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que cette abrogation ne s'étend pas aux lois intermédiaires qui ont prescrit pour certaines procédures, notamment pour celles intéressant l'Etat, des règles spéciales (1).

$ 8. Du pouvoir des juges en matière de procédure.

Les auteurs du Code de procédure ont entendu évidemment prohiber tous les modes d'instruction qui seraient plus dispendieux que ceux autorisés par ce code, et cette prohibition s'applique aux juges comme aux parties. Ainsi les juges ne pourraient plus aujourd'hui ordonner ces modes particuliers d'instruction qu'on appelait autrefois appointements.

Mais, à part cette restriction, toutes les fois qu'une opération quelconque peut avoir pour résultat d'éclairer la religion des juges, on ne saurait conclure de cela seul que la loi ne l'a pas nommément autorisée, qu'il soit interdit aux juges d'y recourir. Ainsi, nous pensons qu'un tribunal peut ordonner son transport en corps sur les lieux contentieux, pourvu que ce soit sans frais; qu'il peut autoriser des experts à prendre des renseignements sur les lieux et à entendre des témoins; qu'il peut demander aux experts des explications verbales sur leur procès-verbal, etc.

En d'autres termes, il faut poser en principe général que : Tout ce que la loi ne défend pas aux juges est permis. C'est ce principe qui nous a fait décider que les juges de paix peuvent au possessoire ordonner le séquestre et la récréance.

Nous reviendrons, au titre des Jugements, sur le pouvoir des juges, à propos de deux maximes importantes qui servent à déterminer la liberté que laissent à leurs décisions de précédentes sentences rendues dans l'affaire qu'ils ont à juger.

$ 9. Des erreurs de fait provenant d'un événement récent que les parties ont pu ignorer.

Ce serait interpréter la loi d'une manière judaïque et tout-àfait contraire à l'esprit d'équité dont les législations modernes se trouvent empreintes, que de prononcer une nullité pour quelque erreur de fait dans laquelle il était moralement impossible que la partie ou son représentant ne tombassent point.

Ainsi, l'on ne doit, suivant nous, faire aucune difficulté de

(1) Cass. 10 fév. 1814 (S. chr. - P. chr. D. A. Impôts indirects, 529-5°). Cet arrêt a fait l'application de l'avis du conseil d'Etat à la procédure en matière de contributions indirectes.

valider les actes faits au nom d'une personne décédée, comme aussi les ajournements contenant constitution d'un avoué décédé, suspendu ou interdit, lorsque les décès, ou autres événements analogues, sont arrivés si récemment que l'huissier ou la partie étaient dans l'impossibilité morale de les connaître (Voyez art. 2008 C. civ. et 562 C. pr.).

Les diverses règles que nous venons de poser nous serviront à résoudre un grand nombre des difficultés qui se présenteront sur les divers titres du code. Avant d'en aborder l'explication, nous devons dire quelques mots de l'assistance judiciaire, dont l'utilité bienfaisante s'applique à toutes les juridictions. C'est l'objet du chapitre suivant.

CHAPITRE III

De l'assistance judiciaire.

C'était une belle maxime que celle écrite dans l'art. 1er des chartes de 1814 et de 1830 : « Les Français sont égaux devant la loi. » Cette égalité devant la loi emporte l'égalité devant la justice, et c'est là un des principes fondamentaux de notre organisation politique.

Cependant, il faut le reconnaître, cette égalité complète devant les tribunaux a été pendant longtemps, pour une classe tout-à-fait intéressante de personnes, c'est-à-dire pour les indigents, plus apparente que réelle, vu les difficultés qu'ils rencontraient pour faire arriver leur demande ou leur défense jusqu'à l'oreille des juges.

Nous verrons cependant, au titre des Jugements, que dès l'année 1807 le Code de procédure avait conféré aux avoués ayant fait l'avance des frais d'un procès par eux gagné, un avantage considérable, celui de se faire rembourser directement leurs frais par la partie adverse. Ce bénéfice pouvait déterminer facilement les avoués à faire les avances du procès dans l'intérêt de leurs clients indigents, quand le succès de la cause leur paraissait tout-à-fait certain. Mais qui dit procès, dit par cela même chose chanceuse, et quiconque craint de perdre est naturellement fort porté à s'exagérer les chances défavorables. Bien peu d'avoués par conséquent voulaient s'exposer, dans l'intérêt d'un indigent, à perdre non-seulement leurs salaires, mais encore leurs avances. La partie adverse d'ailleurs pouvait être ellemême d'une solvabilité problématique, et la distraction des dépens obtenus par l'avoué n'être alors qu'un bénéfice illusoire.

T. I.

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Aussi, jusqu'à la loi du 22 janvier 1851, les indigents éprouvaient-ils en France des difficultés fort grandes pour exercer leurs droits, et leurs adversaires pouvaient profiter de leur état de détresse pour surprendre des jugements injustes ou résister aux réclamations les mieux fondées. Cette loi, connue sous le nom de loi sur l'assistance judiciaire, est donc un des plus heureux perfectionnements apportés à notre système de procédure.

Nous jugeons inutile d'analyser une loi dont le texte est dans toutes les mains, et dont les dispositions ne donnent lieu à aucune difficulté proprement juridique: nous nous bornons à en indiquer les dispositions essentielles.

Les bureaux d'assistance organisés par la loi examinent la position du réclamant et les titres qu'il produit à l'appui de la demande qu'il veut former. Si l'indigence est justifiée et que la réclamation de l'indigent paraisse fondée ou même seulement plausible, le bureau lui accorde l'assistance judiciaire.

Au moyen de cette assistance, l'indigent obtient la désignation d'un avocat, d'un avoué et d'un huissier, qui doivent lui prêter leur ministère, sans exiger provisoirement de salaire; les greffiers n'en peuvent demander non plus, et tous les actes de procédure faits à la requête de l'indigent ainsi que les titres qu'il produit sont visés pour timbre et enregistrés en débet, de telle sorte que l'indigent n'est obligé de faire aucune espèce d'avance.

Le procès jugé, si l'adversaire de l'indigent est condamné aux dépens, l'administration de l'enregistrement en poursuit le recouvrement intégral contre la partie condamnée, et remet ensuite aux divers ayants-droit les sommes recouvrées pour leur compte. Si c'est l'indigent qui succombe, c'est lui naturellement qui doit les frais, qu'il pourra dès lors être contraint de payer s'il revient à meilleure fortune.

Nous renvoyons, pour l'indication de la composition des quatre divers bureaux d'assistance judiciaire, aux dispositions de la loi, et à une décision ministérielle du 29 avril 1853 qui en présente une sorte de commentaire. Nous constatons seulement à regret qu'en beaucoup de villes les bureaux d'assistance judiciaire en accordent le bénéfice avec une facilité extrême, et parfois sans prendre la peine de se livrer à l'examen de la demande de l'indigent, qui peut ainsi n'être bien souvent qu'une tracasserie ou un chantage. Mais si la loi de 1851 produit alors de fâcheux effets, ce n'est point la faute de ses auteurs; c'est celle des bureaux d'assistance qui ne se pénètrent pas de son esprit.

Il est temps d'entrer maintenant dans le détail des lois de la

procédure, et de suivre les litiges dans leurs diverses phases et devant les diverses juridictions, en commençant par la procédure des tribunaux civils d'arrondissement qui sert de type à toutes les autres, après quoi nous aurons à parler des procédures devant les tribunaux d'exécution, des voies de recours, des procédures d'exécution, des procédures spéciales, des procédures d'intérêt commun et des arbitrages. L'étendue du sujet nous oblige à le diviser en huit livres, correspondant d'une manière à peu près rigoureuse à la série des titres et, autant que possible, des articles du code.

LIVRE PREMIER

DE LA PROCÉDURE ORDINAIRE DEVANT LES TRIBUNAUX D'ARRONDISSEMENT DÉGAGÉE D'INCIDENTS

Nous parlerons successivement, dans ce livre, des formalités qui doivent en certains cas précéder la demande; de l'ajournement; de la constitution d'avoué par le défendeur; des défenses et réponses aux défenses; de l'avenir; de la mise au rôle; de la communication au ministère public; de la plaidoirie et des mémoires imprimés; de l'instruction par écrit et des délibérés; des conclusions; de la publicité des audiences et de leur police; des jugements en général, et des dispositions accessoires que les jugements peuvent contenir; des jugements par défaut et oppositions; enfin, de la durée du mandat des avoués.

CHAPITRE PREMIER

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Des formalités qui doivent en certains cas précéder la demande.

Ces formalités sont relatives à la conciliation, aux autorisations que les représentants des personnes incapables sont obligés de provoquer en certains cas, enfin aux actions à diriger par ou contre l'Etat, les communes et les établissements publics.

SECTION PREMIÈRE

De la Conciliation.

Il est peu de différends que l'intervention d'un homme sage et respecté des parties ne puisse terminer à leur naissance : c'est donc une heureuse idée que celle d'obliger les parties, avant d'entrer dans la lice judiciaire, à se présenter devant un magistrat chargé de les concilier. Il paraît que cette idée fut réalisée pour la première fois en Hollande; elle ne l'a été en France que par la loi du 16-24 août 1790. Les auteurs de cette loi allèrent cependant trop loin: ils soumirent les parties à l'épreuve de la conciliation dans toutes sortes d'affaires; et quoique cette épreuve eût été vainement tentée en première instance, il fallait la subir de nouveau en appel. Les auteurs du Code de procédure, instruits par l'expérience, n'ont pas exigé l'essai de la conciliation toutes les fois que les retards qu'il occasionne pourraient causer quelques dommages à l'une des parties (I).

Nous allons voir, en premier lieu, quelles sont les affaires soumises à la conciliation; en second lieu, devant quel juge l'essai doit en être fait; nous parlerons, en troisième lieu, des délais et des formes de la citation en conciliation, et de la comparution des parties; en quatrième et dernier lieu, de la conciliation, non conciliation, ou non comparution.

§ ler. Des affaires soumises au préliminaire de la conciliation.

/ Il est certain d'abord que les juges de paix, les tribunaux de commerce, les conseils de prudhommes et les cours d'appel peuvent être valablement saisis de toutes les demandes de leur compétence, sans que la conciliation ait été tentée. Pour les demandes de la compétence du juge de paix, la loi a supposé avec raison que la voix du conciliateur se ferait entendre avant celle du juge (V. art. 2 de la loi du 2 mai 1855): pour les affaires commerciales, on a pensé que les moindres retards pourraient causer trop de préjudice au demandeur : quant aux affaires soumises aux prud'hommes, ce sont les prud'hommes euxmêmes qui tâchent de concilier les parties: enfin, quant aux / cours d'appel, qui ne statuent guère que sur des affaires précé

(1) D'après le code italien, l'essai conciliatoire n'est obligé que lorsqu'une des parties l'a demandé avant que l'autre l'eût citée en justice.

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