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lir et d'orner d'un monument pareil, élevé dans le même lieu, le corps de Buffon, le contemporain, l'ami de Daubenton, et, comme lui, créateur des premiers agrandissements et de la première amélioration du Muséum d'histoire naturelle. »

Note 3, p. 40. Daniel-Charles Trudaine, né le 3 janvier 1703, mort le 29 janvier 1769, fut conseiller d'État, intendant général des finances et membre de l'Académie des sciences. Trudaine de Montigny, son fils, né le 8 août 1747, mourut en 1782 et fut membre honoraire de l'Académie des sciences, intendant des finances, grand voyer de la généralité de Paris et commissaire du conseil au département des ponts et chaussées.

XXVI

Note 1, p. 40. Un grand chagrin mina la vie de l'abbé Le Blanc. Malgré Buffon, qui le porta en tête de sa liste chaque fois qu'une place devint vacante à l'Académie, malgré des amis puissants et zélés qui patronnèrent et appuyèrent sa candidature, l'abbé Le Blanc ne fut pas de l'Académie. Il en mourait d'envie; le fauteuil académique fut l'ambition de toutes ses heures, une ambition toujours trompée, mais toujours soutenue, un rêve qui n'eut point de réveil. En 1749, il paraît avoir quelque chance de succès; l'année précédente, la marquise de Pompadour a promis à Buffon de s'intéresser à lui: il échoue cependant. Dans les lettres qui vont suivre, on entendra souvent Buffon parler de la candidature de l'abbé Le Blanc, et on le verra, avec une constance que rien ne lasse, persister à se faire le champion de son ami, et appuyer de son crédit sa perpétuelle candidature. On trouve dans les mémoires du marquis d'Argenson la mention suivante : « 20 septembre 1749.-L'évêque de Rennes est nommé de l'Académie, par le crédit du duc de Richelieu; c'est pour faire pièce à la Marquise, qui protégeait l'abbé Le Blanc. » Ailleurs, le marquis d'Argenson prétend que la vraie cause pour laquelle l'abbé Le Blanc frappa sans succès aux portes de l'Académie, fut sa naissance obscure. L'abbé était le fils d'un geôlier.

Note 2, p. 41. Nicolas-Joseph Trublet, archidiacre de Saint-Malo, né en 1697, mort au mois de mars 1770, était depuis 1736 le candidatné de toutes les places vacantes à l'Académie. A chaque vacance il faisait les visites avec un empressement et une bonne volonté qui ne se démentirent jamais. Sa ténacité et sa persistance le servirent; en

1761, un peu par surprise, un peu par obsession aussi, il fut élu membre de l'Académie française. En 1721, lors de la mort du pape Clément XI, il avait suivi à Rome l'abbé de Tencin, nommé conclaviste du cardinal de Bissy. De cette époque date son attachement pour cette maison et ses relations avec Mme de Tencin, qui ne contribuèrent pas peu à mettre en lumière ses productions, et, bien plus que ses écrits, lui ouvrirent les portes de l'Académie. Quoique ami de la maison, et admis des premiers au nombre des beaux esprits qui y tenaient bureau, il n'en a pas moins porté un jugement sévère sur sa protectrice. Un jour, comme on vantait devant lui le commerce de Mme de Tencin, et spécialement la douceur de son caractère : « Oui, répondit l'abbé; si elle avait intérêt à vous empoisonner, elle choisirait, je n'en doute pas, le poison le plus doux. »

Note 3, p. 41. Les Tencin. Le cardinal archevêque de Lyon, Pierre Guérin de Tencin, né le 22 août 1680, mort le 2 mars 1758; et surtout Claudine-Alexandrine de Tencin sa sœur, née en 1671, morte le 4 décembre 1749.

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Note 4, p. 41. Marie-Pierre de Voyer, comte d'Argenson, fils du garde des sceaux de ce nom, naquit le 16 août 1696 et mourut le 22 août 1764. Il fut placé en 1737, par le chancelier d'Aguesseau, à la tête de la librairie, et montra dans cette administration difficile autant de fermeté que de bon goût. En 1743, il remplaça le marquis de Breteuil au ministère de la guerre. En 1749, il réunit au portefeuille du ministère de la guerre le département de Paris, dans lequel rentraient alors la surveillance des Académies et la direction de l'imprimerie royale.

Note 5, p. 41. Ici commence dans la vie de Buffon une période nouvelle. Les trois premiers volumes de l'Histoire naturelle viennent de paraître, sous ce titre : Histoire naturelle générale et particulière, avec la description du Cabinet du Roi. Buffon a quarante-deux ans ; une moitié de sa vie s'est écoulée déjà, et il n'est encore connu que par des expériences et des mémoires sur diverses questions de physique et d'économie rurale, et par une traduction. Mais désormais il va travailler sans relâche aux deux monuments qui ont illustré son nom : les volumes de l'Histoire naturelle se succèdent presque sans interruption, d'année en année; le Jardin du Roi s'enrichit de toutes les productions de la nature et recule ses limites. La vie de Buffon se concentre tout entière sur ces deux grandes œuvres. Les lettres qui vont suivre nous permettront d'assister à tous les détails de ces mémorables travaux

et de voir quelle part revient à Buffon et quelle part à ses divers collaborateurs.

Il ne suffit pas à Buffon de fonder un cabinet d'Histoire naturelle, le plus riche et le plus complet qui fût alors; il entreprit de raconter l'histoire de chacune des productions qu'il rassemblait de tous les coins du globe. Il fit plus encore perçant les mystères des temps qui avaient précédé la tradition, impuissante à l'éclairer, il décrivit les révolutions du globe et raconta la formation des mondes. Embrassant d'un regard toute l'étendue de son œuvre, il plaça en tête de son vaste ouvrage, comme un majestueux péristyle, sa Théorie de la terre. L'immensité de l'entreprise, les obscurités dont il fallait triompher, les détails infinis qu'il s'agissait de coordonner, tâche d'autant plus difficile pour Buffon, qu'il était né myope et que la science de l'observation lui manquait, la brièveté du temps qui lui était laissé, puisqu'il avait atteint son âge mûr et que la vieillesse avec son cortége d'infirmités allait l'atteindre, aucune de ces considérations qui auraient rebuté les plus intrépides ne put l'arrêter. Cependant il ne se fait pas illusion, et, dès les premières pages de son œuvre, il en reconnaît la vaste étendue et il avoue en même temps la faiblesse de ses moyens. « Lorsqu'on est parvenu, dit-il, à rassembler des échantillons de tout ce qui peuple l'univers; lorsqu'après bien des peines on a mis dans un même lieu des modèles de tout ce qui se trouve répandu avec profusion sur la terre, et qu'on jette pour la première fois les yeux sur ce magasin rempli de choses diverses, nouvelles et étrangères, la première sensation qui en résulte est un étonnement mêlé d'admiration, et la première réflexion qui suit est un retour humiliant sur nous-mêmes. » (Discours sur la manière de traiter l'Histoire naturelle.)

Les qualités qui lui manquent pour l'œuvre qu'il a entreprise, Buffon les trouve chez l'homme qu'il a associé à ses travaux. Si Buffon aime les grandes hypothèses, s'il se plaît dans les vastes combinaisons que découvre sa pensée, Daubenton possède le génie de l'observation, la science des détails; tous deux, se complétant l'un par l'autre, suivent une voie parallèle, et chacun contribue par la nature de ses recherches à la perfection de l'ouvrage. Personne, au reste, n'était meilleur juge des tendances de son esprit que Buffon lui-même. « L'on peut dire que l'amour de l'étude de la nature suppose dans l'esprit deux qualités qui paraissent opposées : les grandes vues d'un génie ardent qui embrasse tout d'un coup d'œil, et les petites attentions d'un instinct laborieux qui ne s'attache qu'à un seul point. (Même discours.) C'était peindre d'après nature: la première qualité lui était propre, il le sentait bien; la seconde fut, au plus haut point, celle de Daubenton. « Représenter naïvement et nettement les choses, dit-il

plus loin, sans les changer ni les diminuer et sans y rien ajouter de son imagination, est un talent d'autant plus louable qu'il est moins brillant, et qu'il ne peut être senti que d'un petit nombre de personnes capables d'une certaine attention nécessaire pour suivre les choses jusque dans les petits détails. » (Méme discours.)

L'Histoire naturelle parut en 1749, sous le nom de Buffon et sous celui de Daubenton. L'année précédente, l'ouvrage avait été annoncé dans le Journal des savants (année 1748, page 639). Le plan en est immense; il comprend l'histoire du globe, et, en lisant ce vaste programme, on voit combien il s'en faut, malgré sa persévérance et sa force, que Buffon ait pu le remplir.

Voici ce programme : « On imprime à l'Imprimerie royale, par ordre du Roi, l'Histoire naturelle générale et particulière, avec la description du Cabinet du Roi. Cet ouvrage, qui a été fait suivant les vues et par les ordres de M. le comte de Maurepas, en partie par M. de Buffon et en partie par M. Daubenton, l'un et l'autre également chers à la république des lettres et membres des plus illustres académies de l'Europe, sera divisé en quinze volumes in-4. Les neuf premiers embrassent le règne animal. Le premier volume, qui est déjà imprimé, contient 1o une préface qui roule sur l'établissement du Jardin royal et sur le Cabinet d'Histoire naturelle; 2o un discours sur la manière d'étudier et de traiter l'histoire naturelle; 3o un second discours qui comprend l'histoire et la théorie de la terre;

« Le deuxième volume, l'histoire des animaux, des végétaux, des minéraux; l'histoire naturelle de l'homme considéré comme animal; les mœurs qui lui sont naturelles, suivant les différentes races et les différents climats, et la description des pièces d'anatomie du Cabinet du Roi.

« Le troisième et le quatrième volume, l'histoire des animaux quadrupèdes ;

« Le cinquième volume, l'histoire des quadrupèdes amphibies et des poissons cétacés;

« Le sixième volume, la description et l'histoire de tous les poissons de mer, de lac et de rivière;

Le septième volume, l'histoire et la description des coquillages, des crustacés et des insectes de la mer;

Le huitième volume, l'histoire des reptiles, des insectes et des animaux microscopiques;

Le neuvième volume, l'ornithologie;

« Les dixième, onzième et douzième volumes, le règne végétal. On verra, dans le dixième, un système de végétation et un traité d'agriculture;

« Le treizième volume, un discours sur la formation des pierres et des minéraux, qu'on a composé pour servir de suite à l'histoire de la terre, la description et l'histoire des fossiles, des pierres figurées et des pétrifications;

« Le quatorzième volume, l'histoire des terres, des sables, des pierres communes, des cailloux, des pierres précieuses, avec une méthode simple, naturelle, invariable, pour connaître les pierres précieuses. Cette belle partie de l'histoire naturelle sera traitée avec soin : la collection de ces pierres, soit transparentes, soit opaques, qui est au Jardin du Roi, est extrêmement riche. On tâchera de rendre l'ouvrage digne de la matière;

« Le quinzième volume, l'histoire des sels, des soufres, des bitumes, et de tous les minéraux qu'on tire du sein de la terre. >

Note 6, p. 41. Marc-René, marquis de Voyer, fils du comte d'Argenson, né le 20 septembre 1722, mort dans le mois d'août 1782, fut lieutenant général et servit avec distinction dans la guerre de la succession d'Autriche.

XXVII

Note 1, p. 42. - On sait à quel point, dans ces derniers temps surtout, les éditions de l'Histoire naturelle se sont multipliées. Sans entreprendre de donner ici la série complète de ces éditions, nous nous bornerons à signaler les meilleures. L'Imprimerie royale a donné deux éditions principales. L'édition princeps, la plus estimée, en 36 vol. in-4, parut de 1749 à 1789, M. de Lacepède ayant publié le dernier volume des Suppléments. Les quinze premiers volumes de cette édition parurent de 1749 à 1767. Ils comprennent la théorie de la terre, l'histoire de l'homme et celle des quadrupèdes vivipares. De 1770 à 1783 furent publiés neuf volumes sur les oiseaux, et de 1783 à 1788, les cinq volumes de minéraux. Les sept volumes des Suppléments parurent pendant la publication de l'ouvrage principal. De 1774 à 1775, Buffon donna les deux premiers, qui comprennent la partie expérimentale, ainsi que plusieurs mémoires précédemment insérés dans les recueils de l'Académie des sciences. En 1776 parut le troisième volume, comprenant des suppléments à l'histoire des quadrupedes; en 1777 le quatrième, renfermant de nouveaux détails sur l'histoire de l'homme; en 1778 le cinquième, ouvrage à part qui renferme le Traité des époques de la nature. De 1782 à 1789 parurent le sixième et le septième

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