SECTION VII Des injonctions, suppressions d'écrits, et affiches des jugements, Les tribunaux, suivant la gravité des circonstances, peuvent, dans les causes dont ils sont saisis, prononcer, même d'office, des injonctions, supprimer des écrits, les déclarer calomnieux, et ordonner l'impression et l'affiche de leurs jugements (1036). » Cet article embrasse dans sa généralité tous les tribunaux, et par conséquent les tribunaux d'exception tels que les justices de paixet les tribunaux de commerce, comme les tribunaux ordinaires (1). Les juges ne peuvent exercer le pouvoir que leur accorde l'article précité que dans les causes dont ils sont saisis. La Cour de Cassation a pourtant jugé qu'un tribunal peut ordonner la suppression d'un mémoire injurieux répandu dans le public sansavoir été signifié à la partie ni remis aux juges, dès que ce mémoire est relatif à l'affaire portée devant lui et a circulé dans le public (2). Les juges peuvent prononcer d'office les condamnations dont nous parlons: d'où il faut conclure qu'ils peuvent les prononcer sans réquisition préalable du ministère public, et même sans qu'il y ait eu des conclusions prises à cet égard par la partie adverse. Ces condamnations peuvent être prononcées non-seulement quand les mémoires ou écrits contiennent des calomnies contre la partie adverse ou contre les magistrats saisis de la cause, mais encore lorsque les calomnies sont dirigées contre des autorités autres que celle saisie du litige, par exemple, en appel contre les juges de première instance, ou même en général contre une partie étrangère au procès: cela résulte des termes absolus dans lesquels est conçue la disposition de la loi. Si l'impression et l'affiche du jugement n'ont pas été ordonnées dans l'intérêt de l'une des parties, c'est le ministère public qui doit veiller à l'exécution de la sentence. Les condamnations prononcées aux termes de l'art. 1036 ne paraissent pouvoir donner lieu à l'appel qu'autant que l'affaire à l'occasion de laquelle elles sont prononcées en est elle-même susceptible, et qu'il y a réellement appel de quelques dispositions sur le fond. Ce point pourtant n'est pas exempt de difficulté pour les impressions et affiches, et l'appel nous semblerait recevable si la dépense devait dépasser quinze cents francs. (1) Cass. 31 mai 1864 (S. 1864. 1. 291. - P. 1864. 956. - D. P. 64. 1.361). (2) Arrêts du 22 nov. 1809 (D. A. Presse, Outrage, 1261) et du 28 juillet 1870 (D. P. 72.1.156). : : : Il est plus d'usage aujourd'hui d'ordonner l'insertion de ces jugements dans les journaux que leur affiche, et les juges doivent alors indiquer dans quels journaux l'insertion devra se faire, sans qu'il y ait pour ceci de privilége en faveur des journaux chargés des publications légales. CHAPITRE XIV 149-165) Des jugements par défaut et oppositions. Nul ne doit être irrévocablement condamné sans avoir été mis à même de se faire entendre. C'est sur ce principe de droit naturel que repose toute la théorie des jugements par défaut, et, en particulier, le droit qu'a, en général, la partie qui n'a pas été entendue, de demander la rétractation du jugement qui l'a frappée, devant les mêmes juges qui l'ont rendu. C'est ce recours qu'on désigne sous le nom d'opposition (1). On distingue deux genres de défaut: le défaut du demandeur, appelé dans la pratique défaut-congé; et le défaut du défendeur ou des défendeurs, qui se subdivise en trois espèces défaut faute de comparaître, défaut faute de conclure, et défaut joint. Nous parlerons d'abord du défaut des défendeurs, parce que c'est le plus fréquent. SECTION PREMIÈRE Des jugements par défaut vis-à-vis des défendeurs. Nous allons exposer d'abord les règles communes aux jugements par défaut faute de comparaître et faute de conclure. Nous verrons ensuite les règles spéciales à chacune de ces espèces, et enfin la marche à suivre quand il y a plusieurs défendeurs, et les effets de la jonction du défaut. $ 1er. Règles communes aux jugements par défaut faute de Le jugement est par défaut faute de comparaître, lorsque le défendeur n'a pas constitué d'avoué: aussi l'appelle-t-on encore défaut faute de constitution d'avoué, ou défaut contre partie. (1) L'opposition envers un arrêt de défaut rendu sur une question d'état doit done être portée d'abord à la chambre qui a rendu cet arrêt, avant que l'affaire puisse être portée à l'audience solennelle. Cass. 15 janvier 1872 (D. P. 72. 1. 52. -S. 1872.1.116. - P. 1872. 273). Le jugement est par défaut faute de conclure, lorsque le défendeur a constitué avoué, mais que son avoué ne se présente pas au jour indiqué pour l'audience, ou qu'il refuse d'accepter le débat: on appelle encore ce défaut, défaut faute de défendre, ou faute de plaider, ou enfin défaut contre avoué. La dénomination faute de conclure est la plus exacte, parce que d'une part, quoique le défendeur ait signifié des défenses, le jugement ne laisse pas d'être par défaut si l'avoué ne se présente pas au jour marqué pour l'audience; et d'autre part, le jugement ne laisse pas d'être contradictoire dès que l'avoué du défendeur a pris ses conclusions, quoique l'affaire n'ait pas été plaidée (1). Quand des conclusions ont été prises contradictoirement, le premier jugement qui intervient est évidemment contradictoire; mais si le jugement est un jugement d'avant dire droit, est-ce à dire que le second jugement sera aussi réputé contradictoire vis-à-vis de la partie dont l'avoué ne se sera pas représenté ? L'art. 70 du Tarif indique clairement que lorsque le jugement d'avant dire droit est interlocutoire, il faut régulièrement donner pour le jugement ultérieur un nouvel avenir. La conséquence que nous tirons de là, c'est que la seconde sentence doit être précédée de conclusions nouvelles pour être réputée contradictoire : il faut, dans le doute, adopter le parti le moins rigoureux. Nous pensons même qu'il faut étendre cette règle aux jugements simplement préparatoires qui ont ordonné des procédures probatoires dont la signification est indispensable, et qu'il y a lieu dès lors de discuter. Ces procédures demandent quelquefois des années entières, et il nous semblerait par trop rigoureux de fermer la voie de l'opposition à un avoué qui a pu ne pas être averti à temps: la loi ne doit jamais favoriser les surprises. Nous avons du reste fait remarquer dans le ch. V, que les procédures probatoires dont la loi commande la signification, exigent par là même en toute hypothèse un nouvel avenir. Mais quand il s'agit de procédures faites à l'audience même, et (1) Prendre les conclusions contradictoirement à l'audience, c'est ce qu'on appelle poser les qualités (Décret du 30 mars 1808, art. 28). Chauveau sur Carré, question 613 bis, ne considère comme liant la cause contradictoirement que les conclusions qui ont été prises après la mise au rôle de la chambre, avec indication du jour pour plaider; il n'attribue pas le même effet aux conclusions que les avoués dans certains tribunaux sont dans l'usage de prendre lors de la mise de l'affaire sur le rôle, longtemps par conséquent avant le jour de la plaidoirie. Cette doctrine de notre savant collègue, que nous avons admise dans nos précédentes éditions, nous semble, après réflexion, ètre arbitraire. C'est aux tribunaux qui ont adopté un mauvais usage à le réformer. V. en ce cas Cass. 24 avril 1834 (S. 1834. 1. 288. D. A. Jugement, 50-4°), et 20 juill. 1858 (D. P. 58. 1. 403). P. 1834. 2. 419. i qui n'ont pas besoin d'être signifiées, comme une comparution personnelle des parties ou une enquête sommaire, les conclusions prises à une précédente audience s'appliquent, suivant nous, de plein droit, aux audiences postérieures (1). L'opposition est une voie très-favorable tant qu'on peut redouter une surprise: elle ne l'est plus et deviendrait chicane, quand nulle surprise n'est à redouter. Les deux espèces de défaut vis-à-vis du défendeur, le défaut faute de comparaître et le défaut faute de conclure, sont claire|ment indiquées dans l'art. 149 qui dispose : « Si le défendeur ne constitue pas avoué, ou si l'avoué constitué ne se présente pas au jour indiqué pour l'audience, il sera donné défaut. » Il sera donné défaut, c'est-à-dire que la non-comparution du défendeur ou de son avoué sera constatée. Mais le demandeur devra-t-il nécessairement obtenir gain de cause? Non. L'art. 150 ajoute : « Le défaut sera prononcé à l'audience sur l'appel de la cause; et les conclusions de la partie qui le requiert seront adjugées, si elles se trouvent justes et bien vérifiées. Pourront néanmoins les juges faire mettre les pièces sur le bureau pour prononcer le jugement à l'audience suivante (2). Les conclusions du demandeur ne doivent donc lui être octroyées qu'autant qu'elles sont trouvées justes: Litigatoris absentia, disait la loi 13, § 4, Cod. de Judiciis, Dei presentia repleatur. - Faut-il conclure de là que les conclusions du demandeur doivent être repoussées dès qu'il ne rapporte pas de preuve écrite et que l'intérêt du litige excède 150 francs? La conséquence serait erronée. Les faits allégués par le demandeur pourraient résulter, si le défendeur comparaissait, soit de son aveu, soit de son refus de prêter serment. Il ne faut pas que le demandeur soit mis par le fait des juges dans l'impossibilité de recourir à ces genres de preuve. Les conclusions du demandeur ne doivent donc être repoussées qu'autant que le tribunal est incompétent ratione materiæ, ou que la demande est illicite, comme si elle tend à obtenir le paiement d'une dette de jeu, d'un pari, d'un dédit de mariage, l'exécution d'un traité sur une succession non ouverte, etc.; ou enfin que les conclusions du demandeur sont contraires à un texte précis de loi, comme si un ascendant autre que le père et la mère demandait le partage d'une suc (1) Cass. 9 août 1870 (S. 1872. 1. 136. — P. 1872.306. - D. P. 71. 1. 320). (2) Les juges peuvent renvoyer le prononcé du jugement à une autre audience aussi bien dans le cas où l'assignation a eu lieu à jour fixe, que quand elle a été faite au délai ordinaire. Cass. 4 mars 1873 (D. P. 73.1 105). cession contre les frères ou sœurs du défunt. Lors au contraire qu'en supposant constants les faits allégués par le demandeur sa prétention est autorisée par la loi, ses conclusions doivent lui être adjugées, parce que l'absence du défendeur donne lieu de présumer qu'il n'ose pas contester ces faits. Cette dernière règle doit pourtant fléchir, comme on le conçoit, lorsque l'affaire intéresse l'ordre public. Ainsi, en matière de séparation de corps, la non-comparution de l'époux défendeur ne peut dispenser le tribunal d'ordonner l'enquête. Les juges d'appel nous semblent aussi autorisés à rejeter l'appel, en l'absence de l'intimé, lorsque le jugement se défend en quelque sorte par lui-même, et que les griefs de l'appelant ne paraissent avoir rien de sérieux. Quoi qu'il en soit, lorsque les conclusions du demandeur sont repoussées, il ne peut se pourvoir que par la voie de l'appel si le jugement est en premier ressort, et dans le cas contraire, par la voie du recours en cassation ou de la requête civile, s'il y a lieu. Si l'affaire est de sa nature sujette à communication au ministère public, cette communication doit avoir lieu: l'art. 83 pose une règle générale applicable aux jugements par défaut comme aux jugements contradictoires. Les jugements contradictoires sujets à l'appel ne peuvent pas en principe être exécutés dans la huitaine de leur prononciation; mais, cette huitaine passée, ils peuvent être exécutés dès qu'ils ont été régulièrement signifiés. Il en est autrement des jugements par défaut. « Les jugements par défaut, portel'art. 155, ne seront pas exécutés avant l'échéance de la huitaine de la signification à avoué s'il y a eu constitution d'avoué, et de la signification à personne ou domicile s'il n'y a pas eu constitution d'avoué, à moins qu'en cas d'urgence l'exécution n'en ait été ordonnée avant l'expiration de ce délai, dans les cas prévus par l'art. 135. » Quoique l'article que nous venons de transcrire ne prononce pas la peine de nullité, les actes d'exécution faits au mépris de sa disposition n'en doivent pas moins être annulés, puisque la loi contient à cet égard une défense expresse établie dans l'intérêt de la partie condamnée. Dans les jugements par défaut faute de conclure, il y a corrélation entre la faculté d'exécuter et le délai de l'opposition, c'est-à-dire que l'exécution, sauf disposition contraire dans le jugement, ne peut être commencée que lorsque le délai de l'opposition est écoulé. Quant aux jugements par défaut faute de র |