Page images
PDF
EPUB

opposition comme non recevable (1). Il est d'ailleurs certain que la condamnation à l'amende ne doit jamais être prononcée par le juge de paix, qui, en bureau de conciliation, n'exerce aucune juridiction contentieuse : c'est ce qu'a jugé la Cour de Cassation par arrêt du 8 août 1832 (2). L'amende ne peut donc jamais être exigée par les agents du fisc, tant qu'aucune partie ne poursuit l'audience devant le tribunal : en pareil cas, on peut présumer que les parties se sont accordées et qu'ainsi le vœu de la loi a été rempli. Le tribunal peut aussi relever de l'amende la partie qui justifie n'avoir pu comparaître en personne ni par procureur fondé (3).

D'après l'art. 6, tit. 10, de la loi du 16-24 août 1790, la citation devant le bureau de paix avait pour effet d'interrompre la prescription lorsqu'elle était suivie d'ajournement, mais cette loi ne précisait point dans quel délai l'ajournement devait être donné pour conserver l'effet interruptif: c'est une lacune que l'art. 54 C. pr. a comblée en exigeant que la demande soit formée dans le mois à dater du jour de la non comparution ou de la non conciliation (4). Cet article exprime avec raison qu'en ce cas la citation en conciliation a pour effet non-seulement d'interrompre la prescription, mais encore de faire courir les intérêts, et il y a même raison de décider pour les fruits.

Si on laisse écouler plus d'un mois à dater de la non conciliation ou non comparution sans saisir le tribunal, la citation en conciliation doit-elle être réputée non avenue? Nullement. Elle n'aura plus, il est vrai, interrompu la prescription ni fait courir les intérêts, mais elle conservera ses effets sous tous les autres rapports; et partant, si l'action n'est pas éteinte, on pourra saisir le tribunal sans tenter une seconde fois l'épreuve conciliatoire. Quelques auteurs (5) ont seulement prétendu que si la citation en conciliation n'est pas suivie d'ajournement dans les trois ans

(1) Cass. 25 novembre 1828 (S. chr. - P. chr. - D. A. Conciliation, 315). Le jugement qui, dans l'espèce de cet arrêt, avait rejeté l'opposition, était fondé sur ce que le jugement rendu contre la partie qui n'a pas payé l'amende doit être réputé contradictoire; mais rien n'indique que la Cour de Cassation ait admis cette doctrine, et un pareil jugement ne peut, à notre avis, être considéré que comme un jugement par défaut.

(2) V. aussi une décision du ministre de la justice du 31 juillet 1808.

(3) Cass. 17 floréal an XII; décision du ministre de la justice du 15 nov. 1808. (4) L'art. 13 de la loi du 25 mai 1838 donne à penser qu'il y a lieu, en cette matière, à l'augmentation à raison des distances. Le compromis fait dans le mois doit du reste être assimilé à la citation en justice.

(5) V. notamment Dalloz, ancien Répertoire, t. 3, page 709, n° 24; Boncenne, t. 2, page 60.

de la non conciliation ou non comparution, elle tombe en péremption. Cette doctrine ne peut, ce semble, être admise, parce que les instances sont seules susceptibles de péremption, et que la citation en conciliation ne constitue pas une instance. La péremption de trois ans, aux termes de l'art. 399 C. pr. ne s'accomplit pas d'ailleurs de plein droit; or, on ne saurait comprendre que le défendeur ait le moindre intérêt à faire déclarer la péremption, dès l'instant que la citation en conciliation a perdu le double effet d'interrompre la prescription et de faire courir les intérêts; et si par impossible le défendeur voulait demander cette péremption, on ne voit pas comment le tribunal pourrait prononcer la péremption d'une demande qui ne lui a pas encore été soumise. Il faut donc tenir pour certain que la citation en conciliation conserve sa force pendant trente ans, au moins à l'effet de dispenser d'une seconde tentative conciliatoire; et cela, alors même que l'instance dont elle aurait été suivie serait tombée elle-même en péremption et qu'il s'agirait d'en engager une seconde.

Si les parties ont comparu volontairement devant le juge de paix, le procès-verbal de non conciliation interrompt-il la prescription, pourvu qu'il soit suivi d'ajournement dans le mois? A s'en tenir à la lettre de la loi, qui ne parle que de la citation, l'on pourrait admettre la négative: mais comme c'est surtout à l'esprit de la loi qu'il faut s'attacher, et que la comparution volontaire, qui est d'un heureux présage pour la conciliation, est éminemment favorable, l'opinion contraire nous semble de beaucoup préférable (1).

Il y a plus de doute sur le point de savoir si la citation en conciliation suivie d'ajournement dans le mois, interrompt la prescription dans le cas même où la demande était dispensée de l'épreuve conciliatoire. Nous pensons qu'elle ne peut produire cet effet quand l'affaire, par sa nature, ou à raison de l'incapacité des parties contractantes, n'est point susceptible de transaction devant le juge de paix: la citation en conciliation dans ce cas est un acte manifestement frustratoire et qui doit dès lors rester sans aucun effet. Mais il doit, ce nous semble, en être autrement, quand le demandeur pouvait espérer une transaction (2). Dès qu'un texte est louche, il faut toujours préférer l'interprétation la plus bénigne et la plus charitable.

(1) Carré s'y était rangé en dernier lieu après avoir d'abord émis l'avis opposé. V. quest. 249 de la 3o édition publiée par Chauveau.

(2) Pigeau, Comm., t. 1, p. 154, n'admet pas même l'effet interruptif dans ce cas, et la Cour de Cassation a jugé de même dans un cas analogue: Arr. du 28 nov. 1864) (S. 1865. 1. 32. - P. 1865. 50. - D. P. 65. 1. 112).

[ocr errors][ocr errors]

Quant à la citation en conciliation donnée seulement devant un juge de paix incompétent dans une matière soumise à l'essai conciliatoire, il est clair qu'elle doit produire l'effet interruptif. (Anal. de l'art. 2246 du C. civil).

La prescription est également interrompue et les intérêts courent pour les demandes additionnelles et reconventionnelles formées devant le juge de paix et suivies d'assignation dans le mois (1).

Nous avons enseigné ci-dessus que la citation en conciliation doit, comme toute autre citation, être précédée en thèse générale d'une lettre d'avertissement; mais cette lettre n'étant jamais exigée dans les cas d'urgence, il ne nous semble pas possible d'attribuer à la lettre d'avertissement l'effet interruptif que produit la citation.

1

Il peut se présenter un cas bizarre, c'est qu'aucune des parties ne comparaisse au bureau de paix. La citation en conciliation devrait-elle en pareil cas être dépourvue de tout effet? Nous ne le pensons pas: cette absence des deux parties indique seulement que ni l'une ni l'autre n'étaient dans des dispositions d'arrangement. En ce cas, celle des parties qui voudrait poursuivre l'instance, devrait obtenir du greffier de la justice de paix un certificat constatant qu'au jour marqué par la citation aucune des parties ne s'est présentée au bureau de paix; et l'interruption de la prescription serait alors conservée, pourvu que l'ajournement fût donné dans le mois à dater du jour où les parties auraient dû comparaître devant le juge conciliateur..

Nous ne dirons rien ici de la question de savoir si le défaut d'essai conciliatoire, dans le cas où cet essai est exigé, constitue une nullité d'ordre public qui puisse être opposée en tout état de cause: cette question se représentera sur l'article 173.

SECTION II

Des affaires intéressant les femmes mariées, les mineurs ou les

interdits.

Les femmes mariées ont besoin d'une autorisation de leur mari ou de la justice pour ester en jugement, et nous expliquerons les conséquences de cette règle sur le tit. 7 du liv. 2 de la deuxième partie du Code.

Les tuteurs n'ont besoin d'obtenir aucune autorisation de

(1) V. Cass. 30 frimaire an XI (S. chr. - P. chr. - D. A. Prescr. civ., 539).

famille dans les procès où ils sont défendeurs, ni dans les procès qu'ils engagent pour des droits purement mobiliers; mais ils • ont besoin d'une autorisation du conseil de famille pour engager une action immobilière ou pour provoquer un partage (C. civil 464 et 465). Les mineurs émancipés se trouvent placés dans des conditions analogues (C. civ. 482 et 484). Nous devons nous eni tenir à ces simples indications, puisqu'il s'agit ici de matières régies uniquement par le Code civil.

SECTION III

Des actions qui intéressent l'État, les communes et les établissements publics.

Les formalités dont nous allons parler ici font partie du droit administratif plutôt que de la procédure; aussi l'art. 1032 C. pr. dispose-t-il: « Les communes et les établissements publics seront tenus, pour former une demande en justice, de se conformer aux lois administratives. » Nous n'en parlerons donc que très-briè

vement.

L'État, pour les domaines et droits domaniaux, est représenté, tant en demandant qu'en défendant, par le préfet du département dans lequel se trouvent les biens qui donnent lieu au litige.

Si l'État est demandeur, le préfet n'a aucuné formalité préalable à remplir. Il en est autrement de l'adversaire de l'État, quand l'État est défendeur: il doit se conformer à la disposition non abrogée de la loi du 5 novembre 1790, qui porte dans l'art. 15 du tit. 3: « Il ne pourra être exercé aucune action contre le procureur général syndic, en la dite qualité (de représentant de l'État), par qui que ce soit, sans qu'au préalable on ne se soit pourvu par simple mémoire, d'abord au directoire du district pour donner son avis, ensuite au directoire du département pour donner une décision, aussi à peine de nullité. Les directoires de district et de département statueront sur le mémoire dans le mois à compter du jour qu'il aura été remis avec les pièces jus-/ tificatives au secrétariat du district, dont le secrétaire donnera un récépissé et dont il fera mention sur un registre qu'il tiendra à cet effet. La remise et l'enregistrement du mémoire interrompront la prescription, et dans le cas où les corps administratifs n'auraient pas statué à l'expiration du délai ci-dessus, il sera permis de se pourvoir devant les tribunaux. »

Aujourd'hui, d'après divers décrets impériaux et un avis du

1

conseil d'État du 28 août 1823, c'est au préfet directement que le mémoire doit être adressé.

La loi sur l'administration municipale dn 18 juillet 1837 impose aux adversaires des communes une obligation analogue, en ces termes: << Quiconque voudra intenter une action contre une commune ou section de commune, sera tenu d'adresser préalablement au préfet un mémoire exposant les motifs de sa réclamation. Il lui en sera donné récépissé. La présentation du mémoire interrompra la prescription et toutes déchéances (1). Le préfet transmettra le mémoire au maire, avec l'autorisation de convoquer immédiatement le conseil municipal pour en délibérer (art. 51). La délibération du conseil municipal sera dans tous les cas transmise au conseil de préfecture, qui décidera si la commune doit être autorisée à ester en jugement. La décision du conseil de préfecture devra être rendue dans le délai de deux mois à partir de la date du récépissé énoncé en l'article précédent (art. 52). L'action ne pourra être intentée qu'après la décision du conseil de préfecture, et à défaut de décision dans le délai fixé par l'art. 52, qu'après l'expiration de ce délai (art. 54). »

Le cas où la commune est demanderesse est réglé par l'art. 40 de la loi, qui dispose : « Nulle commune ou section de commune ne peut introduire une action en justice sans être autorisée par le conseil de préfecture. Après tout jugement intervenu, la commune ne peut se pourvoir devant un autre degré de juridiction qu'en vertu d'une nouvelle autorisation du conseil de préfecture (1). »

« Le maire, d'après l'art. 55, peut toutefois, sans autorisation préalable, intenter toute action possessoire ou y défendre, et faire tous autres actes conservatoires ou interruptifs de prescription. » Mais, ces actes faits, il doit ensuite régulariser l'instance, c'est-à-dire demander: 1o l'autorisation du conseil municipal, qui doit délibérer, d'après l'art. 19 de la loi, sur toutes les actions judiciaires qui intéressent la commune, et 2o celle du conseil de

(1) La Cour de Cassation a jugé le 28 nov. 1864 (S. 1865. 1. 32. P. 1865.50. D. P. 65. 1. 112), que la prescription n'est pas interrompue quand il s'agit d'une action possessoire où le mémoire, d'après l'art. 55 de la loi, n'est pas rigoureusement prescrit. A notre sens, c'est trop rigoureux : l'art. 55 de la loi dispense, en ce cas, de présenter le mémoire, mais ne l'interdit point.

(2) La commune peut donc, sans autorisation, non-seulement défendre à l'appel de l'autre partie, mais encore interjeter l'appel incident. Cass. 2 juillet 1862 (S. 1862. 1.104. P. 1863. 189. - D. P. 63. 1. 26) et 15 nov. 1864 (S. 1865. 1. 78. - P. 1865. 149.-D. P. 65. 1. 185).

« PreviousContinue »