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besoin de le faire ordonner. » Il résulte de ce texte que si l'opposition n'est pas réitérée par requête dans la huitaine, elle est désormais irrecevable, quand même le jugement n'aurait pas encore été exécuté de quelqu'une des manières indiquées dans l'art. 159. Nous ne pouvons pas admettre que la partie puisse réitérer cinq ou six fois son opposition sans la régulariser jamais (1), ni que l'opposition puisse être faite ou réitérée valablement par une assignation à domicile (2): il faut une requête d'avoué. Le mot requête employé dans l'art. 162 ne peut pas ici avoir d'autre sens.

Le même art. 162 s'occupe du cas où l'avoué de la partie qui a obtenu le jugement a cessé ses fonctions. Il veut que cette partie fasse notifier une nouvelle constitution d'avoué au défaillant, lequel, ajoute l'article, sera tenu, dans les délais ci-dessus, à compter de la signification, de réitérer son opposition par requête avec constitution d'avoué. » Ce texte ne distingue pas entre les cas où l'avoué du demandeur a cessé ses fonctions avant que l'opposition extra-judiciaire ait été formée, et le cas où il ne cesse ses fonctions qu'après cette opposition, mais avant que le délai de huitaine soit écoulé : ainsi, dans ce dernier cas comme dans le premier, le défaillant doit avoir huitaine entière à dater de la nouvelle constitution. Cette constitution doit être faite par exploit signifié à la personne ou au domicile du défaillant. Mais celui-ci, comme nous l'avons dit, n'est pas obligé d'attendre la nouvelle constitution, qui est exigée principalement dans son intérêt: il peut donc, pour prévenir toute déchéance, former son opposition par exploit.

L'art. 162 ne dit point comme l'art. 161 que la requête d'opposition doit contenir les moyens de l'opposant, à peine d'être rejetée comme non recevable: quoique les peines soient de droit étroit, la parité entre les deux articles est si parfaite que l'un doit se compléter par l'autre (3). Ce qui le prouve de plus en plus c'est que l'art. 162 pose lui-même une règle applicable aux deux espèces d'opposition, quand il dispose que « dans aucun cas les moyens d'opposition fournis postérieurement à la requête ne peuvent entrer en taxe. » On a voulu par là empêcher toutes écritures inutiles.

257)

(1) Contrà, Cass. 18 avril 1811 (S. chr. P. chr. - D. A. Jug. par défaut, 257) et 3 fév. 1864 (S. 1864. 1. 10. — P. 1864.545. - D. P. 64. Τ. 118).

(2) Contrà, Carré. quest. 680. Mais l'opinion de cet auteur qui admet la femme et les proches de la partie condamnée à former en son absence l'opposition provisoire, nous semble humaine, et nous nous y rangeons, quoique nous ne l'eussions pas admise dans nos deux premières éditions.

(3) Contrd, Demiau-Crouzilhac, p. 135.

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$ 4. Du cas il y a plusieurs défendeurs, et du jugement de jonction de défaut.

Les art. 151, 152 et 153 sont également relatifs au cas où il y a plusieurs défendeurs.

Suivant le premier, « lorsque plusieurs parties ont été citées pour le même objetà différents délais, il ne peut être pris défaut contre aucune d'elles qu'après le plus long délai » (1). Suivant le second, toutes les parties appelées et défaillantes doivent être comprises dans le même défaut, et s'il en est pris contre chacune d'elles séparément, les frais desdits défauts ne peuvent entrer en taxe, et doivent rester à la charge de l'avoué sans qu'il puisse les répéter contre la partie. » C'est-à-dire que l'avoué ne peut porter en compte soit vis-à-vis des défaillants, soit vis-à-vis de sa propre partie, que les frais d'un seul jugement..

L'art. 152 n'établit, comme on le voit, qu'une sanction de taxe; il ne prononce point la nullité des jugements de défaut obtenus séparément contre chacun des défaillants. En doit-il être de même dans le cas de l'art. 151, c'est-à-dire lorsqu'un jugement de défaut a été obtenu contre quelqu'un des défaillants avant que les délais soient expirés à l'égard des autres? Faisons remarquer d'abord que la question offre moins d'intérêt qu'elle n'en paraît présenter au premier aperçu. En effet, dans le cas même où la disposition de l'art. 151 n'a pas été observée, la partie contre laquelle le jugement de défaut a été requis prématurément n'a pour former son opposition que les délais ordinaires; et si elle se pourvoit en temps utile, il importe assez peu que le jugement soit annulé ou maintenu dans la forme, puisqu'on demeure d'accord que les frais doivent toujours resterà la charge de l'avoué sans répétition, comme dans le cas de l'art. 152. La question ne pourrait avoir de l'importance qu'à l'égard de la requête civile. Quoi qu'il en soit, l'inobservation de l'art. 151 nous semble devoir emporter nullité, comme tout ce qui attente au droit de défense (2).

Abordons maintenant la disposition de l'art. 153. Cet article prescrit pour le cas dont il s'occupe une procédure spéciale qui était inconnue autrefois, et qui a pour principal but d'empêcher la contrariété de jugements dans la même affaire: aussi est-elle réputée d'ordre public, et son omission emporte nullité (1). « Si { de deux ou de plusieurs parties assignées, porte l'art. 153, l'une fait défaut et l'autre comparaît, le profit du défaut sera joint, et le jugement de jonction sera signifié à la partie défaillante par un huissier commis: la signification contiendra assignation au jour auquel la cause sera appelée; il sera statué par un seul jugement qui ne sera pas susceptible d'opposition. >>>

(1) Pigeau, dans son Commentaire, dit qu'il faut restreindre cette disposition au

cas où l'objet est indivisible. La généralité de l'article repousse cette doctrine. (2) Contrà, Pigeau, Commentaire, t. 1, p. 345, n° 2.

Les jugements de défaut faute de conclure ou faute de compa raître, quand ils octroient les conclusions du demandeur, contiennent deux parties distinctes: la constatation du défaut du défendeur ou de son avoué, et ensuite le profit de ce défaut, qui consiste dans l'adjudication des conclusions du demandeur. Le jugement de jonction exigé par l'art. 153 ne constate que le fait de la non comparution de quelqu'un des défendeurs; il n'en accorde pas encore le profit au demandeur, et il se borne à joindre ce profit au fond, c'est-à-dire qu'il ne prononce, en attendant, aucune condamnation contre le défendeur non comparant; mais la condamnation qui pourra survenir après la signification du jugement de jonction et la réassignation sera réputée contradictoire: c'est le profit que procure ce défaut.

La commission d'huissier que la loi exige ici pour s'assurer que le défaillant sera prévenu, peut donner lieu aux mêmes difficultés que nous avons examinées en expliquant la première disposition de l'art. 156, et ces difficultés doivent être résolues de la même manière.

1

La jonction du défaut doit être ordonnée en toute matière ! civile, ordinaire ou sommaire, à moins qu'il ne s'agisse d'une procédure spéciale où la loi n'autorise jamais l'opposition. Mais elle n'est nécessaire que lorsque la partie défaillante a intérêt à la contestation (2).

La réassignation doit être donnée aux délais ordinaires, à moins

(1) La jonction du défaut ne nous semble cependant prescrite qu'en faveur des défendeurs, qui ont ordinairement intérêt à se communiquer leurs moyens de défense: nous n'admettons donc pas que le demandeur puisse en aucun cas se prévaloir de son omission. Cass. 9 déc. 1863 (S. 1864. 1. 405. P. 1864. 414. D. P. 64. 1.460).

(2) Cass. 29 juin 1853 (S. 1853.1.721. — P. 1855. 1.135. — D. P. 53. 1. 282) et 24 mars 1863 (S. 1863. 1. 436. - P. 1863.1118. - D.P. 64.1.122). Il faut aussi, d'après les art. 151 et 153 comparés, que les parties soient citées pour le même objet; d'où il résulte que la jonction du défaut ne doit pas avoir lieu quand les défendeurs ont été cités pour des objets divers, comme pour des créances différentes ou des immeubles différents. Quand le mari n'est cité que pour autoriser, il n'est pas cité non plus pour le même objet que sa femme, et la jonction n'est pas nécessaire. Arrêt précité du⚫ 29 juin 1853.

que le tribunal ne les ait abrégés, vu l'urgence; mais le défaillant qui constitue avoué ne doit point jouir du délai pour signifier les défenses; il doit être traité comme un opposant, et tout opposant doit venir prét (1).

Une des questions les plus délicates auxquelles ait donné lieu l'art. 153, c'est celle de savoir si le jugement rendu après la réassignation de la partie défaillante, est réputé contradictoire non-seulement à l'égard de cette partie qui persiste à faire défaut, mais encore à l'égard des autres qui avaient constitué avoué dès l'origine, mais dont les avoués ne se présentent pas -lors du second jugement. L'affirmative résulte de la jurisprudence de la cour suprême, basée principalement sur ce que la loi est conçue en termes généraux qui n'autorisent aucune distinction (2).

Le jugement rendu après jonction de défaut est réputé contradictoire sur les incidents comme sur le fond. Il peut aussi être exécuté sans attendre huitaine depuis sa signification; l'art. 155 cesse alors d'être applicable.

Les effets de la jonction de défaut s'étendent, du reste, à toute la cause. Ainsi, quand elle a été prononcée contre un des héritiers, tous les jugements ultérieurs rendus sur la demande en partage ne sont plus susceptibles d'opposition (3).

Quand tous les défendeurs ont constitué avoué, si l'un des avoués seulement consent à prendre des conclusions, et que les autres s'y refusent, il n'y a pas lieu à jonction de défaut. Cette jonction constitue une procédure exceptionnelle, qui doit être restreinte taxativement au cas que la loi a prévu. Toute réassignation est d'ailleurs inutile quand tous les défendeurs ont constitué avoué (4). Le code eût pourtant bien fait de dire qu'en ce cas l'affaire serait renvoyée à une autre audience, et qu'il serait signifié aux avoués non concluants un nouvel avenir, après lequel le jugement serait réputé contradictoire vis-à-vis de toutes -parties.

(1) Contrd, Carré, quest. 631.

(2) Cass. 13 nov. 1823 et 15 janvier 1848 (D. A. Jug. par défaut, 88). Ce dernier arrêt a même décidé qu'il était inutile de signifier le jugement de jonction aux parties comparantes; ce n'est, en effet, vis-à-vis d'elles qu'un jugement de remise de cause.

(3) Cass. 7 juillet 1869 (S. 1870. 1. 14. - P. 1870. 20).

(4) Cass. 4 juillet 1826 et 27 mai 1835 (S. 1836. 1. 35. - P. chr. D. A. Jug. par défaut, 79).

SECTION II

Du défaut de la part du demandeur ou défaut-congé.

Lorsque l'avoué du demandeur ne se présente pas au jour marqué pour l'audience, sa partie est présumée se désister, et le défendeur doit dès lors être relaxé, sans que le tribunal ait à examiner le mérite de ses moyens. L'art. 154 dispose en effet :

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Le défendeur qui aura constitué avoué pourra, sans avoir fourni de défenses, suivre l'audience par un seul acte, et prendre: défaut contre le demandeur qui ne comparaîtrait pas. >>>

L'art. 470 C. pr. déclarant communes aux cours toutes les règles de la procédure des tribunaux inférieurs auxquelles il n'est pas spécialement dérogé, l'art. 154 doit être appliqué en appel comme en première instance; on ne voit pas pourquoi une partie serait plus obligée de persister dans son appel que dans son assignation devant le premier juge (1). Le défendeur ou l'intimé obtiennent régulièrement le défaut-congé par de simples conclusions prises à la barre.

Mais quel est l'effet du défaut-congé? Est-ce un simple renvoi de l'assignation, en sorte que le demandeur puisse reproduire plus tard son action sans qu'il ait besoin de se pourvoir par opposition; ou bien sa demande est-elle censée repoussée au fond, en sorte que s'il veut la reproduire il soit obligé de se pourvoir par opposition ou appel dans les délais légaux? La question était autrefois vivement débattue (V. Rodier, sur l'art. 2, tit. 5 de l'ordonnance, quest. 2). Nous estimons qu'aujourd'hui le jugement qui constate le défaut du demandeur peut et doit rejeter ses prétentions au fond, dès que le défendeur y conclut (2); et si son dispositif présente à cet égard quelque ambiguïté, c'est dans ce sens qu'il doit être entendu. Il est à remarquer en effet que le nouveau législateur a écarté l'ancienne dénomination de congé; qu'il a compris le défaut du demandeur, comme celui du défendeur, sous cette seule rubrique : des jugements par défaut etoppositions; que l'art. 154 se trouve placé avant les articles qui fixent les formes et les délais de l'opposition, tandis qu'il eût été plus naturel de le placer à la fin du titre si l'on avait entendu .. soustraire le défaut du demandeur aux règles ordinaires de

(1) Cass. 19 novembre 1866 et 5 mars 1873 (D. P. 73. 1. 285). (2) Cass. 29 nov. 1825 (S. chr. P. chr.); Douai, 20 janvier 1855 (S. 1856.1.212) - P. 1856. 2. 235); Metz, 10 août 1855 (S. 1855. 2. 681. P. 1856.2. béry, 12 janvier 1863 (S. 1863. 2. 192. — P. 1863. 1086. - D. P. 64. 2. 43).

235); Cham

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