$ 3. De quelle manière les demandes en renvoi doivent étre instruites et jugées. <<< Toute demande en renvoi, porte l'art. 172, sera jugée sommairement, sans qu'elle puisse être réservée ni jointe au principal. >>> Que conclure de ces termes de l'article, sera jugée sommairement? Est-ce à dire que les avoués ne peuvent à cet égard percevoir d'autres droits que ceux que passe le Tarif dans les matières sommaires? C'est une question qui se représentera au titre des matières sommaires. La demande en renvoi semble, d'après l'article, devoir être jugée par préalable, et cela pour que la partie dont le déclinatoire est rejeté puisse, en interjetant appel, arrêter la décision du fond (1). L'article ne fixe point, pourtant, l'intervalle qut doit s'écouler entre le jugement qui rejette le déclinatoire et celui qui statue sur le fond; mais cet intervalle peut être déterminé à l'aide d'autres dispositions. Ainsi, comme d'après l'art. 450 aucun jugement non exécutoire par provision ne peut être exécuté dans la huitaine de sa prononciation, il doit au moins s'écouler huitaine entre le jugement qui rejette le déclinatoire et le jugement sur le fond, qui n'est qu'une exécution du précédent. D'autre part, et par la même raison, le jugement sur le fond, ne peut, à notre avis, être valablement rendu qu'autant que celui qui rejette le déclinatoire a été signifié préalablement à avoué, conformément à l'art. 147. Rodier, sur l'art. 3, tit. 6, de l'ordonnance, enseignait que les cours souveraines pouvaient juger en la même audience les fins de non-procéder et le fond: la raison qu'il en donne, c'est qu'on ne peut interjeter appel de leur décision. Cette raison conservant aujourd'hui toute sa force, la doctrine de Rodier nous semble encore applicable nonobstant la disposition générale de l'art. 470 qui rend communes aux tribunaux d'appel toutes les règles établies pour les tribunaux inférieurs, auxquelles le législateur n'a pas dérogé : en toute chose c'est la raison de la loi (1) La Cour de Cassation a pourtant jugé, par deux arréts des 18 janvier 1841 et 24 août 1852 S. 1852. 1. 817. — P. 1854. 1. 200. — D. P. 53. 1.97), que le tribunal peut statuer en même temps sur la compétence et sur le fond, ponrvu que ce soit par des dispositions distinctes. D'après cette jurisprudence, le jugement rendu sur la compétence s'exécutant par provision, l'art. 449 C. pr. est inapplicable, et l'appel doit être interjeté immédiatement. qu'il faut consulter; quand elle n'existe plus, la loi doit perdre son empire, Cessante ratione legis, cessat lex (1). Nous estimons aussi que les tribunaux civils peuvent statuer par un seul jugement sur la compétence et sur le fond dans les matières où l'exécution provisoire est prescrite ou simplementautorisée par la loi, pourvu qu'en cette dernière hypothèse les juges déclarent expressément que c'est le cas, à leurs yeux, de procéder par exécution provisoire. Nous ne concevrions pas qu'il dépendît d'une partie, dans une matière d'une extrême urgence, d'arrêter le jugement en élevant capricieusement un déclinatoire destitué de toute base. Mais nous n'admettons pas, malgré deux arrêts contraires de la cour suprême des 20 avril et 26 juillet 1808, qu'un tribunal dont la compétence est contestée, puisse, avant de déclarer sa compétence, statuer sur une demande en provision, en alléguant l'urgence : le principe qui veut que le juge statue sur le déclinatoire avant de juger aucune des questions du fond nous semble condamner une pareille doctrine. << Toute nullité d'exploit ou d'acte de procédure est couverte, si elle n'est proposée avant toute défense ou exception autre que les exceptions d'incompétence (art. 173). » Mais cette disposition doit être soigneusement restreinte aux cas qu'elle exprime, c'est-à-dire aux nullités des exploits, ou des actes de procédure, tels que des enquêtes ou des expertises. La nullité, même en la forme, de l'acte qui sert de base à la demande, tel qu'un acte d'obligation, une donation, un testament, etc., peut donc sans aucun doute être opposée en tout état de cause. Le défendeur peut aussi opposer en tout état de cause l'exception prise du défaut de qualité du demandeur. Mais cette exсерtion doit avoir des effets divers suivant que le demandeur est absolument sans qualité, ou que sa qualité est subordonnée seulement à quelque condition qu'il n'a pas remplie. Dans le premier cas, la demande doit être rejetée tout d'abord; dans le second, il faut accorder au demandeur un délai pour régulariser son action. Si, par exemple, la mère d'un mineur intente une action au nom de celui-ci dont elle a perdu la tutelle; si le (1) Cass. 5 juillet 1809 (S. chr. - P. chr. D. A. Exception, 213): Contrà, Boncenne, t. 3, p 258). mineur non émancipé, qui dans notre droit ne peut ester par lui-même en justice, intente l'action en son nom personnel; si le curateur d'un mineur émancipé ou le conseil judiciaire d'un prodigue intente une action au nom du mineur ou du prodigue qui ne figure pas dans la cause: le rejet de toutes ces actions doit être prononcé dès qu'il est demandé. Si, au contraire, une femme mariée engage une action sans l'autorisation de son mari; une commune ou un établissement public, sans l'autorisation du conseil de préfecture; un tuteur, sans l'autorisation du conseil de famille, en matière immobilière; un mineur émancipé, sans l'assistance de son curateur, aussi en matière immobilière; un prodigue, sans l'assistance de son conseil: comme toutes ces personnes peuvent par elles-mêmes ester en justice, et que le droit d'exercer l'action qu'elles ont engagée est seulement subordonné à une condition qu'elles n'ont pas encore remplie, l'irrégularité peut sans doute être opposée en tout état de cause, mais le tribunal peut fixer au demandeur un délai pour régulariser son action. A plus forte raison, l'exception devient-elle sans effet dès l'instant que le demandeur a réparé le vice avant que le tribunal ait à prononcer. L'art. 173 s'applique-t-il au cas où la loi n'autorisait l'action qu'à une condition préalable, qui n'a pas été remplie? Nous ne le pensons pas: sa disposition nous semble uniquement applicable aux nullités intrinsèques, c'est-à-dire qui procèdent de l'acte lui-même, et non à celles qui procèdent ex causâ anteriori: le défendeur en effet ne demande pas alors directement la nullité de l'exploit, mais bien le rejet de la demande, ce qui est différent. Dans ce système, le défendeur serait admissible à opposer en tout état de cause l'absence de l'essai conciliatoire, lorsqu'il était exigé: la jurisprudence est pourtant aujourd'hui fixée en sens contraire (1). Quoi qu'il en soit, comme cette jurisprudence nous semble trop indulgente, on ne devrait pas l'étendre au cas où l'adversaire de l'Etat ou d'une commune a négligé de présenter au préfet ou au conseil de préfecture les mémoires préalables exigés par les lois (2). La présentation de ces mémoires intéresse en effet plus directement encore l'ordre public que l'essai de con (1) Cass. 15 fév. 1842 (S. 1842. 1.550. - P 1842.2.133), 30 mai 1842 (S. 1842. 1. 495.- P. 1842. 2. 619. - D. A. Conciliation, 61) et 15 juillet 1869 (S. 1870. 1. 31. P. 1870. 48). Le premier de ces arrêts admet pourtant que le juge peut alors rejeter l'action d'office: c'est dire à la fois, ce nous semble, que l'essai de conciliation est d'ordre public et qu'il ne l'est pas. (2) Contrà, Cass. 4 août 1835 (S. 1835. 1. 184.-P.chr.-D. A. Dom. de l'Etat, 353). ciliation. Le défaut de consignation d'amende en matière de requête civile ou de cassation, peut aussi être opposé en tout état de cause. A plus forte raison, le moyen pris de ce que l'opposition, l'adpel, la requête civile, le pourvoi en cassation ont été formés hors des délais, est-il opposable jusqu'au jugement. Dans tons ces cas, ce n'est pas la nullité même de l'acte d'opposition, de l'acte d'appel, etc., que le défendeur demande, mais le rejet du recours comme ayant été formé hors des délais (1). On doit décider de même pour les recours prématurés. L'art. 173 s'applique-t-il aux procédures d'exécution comme aux procédures qui précèdent le jugement? L'affirmative s'induit et des termes généraux de l'article et de l'esprit du législateur (2). La raison prise de ce que la règle n'est pas reproduite dans le livre consacré à la procédure d'exécution, est sans valeur : le législateur ne peut se répéter à tout instant. Nous pensons aussi que l'art. 173 s'appliqueaux nullités substantielles comme aux nullités de pure forme, et aux exploits extra-judiciaires (3) comme aux ajournements, pnisqu'il ne distingue pas. Il y a plus de doute sur le point de savoir si cet article s'applique aux nullités des jugements, vu qu'il ne parle que des exploits ou actes de procédure. Ce qui milite pour l'affirmative, c'est que les auteurs du Tarif, dans l'article qui se réfère précisément à l'art. 173 C. pr., parlent de la requête en nullité de la demande ou du jugement. La négative nous semble pourtant préférable; il n'est pas possible d'assimiler à un simple acte de la procédure le monument solennel qui la termine. Ce qui est certain, c'est que la Cour de Cassation n'a jamais écarté des moyens de nullité d'un arrêt comme irrecevables pour n'avoir pas été présentés dès la formation du pourvoi, quoiqu'il ait dû arriver souvent qu'ils n'étaient relevés que dans la requête ampliative. L'exception de nullité ne doit pas être suppléée d'office: nous ne pensons pas qu'il y ait lieu de faire exception à ce principe dans le cas où le défendeur ne comparaît pas (4). Les juges doivent sans doute refuser d'octroyer le défaut, si l'ajournement a été donné à un délai trop court, jusqu'à ce que le délai légal soit expiré; mais à part ce cas, les moyens de forme ne sont pas (1) Cass. 3 février 1864 (S. 1864. 1. 10. P. 1864. 545). ( (3) Cass. 3 avril 1827 (S. chr. P. chr. - D. A. Exception, 343). (3) Cass. 5 déc. 1826 (S. chr. - P. chr. - D. A. Exception, 315). (4) Contrà, Boncenne, t. 3. p. 302. assez favorables pour que les juges prennent sur eux de prononcer des nullités que le défendeur peut se faire scrupule de proposer. Faut-il statuer sur le moyen de nullité par un jugement séparé, sans qu'on puisse le réserver et le joindre au fond? La loi ne l'exige point: elle n'a pas reproduit ici l'injonction qu'elle fait pour les demandes en renvoi dans l'art. 172. Quand donc les parties ont conclu respectivement sur le fond, le tribunal peut statuer sur les moyens de forme et sur ceux du fond par un seul et même jugement (1); et si la partie qui propose la nullité refuse de conclure au fond, rien n'empêche qu'elle ne soit condamnée au fond comme défaillante par le même jugement qui a statué contradictoirement sur le moyen de nullité. Disons en terminant que la représentation de la copie de l'exploit ne fait nul obstacle à l'exception de nullité. CHAPITRE IV Dans quel ordre les trois exceptions précédentes doivent être proposées. L'art. 173 dispose expressément que l'exception d'incompétence doit être proposée avant celle de nullité. Si l'on procédait autrement, l'incompétence ratione persone serait couverte. Mais il n'est pas facile de déterminer si la caution due par l'étranger doit être demandée avant ou après l'exception d'incompétence ou de nullité. L'art. 166 est à cet égard en opposition avec les art. 169 et 173. Quelques-uns (2) disent que l'exception judicatum solvi ne doit être proposée qu'après les deux autres. parce qu'avant tout il est naturel d'examiner si le juge était compétent et s'il a été saisi régulièrement. D'autres (3) font remarquer que l'ordre dans lequel les exceptions doivent être proposées est révélé par l'ordre même des dispositions de la loi; qu'ainsi la caution judicatum solvi, dont il est question dans le $ ler, doit passer avant toutes les autres; que d'ailleurs le jugement de la question d'incompétence ou de nullité devant donner lieu à des frais, le défendeur a intérêt à demander la caution avant d'avoir soulevé ces incidents. Quant à nous, vu le conflit des textes, nous penserions que ces exceptions, qui sont d'un ordre diffé (1) Cass. 31 janv. 1821 (S. chr. - P. chr. - D. A. Exploit, 524-9°). (2) Delvincourt, t. 1, p. 298; Berriat, p. 223, not. 45. (3) Boncenne, t. 3, p. 200; Boitard, t. 2, p. 26. T. I. 22 |