 novembre 1829 (D. A. Acquiescement, 460. - S. chr. - P. chr.). (5) Cass., 17 novembre 1863 (D. P. 65. 1. 212).

Il en est autrement des jugements interlocutoires : l'exécution volontaire de ces jugements emporte acquiescement (1).

Les deux dernières causes d'acquiescement tacite ne paraissent opposables, comme l'acquiescement exprès, qu'aux parties majeures et capables.

L'acquiescement tacite protége souvent les actes de procédure comme les jugements ou ordonnances: on sait par exemple, que la nullité de ces actes se couvre par des défenses au fond. Mais l'acquiescement ne peut jamais résulter en cas pareil d'une simple assistance à l'acte nul; il ne peut s'induire que d'actes pos-/ térieurs. Ainsi, une partie peut demander la nullité d'une enquête à laquelle elle a été présente et qu'elle a signée; mais eût-elle été absente, tout écrit postérieur signifié en son nom et contenant défense au fond couvre la nullité.

L'acquiescement tacite doit évidemment, comme l'acquiescement exprès, émaner de la partie elle-même ou de quelqu'un qui ait le droit de la représenter. Il n'a aucune valeur s'il émane d'une personne sans qualité; et la Cour de Cassation a jugé par ce motif maintes fois que le paiement des frais ne peut être considéré comme un acquiescement, quand c'est l'avoué qui a payé sans mandat de sa partie (2). Il n'est pas même nécessaire, comme nous l'avons dit plus haut, de recourir au désaveu dans

ce cas.

Il suffit pour notre plan d'avoir exposé les principes les plus importants d'une matière difficile, qui demanderait un traité ex professo si l'on voulait en suivre une à une les nombreuses ramifications.

LIVRE V

DES PROCÉDURES COMPLÉMENTAIRES DES JUGEMENTS.

Le Code de procédure, dans le livre Ve de la lre partie, réunit sous cette rubrique commune, de l'Exécution des jugements, les diverses procédures qui doivent ou peuvent suivre la sentence

(1) Cass, 11 mars 1856 (D. P. 56. 1. 147. - S. 57. 1. 571. — P. 57. 1. 146) et 1er avril 1857 (D. P. 57. 1. 164.- Р. 57. 639).

Les réserves faites par la partie sauvegardent pourtant son droit si elle n'a fait qu'assister à la preuve sans y prendre une part active. Cass., 27 avril 1864 (D. P. 64. 1.84.-S. 64. 1. 352.-P. 64. 1121). Mais si elle a concouru à la procédure activement, ses réserves sont vaines. Cass., 29 décembre 1851 (D. P. 52 1.154. - S. 52. 1. 805. - P. 53. 2. 46).

(2) Cass., 9 avril 1856 (D. P. 56. 1. 205. - S. 56. 1. 485. - P. 57. 791) et 9 décembre 1863 (D. P. 64. 1. 299. - S. 64. 1. 177.. P. 64. 649).

définitive; mais ces procédures se divisent en deux catégories bien distinctes. Tantôt le jugement définitif reste incomplet sur quelques points, qui restent dès lors à régler; tantôt ce jugement règle tout, mais la partie condamnée ne l'exécute pas. Dans le premier cas, le jugement a besoin d'être complété, et les procédures à faire sont bien, si l'on veut, des procédures d'exécution en ce sens qu'elles sont la conséquence naturelle d'une première sentence, mais ce ne sont pas encore des voies de contrainte. Ces procédures; par ce motif, nous semblent être mieux appelées procédures complémentaires que procédures d'exécution, cette dernière expression présentant naturellement à l'esprit l'idée d'une exécution forcée. Nous ne nous occupons dans ce livre que de ces procédures complémentaires; ce n'est que dans le livre suivant que nous parlerons des voies de contrainte.

Les procédures complémentaires ont trait aux réceptions de caution, à la liquidation des dommages-intérêts, à la liquidation des fruits, aux redditions de compte, et à la liquidation des frais. Nous allons consacrer à ces matières, qui forment l'objet des cinq premiers titres du livre Ve de la lre partie du Code. autant de chapitres.

CHAPITRE PREMIER

Des réceptions de caution.

L'obligation de fournir caution résulte tantôt d'un jugement, tantôt de l'autorité de la loi, comme pour les usufruitiers ou les héritiers benéficiaires, tantôt enfin de la convention des parties.

D'après l'art. 517 C. pr., le jugement qui ordonne de fournir caution doit fixer le délai dans lequel elle sera présentée, et celui dans lequel elle sera acceptée ou contestée. Cet article ne prononçant pas la peine de nullité, le jugement ne peutêtre annulé par cela seul qu'il aurait omis de fixer ces délais: l'omission peut être réparée par un jugement ultérieur.

L'art. 517 doit-il être appliqué au cas où la caution est due en vertu de la loi ou de la convention, comme à celui où elle est ordonnée par un jugement? Il faut faire une distinction. Lorsque c'est la partie à laquelle la caution est due qui poursuit l'autre pour l'obliger à la fournir, il y a lieu de rendre un premier jugement pour fixer le délai dans lequel la caution sera présentée, et celui dans lequel elle sera acceptée ou contestée. Mais si la partie qui doit la caution prend l'initiative, un jugement

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