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L'exception de nullité est soumise aux mêmes règles que devant le tribunal civil.

✓ Quant aux exceptions dilatoires, il faut distinguer. Celle pour faire inventaire et délibérer peut être proposée devant les tribunaux de commerce, qui ne peuvent toutefois ordonner les mesures conservatoires que l'habile à succéder ou la veuve commune voudraient faire ordonner sans prendre qualité. Si l'assigné prétend qu'il y a lieu à proroger le délai ordinaire, le tribunal de commerce doit passer outre si cette prétention lui paraît sans fondement, et dans le cas contraire fixer un délai dans lequel l'assigné devra obtenir la prorogation du tribunal civil. Quant au délai pour appeler garant, au contraire, nous ne pensons pas qu'il puisse être accordé en matière commerciale; autrement I le porteur d'une lettre de change qui aurait parcouru plusieurs contrées serait exposé à attendre des années avant d'obtenir jugement contre son endosseur immédiat. La nature des affaires commerciales repousse ces lenteurs.

Il n'y a pas lieu non plus, en matière commerciale, à un délai pour la communication des pièces : il suffit de communiquer les pièces sur l'audience, à moins qu'à raison de leur nombre et de leur étendue le tribunal de commerce ne juge à propos de fixer un délai pour leur communication, ce qu'il a certainement le droit de faire.

$ 2. Des incidents relatifs à la composition ou fixation du tribunal.

Les règles relatives aux récusations, règlements de juges et renvois, sont applicables sans difficulté aux tribunaux de com

merce.

$ 3. Des incidents relatifs aux preuves.

1. Des Enquêtes.

En matière commerciale, la preuve testimoniale est admissible dans tous les cas, même au-dessus de 150 fr., et outre ou contre le contenu aux actes (1).

« Si le tribunal ordonne la preuve par témoins, il doit y être procédé dans les formes prescrites pour les enquêtes sommaires.

(1) La jurisprudence de la Cour suprême est depuis longtemps fixée dans ce sens. V. entre autres arrêts, 24 mars 1825 (D. A. Obligations, 5052. - S. chr.-P. chr.) et 11 juin 1835 (D. A. Obligations, 4962. - S. 35. 1. 623. – P. chr.).

Néanmoins, dans les causes sujettes à appel, les dépositions seront rédigées par écrit par le greffier, et signées par le témoin; en cas de refus, mention en sera faite (432). » «Dans les matières sommaires, disait la section du Tribunat sur la dernière disposition de l'article, il peut suffire de constater le résultat des dépositions; mais dans les matières de commerce, qui peuvent être du plus grand intérêt, il est indispensable de constater les entières dépositions. » Il paraît donc que, dans l'esprit de la loi, la rédaction particulière et littérale de chaque déposition est une formalité substantielle, dont l'inobservation doit emporter nullité; la signature du témoin a moins d'importance, et l'absence de cette signature ou de la mention que le témoin n'a pu signer ne peut avoir d'autre effet que d'affaiblir le témoignage.

Au demeurant, toutes les formalités des enquêtes ordinaires que l'art. 413 rend communes aux matières sommaires, s'appliquent virtuellementauxenquêtes commerciales et sous les mêmes peines. Il faut donc notamment, à peine de nullité, assigner la partie adverse à son domicile réel, ou au domicile élu en conformité de l'art. 422, et lui dénoncer les noms des témoins qui doivent être entendus, le tout trois jours avant l'audition. Il faut, par la même raison, mentionner, à peine de nullité, que les témoins ont prêté serment (1), etc.

II. Des expertises.

« S'il y a lieu à visite ou estimation d'ouvrages ou marchandises, il sera nommé un ou trois experts. Les experts sont nommés d'office par le tribunal, à moins que les parties n'en conviennent à l'audience (429). » Les expertises commerciales diffèrent donc des expertises ordinaires: 1o en ce que les juges peuvent ne nommer qu'un seul expert, sans qu'il soit besoin du consentement des parties; 2o en ce qu'ils doivent faire la nomination d'office, si les parties ne s'entendent pas immédiatement sur l'audience, sans qu'il soit nécessaire de leur réserver le droit de choisir les experts dans les trois jours de la signification, ce qui n'empêche pas qu'elles ne puissent faire ce choix après le jugement, les choses étant entières. Mais la partie la plus diligente peut, aussitôt après la signification du jugement, sommer les experts nommés d'office de procéder à leur commission.

Sous tous les autres rapports, les expertises commerciales sont

(1) Cass., 26 décembre 1855 (D. P. 56. 1. 21. - S. 57. 1. 208. P. 57. 865).

soumises aux règles ordinaires. Ainsi, les experts doivent prêter serment devant un juge commis; les parties doivent être averties du jour et de l'heure où ils commenceront leurs opérations, puis du jour et de l'heure où ils rédigeront leur rapport. Si quelqu'un d'eux ne sait pas écrire, ils doivent faire écrire le rapport par le greffier de la justice de paix ou par un notaire, et ces diverses formalités paraissent substantielles comme dans les expertises ordinaires. Les incapacités, les causes de récusation et la manière de les proposer sont aussi les mêmes. La signification préalable du rapport ne nous paraît pas indispensable, et nous avons abandonné l'opinion contraire que nous avions émise dans la première édition de notre ouvrage; mais il faut au moins que la partie la plus diligente avertisse l'autre d'en prendre connaissance au greffe, par une sommation signifiée au domicile élu en exécution de l'art. 422, et contenant citation à jour fixe devant le tribunal pour la discussion du rapport.

C'est le président du tribunal de commerce qui nous semble naturellement devoir taxer les vacations des experts comme les honoraires des arbitres-experts, sauf recours devant le tribunal, si la taxe leur semble insuffisante.

III. Des descentes sur les lieux.

Les tribunaux de commerce ne connaissant jamais des matières immobilières ou mixtes, une descente ne peut guère être ordonnée dans ces juridictions. Si elle l'était, il faudrait suivre les règles ordinaires.

IV. De la preuve par titres.

« Si une pièce produite est méconnue, déniée ou arguée de faux, et que la partie persiste à s'en servir, le tribunal renverra devant les juges qui doivent en connaître, et il sera sursis au jugement de la demande principale. - Néanmoins, si la pièce n'est relative qu'à un des chefs de la demande, il pourra être passé outre au jugement des autres chefs (427). » L'incident jugé, il faut pour le jugement du fond revenir devant le tribunal de

commerce.

Le sursis prononcé par l'article n'est nécessaire qu'autant que la demande ne peut pas se justifier par ailleurs. Ainsi il n'est pas indispensable de surseoir quand un négociant dénie sa signature apposée sur un effet de commerce, si la réalité de l'opération est constatée par des livres régulièrement tenus ou

autres documents certains (1). Il faut, autant que possible, enlever aux débiteurs de mauvaise foi toute espèce de faux-fuyants. Mais si le tribunal de commerce n'a d'autre élément de décision que la pièce, il n'a pas, comme le tribunal civil, le droit de la tenir dès l'abord pour vraie ou fausse. Il doit nécessairement prononcer le sursis, sauf à ordonner des mesures conservatoires s'il y a péril en la demeure.

Le tribunal doit ordonner le renvoi, même quand c'est un tribunal civil qui juge commercialement : la procédure de vérification d'écritures exige le concours des avoués; celle de faux incident exige en outre le concours du ministère public, et le tribunal siégeant commercialement n'a point d'avoués ni, au moins dans notre sentiment, de ministère public.

En prononçant le sursis, le tribunal peut fixer un délai dans lequel le demandeur en faux devra régulariser sa demande devant le tribunal civil, faute de quoi il sera passé outre. On doit permettre aux juges d'exception tout ce qui rentre dans l'esprit de leur institution.

V. De l'audition des parties.

« Le tribunal peut dans tous les cas ordonner, même d'office, que les parties seront entendues en personne, à l'audience ou dans la chambre, et s'il y a empêchement légitime, commettre un des juges ou même un juge de paix pour les entendre, lequel dressera procès-verbal de leurs déclarations (428). » Rodier, sur l'art. 4, tit. 16, de l'ordonnance, enseignait que les juges consuls pouvaient aussi ordonner l'audition catégorique devant un commissaire, suivant les règles ordinaires. Cette procédure si peu utile de l'audition catégorique n'est pourtant pas pratiquée dans les tribunaux de commerce, et c'est avec raison: il est plus conforme au vœu de la loi que les parties, comme les témoins, soient entendues par le tribunal tout entier (2).

VI. Du serment et des commissions rogatoires.

Quand les juges de commerce ordonnent un serment, il faut procéder comme devant les tribunaux civils, si ce n'est que la

(1) Cass., 18 août 1806 (D. A. Faux incident, 89. - S. chr. - P. chr.) et 5 mars 1817 (D. A. Faux incident, 90).

(2) Les auteurs enseignent pourtant que l'audition catégorique peut avoir lieu devant les tribunaux de commerce V. notamment Carré, quest. 1227. Nous pensons aussi qu'elle n'est pas absolument interdite.

Τ. II.

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partie adverse doit être appelée par exploit signifié soit à son domicile réel, soit au domicile élu en conformité de l'art. 422.

Les juges de commerce peuvent donner des commissions rogatoires comme les tribunaux civils; cela s'évince de la disposition spéciale de l'art. 428, et de la disposition générale de l'art. 1035.

$ 4. Des incidents proprement dits.

On peut, devant les tribunaux de commerce, former des demandes incidentes et reconventionnelles, soit sur l'audience, soit par exploit signifié au domicile réel ou au domicile élu. On peut aussi former des demandes en intervention, mais seulement par exploit signifié au domicile réel. L'élection de domicile exigée par l'art. 422 ne paraît prescrite que dans l'intérêt respectif des parties.

$ 5. De la reprise et de l'extinction de l'instance.

Les instances commerciales ne peuvent être mises hors de droit que par le décès de l'une des parties dûment notifié. Le décès de la personne chez laquelle on aurait fait l'élection de domicile prescrite par l'art. 422 ne produit pas le même effet; cette élection de domicile est censée se continuer chez les héritiers. On a déjà dit que la veuve commune en biens et les héritiers doivent être cités en reprise devant le tribunal de commerce. Les instances commerciales comme les instances civiles s'éteignent par un jugement définitif, par un compromis suivi de sentence, par une transaction: ce sont des points indubitables. Il est certain aussi que ces instances peuvent s'éteindre par un désistement fait sur l'audience par la partie elle-même ou par son procureur fondé muni d'un pouvoir spécial, ou bien signifié au domicile réel ou au domicile élu et signé par la partie ou son mandataire, et dans tous les cas régulièrement accepté par l'autre partie.

Mais on a mis en doute que la péremption pût s'accomplir devant le tribunal de commerce. Le doute n'existe point pour nous; s'il est une juridiction où l'on doit surtout désirer que les procès soient bientôt terminés, c'est la juridiction consulaire. Les motifs qui ont fait établir la péremption sont donc applicables ici par majorité de raison (1). La péremption des instances

(1) Cass., 21 décembre 1835 (D. A. Péremption, 95). La doctrine contraire, soutenue par Pigeau et Carré, ne trouve plus d'écho dans les tribunaux.

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