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CHAPITRE PREMIER

Des Juges.

L'organisation judiciaire en matière civile embrasse les justices de paix, les tribunaux civils d'arrondissement, les tribunaux de commerce et les conseils de prud'hommes, les cours d'appel, les juges coloniaux, et la cour de cassation. Nous allons retracer la composition de chacune de ces juridictions.

§ 1. Des Justices de Paix.

Les Justices de Paix ont été instituées pour juger les différends d'un intérêt modique ou d'une nature urgente.

Il existe, dans chaque canton, un juge de paix et deux suppléants. Les suppléants ne sont appelés à juger qu'en cas d'absence ou d'empêchement du juge de paix, et jamais conjointement avec lui. D'après la loi du 16-24 août 1790, le juge de paix, dans ses jugements, devait être assisté de deux assesseurs ; mais ces assesseurs furent supprimés par la loi du 29 ventose an IX.

Les juges de paix et leur suppléants sont, parmi les juges proprement dits, les seuls dont la révocation soit laissée à l'arbitraire du gouvernement.

§ 2. Des Tribunaux civils d'arrondissement.

Les Tribunaux civils d'arrondissement ont été institués principalement pour juger en première instance tous les différends civils dont la connaissance n'a pas été attribuée aux justices de paix.

Il existe un tribunal civil dans chaque arrondissement de souspréfecture, et à Paris un tribunal civil pour tout le département de la Seine. Ces tribunaux ne peuvent rendre des jugements qu'au nombre de trois juges au moins. Quand ils se trouvent divisés en plusieurs chambres, le maximum des juges qui peuvent être attachés à une chambre est de six, d'après le décret du 18 août 1810. Les auteurs de ce décret ont voulu, sans doute, en fixant ce maximum, conserver la gradation numérique entre les tribunaux civils et les cours d'appel, qui doivent statuer, en matière civile, au nombre de sept membres.

Dans les simples arrondissements de sous-préfecture qui n'ont pas une importance considérable, le tribunal civil ne se compose que d'une chambre (1). Dans certains de ces tribunaux, il y a seulement trois juges, en y comprenant le président; dans d'autres il y en a quatre, et dans tous les cas trois suppléants.

Dans tous les chefs-lieux de département, et dans quelques chefs-lieux d'arrondissement, le tribunal civil se compose de deux ou trois chambres. S'il y a sept, huit, neuf ou dix juges, y compris le président et le vice-président, il n'y a que deux chambres et quatre suppléants; s'il y en a douze, le tribunal se divise en trois chambres, et le nombre des suppléants peut être de six.

Quand il y a deux ou trois chambres, l'une des chambres connaît spécialement des affaires correctionnelles.

Chaque tribunal a un président, et un ou deux vice-présidents, suivant qu'il y a deux ou trois chambres (2).

Le tribunal de la Seine, à raison du nombre considérable de procès qui s'élèvent dans la capitale, fait exception aux règles précédentes. Son organisation est réglée principalement par les lois des 9 juillet 1837 et 23 avril 1841.

Avant la révolution de 1830, le gouvernement pouvait nommer, auprès des tribunaux civils, des juges auditeurs, qui acquéraient voix délibérative à vingt-cinq ans. Cette magistrature fut supprimée par la loi du 10 décembre 1830.

Lorsqu'un tribunal a un arriéré considérable, le gouvernement a le droit d'y établir une chambre temporaire, dont les fonctions se prolongent d'ordinaire par des prorogations successives jusqu'à ce que l'arriéré ait été vidé.

Les fonctions des juges suppléants sont gratuites: ils n'ont droit au traitement des juges que lorsqu'ils font partie d'une chambre temporaire ou qu'ils remplacent un juge suspendu pour plus d'un mois. (Loi du 11 avril 1838, art. 8 et 9.)

§3. Des Tribunaux de Commerce et des Conseils de Prud'hommes.

Les Tribunaux de Commerce sont institués pour juger les différends commerciaux. Il y a des arrondissements de sous-préfecture où il n'existe pas de tribunal de commerce: c'est alors le

(1) Les détails qui suivent sont puisés principalement dans le décret du 18 août 1810. (2) D'après l'art. 14 de la loi du 27 ventôse an VIII, les présidents et vice-présidents devaient être réélus tous les trois ans; mais après 1814 on considéra cette disposition comme abrogée par l'art. 58 de la Charte, qui consacrait l'inamovibilité des juges.

tribunal civil qui en remplit les fonctions. Il y a d'autres arrondissements où il existe plusieurs tribunaux de commerce; le ressort de chacun de ces tribunaux est alors fixé par l'acte du gouvernement qui l'établit. (V. notamment le décret du 6 octobre 1809.) Lorsqu'il n'existe qu'un tribunal de commerce dans l'arrondissement, son ressort est le même que celui du tribunal civil. A Paris, le ressort du tribunal de commerce, comme celui du tribunal civil, s'étend dans tout le département de la Seine.

L'organisation des tribunaux de commerce est, au surplus, indiquée dans le tit. ler du liv. 4 du Code de commerce, et fait partie dès lors du droit commercial. Il suffira de dire ici que les juges de commerce sont nommés par élection, que leurs fonctions sont gratuites, et qu'ils ne peuvent juger, comme les tribunaux civils, qu'au nombre de trois juges.

Les Conseils de Prud'hommmes sont institués pour juger les différends entre les fabricants et les ouvriers. Il n'en existe que dans les villes ou contrées manufacturières. Leur organisation est réglée principalement par la loi du 18 mars 1806, les décrets des 11 juin 1809 et 3 août 1810 et la loi du 1er juin 1853. Les fonctions des prud'hommes, comme celles des juges de commerce, sont gratuites, et ces conseils sont aussi nommés par élection, excepté les présidents et vice-présidents, qui, depuis la loi du 1er juin 1853, sont nommés par le chef de l'État. Le nombre des membres qui composent le conseil varie suivant les lieux. Les différends qui n'ont pu être conciliés par les bureaux particuliers sont jugés par le bureau général, qui ne peut prendre des décisions que lorsque les deux tiers au moins de ses membres sont présents.

$ 4. Des Cours d'Appel.

Les Cours d'Appel, appelées souvent cours souveraines, parce que toutes leurs sentences sont en dernier ressort, sont principalement instituées pour réparer les erreurs que les tribunaux civils et de commerce peuvent commettre. Leurs décisions portent le nom d'arréts; les juges qui les composent s'appellent Conseillers. Elles ne peuvent rendre des arrêts en matière civile qu'au nombre de sept juges. (Loi du 27 ventose an VIII, art. 27.)

Il y avait, en France, avant notre dernière guerre avec la Prusse, vingt-huit Cours d'Appel. Depuis cette fatale guerre, il n'y en a plus que vingt-six, l'Alsace qui formait un ressort de cour, et le pays Messin qui en formait un autre, nous ayant été. enlevés par la loi du plus fort. Le ressort de vingt-cinq de nos

cours se trouve encore fixé par la loi du 27 ventose an VIII. La cour d'Aix seulement a reçu une extension de ressort assez considérable par l'effet de l'annexion du comté de Nice à la France, opérée par le sénatusconsulte du 12 juin 1860. Le ressort de la cour de Chambéry, établie par décret du 1er août 1860, comprend les départements de la Savoie et de la Haute-Savoie.

Chaque cour d'appel, depuis la loi du 20 avril 1810, est composée au moins de trois chambres, savoir: une chambre civile, une chambre des appels de police correctionnelle, qui, depuis l'ordonnance du 24 septembre 1828, peut juger au nombre de sept juges toutes les affaires civiles indistinctement, et une chambre des mises en accusation. Le minimum des membres des cours d'appel, d'après la loi du 20 avril 1810, est de vingt.

Les cours qui se composent de trente membres ou d'un plus grand nombre ont deux chambres civiles; la cour de Paris en a cinq. Le maximum des membres des cours, d'après la même loi du 20 avril 1810, ne peut excéder quarante. A Paris seulement le nombre des membres de la cour est de soixante-douze. (Loi du 25 mars ler avril 1863.)

A la tête de chaque cour, se trouve un Premier Président, plus autant de Présidents qu'il y a de chambres (1).

D'après le décret du 6 juillet 1810, art. 10, le gouvernement a le droit d'établir dans les cours comme dans les tribunaux civils, des chambres temporaires pour l'expédition des affaires arriérées. La cour de Paris eut longtemps une chambre temporaire avant le décret du 8 mars 1852, qui forma de cette chambre la quatrième chambre civile.

§ 5. Des Juges coloniaux.

L'organisation judiciaire des colonies, quoique modelée sur celle de la métropole, en diffère cependant en quelques détails, principalement pour le nombre des juges, plus restreint généralement dans les colonies qu'il ne l'est en France. Chaque colonie a, sous ce rapport, sa loi propre. Pour ne parler ici que des tribunaux souverains, nous rappellerons qu'il existe dans les colonies six cours d'appel, savoir à Alger, à la Martinique, à la Guadeloupe, au Sénégal, à l'île de la Réunion, et à Pondichéry. L'organisation judiciaire de l'Algérie se trouve réglée principale

(1) La loi du 27 ventose an VIII soumettait les présidents des tribunaux d'appel à la réélection, comme ceux des tribunaux de première instance; mais le sénatusconsulte du 28 floréal an XII, dans son art. 135, déclara que les présidents des cours d'appel seraient nommés à vie.

ment par les ordonnances des 26 septembre 1842 et 30 novembre 1844, et par les décrets des 15 décembre 1858 et 31 décembre 1859.

§ 6. De la Cour de Cassation.

La Cour de Cassation, appelée aussi Cour suprême ou Cour gulatrice, a été instituée pour assurer l'exacte et uniforme application des lois dans tout le territoire français; elle étend son autorité sur les tribunaux des colonies comme sur ceux de France.

Cette cour se divise en trois chambres, savoir: la chambre des requêtes et la chambre civile, qui connaissent l'une et l'autre des affaires civiles; et la chambre criminelle, qui connaît des affaires criminelles.

La Cour de Cassation a, à sa tête, un premier président, et un président pour chacune de ses chambres.

Le nombre des membres de la Cour de Cassation, en y comprenant le premier président et les présidents, est de quarante-neuf. Les membres de cette cour, comme ceux des cours d'appel, se nomment Conseillers, et leurs sentences arréts.

La cour suprême ne peut rendre des arrêts qu'au nombre de onze membres.

CHAPITRE II

Des Magistrats du Ministère Public.

Les magistrats du Ministère Public sont principalement chargés de la poursuite des délits; mais ils concourent aussi à la distribution de la justice civile. On désigne souvent la magistrature du ministère public sous le nom de Parquet.

Le ministère public n'a point d'organe auprès des juges de paix en tant que juges civils, non plus qu'auprès des tribunaux de commerce ou des prud'hommes. Il n'existe des magistrats du ministère public qu'auprès des tribunaux civils, des cours d'appel et de la Cour de Cassation (1).

A chaque tribunal civil se trouve attaché un Procureur de la République, qui a un substitut seulement si le tribunal n'a qu'une chambre, et deux, trois ou quatre substituts si le tribunal a deux ou trois chambres. A Paris, le nombre des substituts du procureur est de vingt-deux.

(1) V. pour l'organisation du ministère public, les lois des 27 ventose an VIII et 20 avril 1810, et les décrets des 30 mars 1808, 6 juillet et 10 août 1810.

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