n'est jamais ouvert à l'adversaire du récusant, qui demeure, ainsi qu'on l'a dit, étranger à l'incident de récusation (1). L'appel produit ici, comme en toute autre matière, un effet suspensif. « Si néanmoins, dit l'art. 391, la partie (ce qui semble devoir s'entendre du récusant aussi bien que de la partie adverse) soutient que, attendu l'urgence, il est nécessaire de procéder à une opération sans attendre que l'appel soit jugé, l'incident sera porté à l'audience sur un simple acte, et le tribunal qui aura rejeté la récusation pourra ordonner qu'il sera procédé à l'opération par un autre juge. » Le juge récusé ne pourrait prendre part au jugement de cet incident; il en est de ce cas comme de celui prévu par l'art. 387. Le délai et la forme de l'appel sont fixés par l'art. 392 : «Celui qui voudra appeler sera tenu de le faire dans les cinq jours du jugement par un acte au greffe, lequel sera motivé et contiendra énonciation du dépôt au greffe des pièces au soutien. >>> L'avoué n'a pas besoin d'une nouvelle procuration authentique pour interjeter l'appel; la loi ne l'exige point: seulement, quand il agit sans pouvoir, il s'expose à être désavoué. Le délai de l'appel ne peut être prorogé pour cause d'éloignement du récusant : dès que la récusation est formée, le récusant doit donner ses instructions à son avoué pour le cas où elle sera repoussée. L'appel signifié par exploit serait radicalement nul, et d'une nullité, à ce qu'il semble, d'ordre public. « L'expédition de l'acte de récusation, de la déclaration du juge, du jugement, de l'appel, et les pièces jointes, doivent être envoyées sous trois jours par le greffier, à la requête et aux frais de l'appelant, au greffier de la cour (393). Dans les trois jours de la remise au greffier, celui-ci doit présenter les pièces à la cour, laquelle indique le jour du jugement et commet l'un des juges. Sur son rapport, et sur les conclusions du ministère public, il est rendu à l'audience jugement, sans qu'il soit nécessaire d'appeler les parties (394). » Ces derniers termes de l'art. 394 prouvent de plus en plus qu'en matière de récusation la voie de l'opposition n'est jamais ouverte. « Tous les moyens des parties, disait l'orateur du gouvernement, se trouvent nécessairement dans l'acte de récusation d'une part, et, de l'autre, dans la déclaration du juge. » Les mêmes termes de l'art. 394 indiquent que le récusant n'a pas le droit de soutenir devant la cour ses moyens de récusation par l'organe d'un avocat. Nous estimons toutefois (1) Contrà, Berriat, p. 372, 6o édit.; Carré, quest. 1407. que rien n'empêche la cour d'entendre les parties, lorsqu'elle n'y voit aucun inconvénient, et l'art. 394 n'y fait, à nos yeux, nul obstacle, ni l'art. 111 non plus. Quand celui-ci dit que les défenseurs ne peuvent prendre la parole après le rapport, il n'a eu en vue, suivant nous, que les rapports qui interviennent après délibéré ou instruction par écrit (1). Enfin, dans les vingt-quatre heures de l'expédition du jugement, le greffier de la cour doit renvoyer les pièces à lui adressées au greffier du tribunal de première instance (395). L'effet suspensif que produit l'appel du jugement rendu sur la récusation n'est pas indéfini. « L'appelant, porte l'art. 396, sera tenu, dans le mois du jour du jugement de première instance qui aura rejeté sa récusation, de signifier aux parties le jugement sur l'appel, ou certificat du greffier de la cour d'appel, contenant que l'appel n'est pas jugé et indication du jour déterminé par la cour, sinon, le jugement qui aura rejeté la récusation sera exécuté par provision, et ce qui sera fait en conséquence sera valable, encore que la récusation fût admise sur appel. » Cette dernière disposition de l'article mérite d'être remarquée, comme présentant une dérogation notable aux principes généraux, d'après lesquels ce qui a été fait en vertu d'un jugement exécutoire par provision ne laisse pas d'être annulé quand l'appel est accueilli. CHAPITRE II / XIX) Des règlements de Juges. 1262-567 Il y a lieu à règlement de juges toutes les fois qu'il y a conflit, soit entre des juridictions d'un ordre différent, soit entre des juridictions du même ordre. Nous avons déjà dit un mot des conflits qui peuvent s'élever entre l'autorité administrative et l'autorité judiciaire (2). Nous n'avons ici à nous occuper que des conflits qui naissent entre des juridictions appartenant également à l'ordre judiciaire. Nous verrons à cet égard: 1o dans quels cas il y a lieu à règlement de juges; 2o devant quelle autorité doit être portée la demande en règlement; 3o comment se forme et s'instruit cette demande; 4o comment elle doit être jugée et quelles sont les voies ouvertes contre le jugement. (1) V. à ce sujet ce que nous avons dit ci-dessus, p. 237. (2) V. ci-dessus, p. 134. Τ. Ι. 24 i $ ler. Dans quels cas il y a lieu à règlement de juges. Il y lieu à règlement de juges dans quatre cas qu'on va indiquer. ler cas. Litispendance. On sait qu'il y a litispendance quand le même différend est pendant devant plusieurs juridictions; c'est le cas que prévoit plus spécialement l'art. 363, parce que c'est 'de beaucoup le plus fréquent (1). 1 La demande en règlement de juges fondée sur cette première cause est admissible toutes les fois que l'une des juridictions saisies n'a pas rendu sur le fond un jugement ayant force de chose jugée. Le règlement de juges peut être demandé : 1° quand aucune des juridictions saisies n'a rendu de jugement pour déclarer sa | compétence; 2o quand l'une d'elles seulement a déclaré sa compétence, mais que sa décision sur ce point n'a pas acquis force de chose jugée; 3o quand chacune des juridictions a déclaré sa compétence et que leurs décisions sont également sujettes à Pappel ou également inattaquables par cette voie; 4o enfin, la demande, suivant nous, est encore admissible, quoiqu'une seule des juridictions saisies ait rendu sur sa compétence un jugement passé en force de chose jugée (2). Ce jugement n'empêche pas qu'on ne se trouve encore littéralement dans lecas de l'art.363; mais l'autorité chargée du règlement doit toujours, en pareil cas, renvoyer l'affaire devant celui des tribunaux qui a rendu sur sa compétence la sentence passée en chose jugée. Que si l'une des juridictions a déjà jugé le fond définitivement, elle a épuisé son pouvoir; elle est désormais dessaisie du litige, et l'on n'est plus dans les conditions de l'art. 363, puisqu'il n'y a plus procès actuellement pendant sur le même différend dans plusieurs tribunaux. Mais si cette sentence sur le fond n'est pas souveraine, la voie : du règlement de juges est-elle fermée? La négative paraît probable si, par la voie de l'appel, la partie a déjà porté le différend (1) Le cas de litispendance entre diverses chambres de la même cour est réglé par l'art. 25 du décret du 30 mars 1808, ainsi conçu : « S'il s'élève des difficultés, soit sur la distribution, soit sur la litispendance ou la connexité, les avoués seront tenus de se retirer devant le premier président, à l'heure ordinaire de la distribution; il statuera sans forme de procès et sans frais. » L'art. 63 du même décret contient une disposition analogue pour les tribunaux. (2) Contrà, Cass. 30 janvier 1817 (S. chr. juges, 63-1°). P. chr. D. A. Règlement de devant le tribunal supérieur, puisque le conflit existe alors avec ce dernier tribunal (1). La question présente plus de doute si, sans interjeter appel, mais pourtant dans les délais de cet appel, la partie s'est pourvue en règlement. La juridiction inférieure, pourrait-on dire, est dessaisie puisqu'elle a jugé; la juridiction supérieure n'est point saisie puisqu'il n'y a pas d'appel interjeté: donc il n'y a pas actuellement de conflit, et par une conséquence ultérieure il n'y a pas lieu à règlement de juges. Il serait plus prudent sans doute, en pareil cas, d'interjeter appel de la sentence rendue sur le fond, avant de former la demande en règlement: cependant, cette demande, pourvu qu'elle soit formée avant l'expiration des délais de l'appel, nous semblerait suffisante pour conserver les droits de la partie, si le tribunal qui aurait jugé le fond était déclaré par l'autorité saisie du règlement l'avoir fait incompétemment. Si, au contraire, ce tribunal était reconnu avoir compétemment statué, la demande en règlement formée dans les délais de l'appel ne pourrait pas relever la partie de la déchéance qu'elle aurait encourue sur le fond en n'interjetant pas son appel en temps utile. Lorsqu'il y a litispendance, la partie peut aussi, comme on l'a vu précédemment, l'opposer par voie d'exception devant le dernier tribunal saisi. Elle a donc l'option entre la demande en règlement et l'exception de litispendance. Mais celle-là paraît plus avantageuse que celle-ci: 1o en ce qu'elle est portée devant un tribunal supérieur qui fait cesser aussitôt le conflit, tandis que l'exception de litispendance peut être proposée sans succès, et le conflit continuer ainsi à subsister; 2o en ce que sur la demande en règlement de juges on peut obtenir un sursis à toutes les procédures, tandis que l'exception de litispendance, quand elle est repoussée, ne peut empêcher le tribunal de procéder au jugement du fond. L'exception de litispendance est pourtant souvent préférée, parce qu'elle nécessite moins de frais que la demande en règle ment. 2me cas. Connexité. La connexité, comme la litispendance, peut donner lieu au règlement de juges. La lettre de l'art. 363 ne contrarie pas cette doctrine, car l'article ne dit pas si un méme différend entre les mêmes parties est porté à deux ou plu (1) V. pourtant Cass. 24 juin 1815, 24 fév. 1852 (S. 1852. 1. 370. — P. 1852. 2. 670; et 11 mars 1872 (S. 1872 1.384. — P. 1872. 1013). D'après ces arrêts, pour que le règlement de juges soit admissible, il faudrait que l'affaire se trouvat dans les deux tribunaux au même degré de juridiction. Cette règle ne paraît écrite nulle part dans la loi. | sieurs tribunaux, mais seulement si un différend est porté, etc.; ce qui n'implique pas identité dans les deux procès. L'esprit de la loi la seconde ensuite visiblement; car tout ce qui tend à prévenir des contrariétés de décision et à épargner des frais aux parties mérite faveur. La jurisprudence de la Cour de Cassation est d'ailleurs fixée dans ce sens (1). Tout ce que nous avons dit sur le cas de litispendance s'applique dès lors au cas de connexité. 3me cas. Rejet d'un déclinatoire tendant à obtenir le renvoi devant un tribunal du ressort d'une autre cour. Ce troisième cas est fondé sur les dispositions des art. 19 et 20, tit. 2, du règlement sur les évocations de 1737, ainsi conçues : « La partie qui aura été déboutée du déclinatoire par elle proposé dans la cour ou dans la juridiction qu'elle prétendra être incompétente, et de sa i demande en renvoi dans une autre cour ou dans une juridiction { d'un autre ressort, pourra se pourvoir en notre grande chancellerie ou en notre conseil, en rapportant le jugement rendu contre elle et les pièces justificatives de son déclinatoire : moyennant quoi il lui sera accordé des lettres ou un arrêt, ainsi qu'il a été ci-dessus (art. 19). La disposition de l'article précédent aura lieu, encore que sur l'appel interjeté par le demandeur en déclinatoire de la sentence qui l'en a débouté ladite sentence ait été confirmée par arrêt (art. 20). » Les motifs qui avaient fait établir ces dispositions sembleraient ne plus exister aujourd'hui; cependant la cour suprême a jugé maintes fois qu'elles sont encore en vigueur (2). 4me cas. Conflit négatif. Il y a évidemment lieu à règlement lorsqu'il y a conflit négatif; mais tandis qu'il y a conflit positif dès que deux tribunaux sont saisis en même temps d'un même différend ou de différends connexes, il n'y a point nécessairement conflit négatif de ce que deux tribunaux se sont reconnus | incompétents pour connaître du procès: il faut de plus, ainsi qu'on l'a dit, qu'il soit certain que la connaissance du litige appartient à l'un ou à l'autre. § 2. Où doit étre porté le règlement de juges. Le principe est que le règlement doit être porté devant le tribunal supérieur qui exerce la suprématie la plus prochaine sur chacune des juridictions saisies. L'art. 363 ne fait qu'appliquer (1) V. arr. des 28 déc. 1807, 5 mai 1829 (S. chr. - P. chr. juges, 20) et 29 mai 1838 (S. 1838.1.539. — P. 1838. 2. 68). D. A. Règlement de (2) V. arr. des 14 mars 1826, 17 juillet 1828 (S. chr. - P. chr. - D. A. Règl. de juges, 56) et 14 déc. 1840 (P. 1843.2. 428. - D. A. Règl. de juges, 56). |