ties, et autres exceptions de ce genre. » Il est visible, d'après ces! définitions, que les fins de non-recevoir notamment attaquaient l'action elle-même et se confondaient avec les défenses (1). Les auteurs du Code de procédure, passant sous silence ces anciennes classifications qui leur ont paru saus doute manquer de précision ou n'être pas sans danger, n'ont formulé des règles particulières que pour les cinq espèces d'exceptions dont nous allons successivement parler. Nous verrons pourtant dans le ch. VIII, qu'il peut y avoir encore intérêt à distinguer les fins de non-valoir ou de non-recevoir des défenses proprement dites. CHAPITRE PREMIER ( De la caution à fournir par les étrangers. Cette caution est désignée ordinairement sous le nom de caution judicatum solvi; elle n'a pourtant pas plus de rapport avec la caution qu'en droit romain on désignait sous ce nom, que nos exceptions n'en ont avec les exceptions romaines. Il est à remarquer en effet que dans le droit romain la caution judicatum solvi était particulièrement exigée du défendeur ou possesseur; le demandeur, quand il poursuivait l'instance par luimême, ne devait aucune caution, tandis que la caution dont nous allons exposer les règles ne doit être fournie que par les étrangers demandeurs. L'art. 166 dispose en effet : « Tous étrangers demandeurs principaux ou intervenants seront tenus, si le défendeur le requiert avant toute exception, de fournir caution de payer les frais et dommages-intérêts auxquels ils pourraient être condamnés. >>> La première question qui s'élève en cette matière est celle de savoir si l'obligation que l'article précité impose aux étrangers doit être considérée comme la consécration d'un principe de droit naturel, ou simplement comme une création du droit civil. Cette question domine toutes les autres; car si l'obligation dont nous parlons est de droit naturel, on doit être porté à l'étendre par analogie; tandis que si elle n'émane que du droit civil, on doit la restreindre dans les limites rigoureuses que la loi a posées. A nos yeux, l'obligation dont nous parlons n'est que de droit civil. En droit naturel, l'accès du juge doit être libre à tous, au (1) Le Code de procédure ne définissant pas cependant le sens du mot fin de nonrecevoir, les juges nous semblent autorisés à ne pas considérer les exceptions comme couvertes par des conclusions tendant d'une manière vague à faire rejeter la demande comme irrecevable, quand aucun moyen pris du fond n'a été spécialement indiqué. demandeur comme au défendeur: la justice est dans l'ordre moral ce qu'est l'air ou l'eau dans l'ordre physique, c'est-à-dire une de ces choses communes auxquelles les étrangers ont droit comme les régnicoles. Un autre principe de droit naturel veut bien que chacun répare le préjudice qu'il occasionne à autrui par son fait; mais au moment où l'étranger vient frapper à la porte du prétoire, est-il raisonnable de présumer qu'il n'est poussé que par un esprit d'injustice ou de mensonge? Ce point de départ posé, l'on ne sera pas surpris que dans toutes les questions douteuses nous nous prononcions contre l'obligation de fournir caution. ler. Dans quel cas l'étranger est obligé de fournir caution. Il est certain d'abord que la caution ne peut être exigée ni de l'étranger qui jouit en France des droits civils, ni de l'étranger appartenant à une nation chez laquelle les Français peuvent, en vertu des traités, être admis eux-mêmes à plaider sans caution préalable. Les Suisses, par exemple, sont dispensés de fournir caution par le traité d'alliance du 4 vendémiaire an XII. En dehors même de ces cas, l'étranger n'est pas toujours obligé de fournir caution: il ne la doit qu'autant qu'il est demandeur principal ou qu'il intervient spontanément dans le procès; il ne la doit point quand il n'est que défendeur ou appelé en cause. Pour déterminer au surplus si l'étranger est demandeur ou défendeur, ce n'est pas à l'apparence qu'il faut s'attacher, mais au fond des choses. Si, par exemple, l'étranger défendeur a été condamné par défaut et qu'il se pourvoie par opposition, quoiqu'il soit demandeur sur son opposition, il ne laisse pas d'être en réalité défendeur. D'un autre côté, les demandes reconventionnelles formées par l'étranger ne sauraient le soumettre à la caution, puisque la loi elle-même dans l'art. 464 C. pr. ne considère ces demandes que comme des moyens de défense à l'action primitive. Il doit en être de même quand l'étranger poursuivi en vertu d'un titre paré demande la nullité des poursuites. Sa demande en nullité n'est qu'une résistance aux attaques dont il est l'objet; il ne fait donc que se défendre, et partant il ne doit point de caution. Est-ce à dire, à l'inverse, que l'étranger qui agit en vertu d'un titre paré doit être soumis à fournir caution avant de pratiquer l'exécution? La conséquence n'est point nécessaire. L'étranger alors est bien demandeur, mais la présomption est en faveur de son titre (1), ce titre fût-il contesté (2). La haute dignité de l'étranger n'est pas une raison pour l'affranchir de la caution : les ambassadeurs, voire les têtes couronnées, y sont soumis comme les particuliers. C'est ce qui fut jugé par deux arrêts du parlement de Paris, des 25 mars 1732 et 25 mai 1781. $ 2. Par qui la caution peut étre demandée. Elle peut l'être non-seulement par le Français, mais encore par l'étranger qui jouit en France des droits civils. Mais l'étrań-| ger qui ne jouit pas des droits civils peut-il la réclamer? Nous devons répondre négativement, dès que nous avons posé en principe que l'obligation de fournir la caution n'émane pas du droit naturel mais du droit civil. Les traditions historiques viennent à l'appui de cette doctrine. Les lois qui dérivent du droit naturel ont un certain caractère d'universalité et de pérennité qu'on ne retrouve point ici. D'une part, ainsi qu'on l'a dit, à Rome, où les cautions étaient pourtant prodiguées, et où les citoyens ne pouvaient se mouvoir sans un cortége de fidéjusseurs, aucune caution n'était exigée du demandeur qui se présentait en personne dans la lice judiciaire. D'autre part, nos anciens auteurs, entre autres Serres, au titre 21, livre Iv de ses Institutes, nous apprennent qu'autrefois aucune caution n'était exigée en France de la part des étrangers, et la raison qu'on en donnait, et que rappelle Serres, est belle: D'autant, disait-on, que le roi doit justice aussi bien à l'étranger qu'au Français. Quand donc on établit pour la première fois la nécessité de cette caution, ce ne dût être que dans l'intérêt des régnicoles; aussi le même Serres ajoutait-il que cette caution n'était exigée que des étrangers qui étaient demandeurs contre un Français. La même doctrine nous semble devoir être suivie aujourd'hui (3). $ 3. A quelle époque la caution doit étre demandée. Le défendeur, d'après l'art. 166, doit requérir la caution avant toute exception. Quand nous aurons parlé de l'exception d'incompétence et de celle de nullité, nous verrons comment cette dis (1) Cass. 9 avril 1807 (S. chr. - P. chr. - D. A. Exception, 61). (2) Contrà, Joccoton, des Exceptions, p. 195. (3) Cass. 15 avril 1842 (S. 1842. 1. 473. P. 1843. 1.700.-1 D. A. Exception, 29); Paris 12 avril 1856 (S. 1857. 2. 104. — P. 1856.2.333. - D. P. 55. 2.261), et 2 juillet 1861 (D. P. 61.5.196). position de l'art. 166 peut se combiner avec l'art. 169, qui veut aussi que l'incompétence ratione persone soit proposée avant toute autre exception, et avec l'art. 173 qui veut que l'exception de nullité soit proposée avant toute autre que celle d'incompétence. Ici nous voulons seulement examiner si la caution peut être réclamée pour la première fois en appel, et si elle peut être exigée de l'étranger qui se pourvoit en requête civile ou en cassation. Quant à l'appel, on faisait autrefois une distinction fort raisonnable et que nous croyons par conséquent devoir être encore appliquée. Si l'étranger appelant était défendeur en première instance, l'appel remettant tout en question, il doit conserver devant les juges supérieurs tous les avantages inhérents à sa qualité primitive de défendeur. Au contraire, s'il était déjà demandeur en première instance, sa position devant les juges d'appel est plus défavorable qu'elle ne l'était devant le tribunal inférieur, puisque la décision des premiers juges établit contre lui un préjugé puissant: partant, comme l'instance d'appel est une instance nouvelle, le Français qui se serait rendu non-recevable à demander la caution en première instance doit être admis à la demander en appel pour les frais à exposer dans cette dernière juridiction. Les renonciations implicites, comme les renonciations expresses, sont d'ailleurs de droit étroit. Quand l'étranger est intimé, on ne peut lui demander pour la première fois la caution sur l'appel, si ce n'est dans le cas où il aurait obtenu un jugement par défaut contre une partie qui n'aurait présenté aucune exception ni défense devant les premiers juges. L'appelant pourrait en ce dernier cas demander la caution avant de présenter ses griefs contre le jugement. L'étranger qui se pourvoit par requête civile doit-il être soumis à la caution? Il faut faire, ce nous semble, les mêmes distinctions que pour l'appel. Mais s'il s'agit d'un pourvoi en cassation, comme le défendeur n'est appelé que lorsque le pourvoi a déjà été admis, et que l'arrêt d'admission constitue au profit de l'étranger une présomption considérable, la caution ne nous paraît pas pouvoir être exigée en aucun cas. $ 4. Quel est l'objet de la caution, et comment elle peut étre remplacée. L'objet de la caution, d'après l'art. 166, embrasse les frais et les dommages-intéréts auxquels l'étranger pourrait être condamné, ce qui ne doit s'entendre, d'après l'art. 16 C. civ., que des dommages résultant du procès. « Le jugement qui ordonne la caution doit, d'après l'art. 167, fixer la somme jusqu'à concurrence de laquelle elle sera fournie. » Cette fixation ne peut être qu'approximative; et si le développement ultérieur de l'instance vient en prouver l'insuffisance, le défendeur, à notre avis, peut réclamer devant les mêmes juges ou devant les juges supérieurs un supplément de caution; il a conservé son droit pour toute la durée du procès dès qu'il l'a invoqué en temps utile. La caution, d'après le même art. 167, peut être remplacée par, la consignation d'une somme égale à celle évaluée par le tribunal, et l'étranger en est dispensé quand il justifie que ses immeubles situés en France sont suffisants pour répondre de cette même somme. On a demandé si, en vertu du jugement qui reconnaît la suffisance des immeubles, le défendeur peut prendre hypothèque. La négative est enseignée par plusieurs auteurs (1). Nous ne partageons pas leur doctrine. Le législateur n'a dispensé de la caution l'étranger qui possède en France des immeubles suffisants, que parce qu'il a supposé que ces immeubles offraient autant de sûreté qu'une caution ou que la consignation des deniers; or, il ne peut en être ainsi qu'autant que le défendeur est autorisé à prendre inscription. L'art. 166 parlant d'immeubles situés en France, il est évident pour nous, d'un côté, que l'étranger ne peut offrir pour gage des biens situés dans les colonies, et d'un autre côté, qu'il peut parfaitement offrir des biens situés dans le ressort d'une autre cour d'appel. L'art. 2023 C. civ. n'a nulle application ici. Un arrêt du parlement de Flandre du 12 janvier 1784 avait jugé autrefois que l'étranger devait encore être exempt de fournir caution, quand son adversaire se reconnaissait débiteur envers lui de sommes suffisantes pour payer le jugé. Cette décision devrait être suivie encore sans difficulté. Le Code de procédure désigne sous le nom de Renvois les exceptions d'incompétence, de litispendance ou de connexité, plus vulgairement connues sous le nom de Déclinatoires. Cette (1) V. notamment Toullier, t. 1, n° 265, not. 1; Duranton, t. 1, p. 104, not. 2; Dalloz, Rép., t. 7, p. 581; Demolombe, t. 1, n° 259. |