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depuis peu ici M. Leclerc de Buffon, votre ami, qui se trouve tristement engagé à entrer en procès avec M. son père par le sot mariage que vient de faire ce dernier. Heureusement le procès n'eut pas lieu. La famille intervint, et obtint que le différend se terminât par une transaction amiablement consentie. Il en résulta d'abord la rétrocession de la terre de Buffon. En 1729, le conseiller Leclerc, sous le coup d'obligations pressantes, en avait opéré la vente au profit de M. de Mauroy; Buffon tenait à une seigneurie dont il portait déjà le nom, et peut-être aussi au modeste manoir où il avait passé ses premières années. La terre de Buffon fut rachetée en son nom et devint sa propriété.

A trente années de distance, en 1771, un nouveau traité de famille intervint entre le père et le fils. Cette fois le conseiller Leclerc abandonna à son fils le reste de son bien, et ce dernier le prit chez lui en pension; ce traité, qui mit fin aux discussions d'intérêt entre le père et le fils, est ainsi motivé: «Entre nous soussignés Benjamin-François Leclerc de Buffon, conseiller honoraire au parlement de Bourgogne, demeurant au château seigneurial de Buffon, d'une part, et nous Georges-Louis Leclerc, chevalier, comte de Buffon, intendant du Jardin du Roi à Paris, déclarons que comme M. Nadault, conseiller au parlement de Dijon, et la dame son épouse, sont sur le point de quitter, nous ledit Leclerc de Buffon, conseiller honoraire, leur père et beaupère, avec lesquels nous demeurons, pour aller s'établir à Dijon, à l'effet par ledit sieur Nadault d'y remplir les fonctions de sa charge; c'est pourquoi nous ledit Leclerc de Buffon père, étant âgé de quatrevingt-neuf ans, nous reconnaissons qu'il ne nous serait pas possible de conduire notre maison seul, n'ayant plus notre fille et son mari auprès de nous. En conséquence, nous déclarons que nous nous départons purement et simplement au profit du comte de Buffon, notre fils aîné du premier lit.... de la totalité de nos biens. >>

Note 3, p. 18. Fils de Pierre de La Mare, conseiller au Parlement, et neveu de Jean-Baptiste de La Mare, alors second président au Parlement.

Chartraire de Montigny, trésorier des états de

Note 4, p. 18. la province de Bourgogne.

Note 1, p. 19.

XI

Pierre Daubenton, avocat au Parlement, maire, châtelain et lieutenant général de police de la ville de Montbard, subdélégué de l'intendance de Dijon au département de la même ville, colonel des armes de ladite ville et capitaine de l'exercice de l'arquebuse; membre des académies de Lyon et de Dijon, des sociétés littéraires d'Auxerre et d'agriculture de Rouen, membre honoraire de la société économique de Berne, naquit à Montbard le 10 avril 1703 et mourut le 14 septembre 1776. Son frère, beaucoup plus jeune que lui, et qui faisait alors son cours de médecine à Paris, fut le collaborateur de Buffon.

Note 2, p. 19. M. de Montigny, sous les ordres duquel se trouvait M. Daubenton, en sa qualité de subdélégué de l'intendance, était alors trésorier des états de Bourgogne. La charge de trésorier des états fut pendant plus de deux cents ans dans cette famille. La seigneurie de Montigny avait été érigée, en 1706, en comté pour François Chartraire de Montigny, conseiller au Parlement et trésorier des états.

Le dernier maire de Dijon, avant les réformes introduites par la Révolution dans l'administration communale, fut le dernier des Chartraire de Montigny, Marc-Antoine, qui exerça cette fonction du 24 février 1790 au 20 novembre 1791. Son élévation donna lieu au quatrain suivant :

Par un choix libre et pur, Dijon vous a fait maire.

Vous avez su monter les cœurs à l'unisson;

Et la reconnaissance, en votant pour Chartraire,

A su mettre d'accord la rime et la raison.

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Note 3, p. 19.- M. Daubenton avait affermé, moyennant un abonnement fixe, la perception de certains impôts qui devaient être versés dans la caisse des états de la province. Il s'était trompé dans ses calculs; la difficulté que présentait la rentrée de l'impôt, les charges qui lui étaient imposées, avaient rendu sa position fort précaire, et il employa l'entremise de Buffon près du trésorier des états, pour obtenir d'être déchargé d'une partie de ses obligations.

Note 4, p. 19. Louis Leclerc, écuyer, procureur du Roi et syndic au grenier à sel, bailli de Fontenay, juge-prévôt de la châtellenie de Montbard, conseiller-secrétaire du Roi près la chancellerie de Dijon,

né à Montbard le 11 novembre 1646, mort le 1er mars 1734, à l'âge de quatre-vingt-huit ans. Il avait été maire et gouverneur de la ville de Montbard, de 1695 à 1697, en attendant que Jean Nadault son parent, qui était titulaire de cet office, eût atteint sa majorité.

Le grand-père de Buffon mourut à l'âge de quatre-vingt-huit ans; son père vécut quatre-vingt-douze ans, et le naturaliste quatre-vingtdeux.

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XII

Note 1, p. 20. Le 6 juin 1735, on représenta pour la première fois sur le Théâtre-Français la tragédie d'Aben-Saïd, dont l'abbé Le Blanc était l'auteur. Aben-Saïd fut joué à la cour et accueilli avec faveur; imprimé l'année suivante, il soutint à la lecture le succès qu'il avait eu au théâtre. (Aben-Saïd, empereur des Mogols, tragédie en cinq actes et en vers. Paris, 1735, in-8.)

Note 2, p. 20.- La Bourgogne était Pays d'états. Avec quelques autres provinces elle partageait le privilége de s'occuper seule de la répartition des impôts. Les états se réunissaient tous les trois ans, sous la présidence du prince de Condé, gouverneur de la province. Les trois ordres y étaient représentés, la noblesse, le clergé et le tiers. L'évêque d'Autun était président-né de la Chambre du clergé, comme le maire de Dijon était président-né de la Chambre du tiers. La session durait un mois environ. En se séparant, l'assemblée nommait une commission composée de trois membres, pris dans chacun des trois ordres, et qui, sous le nom de Chambre des élus, administrait les intérêts de la province jusqu'à la nouvelle assemblée. Les élus rendaient alors leurs comptes entre les mains de délégués choisis par les états, et qui prenaient le nom d'Alcades. Dans les réunions générales et dans les solennités auxquelles assistaient les états en corps, l'évêque d'Autun avait le pas sur tous les autres évêques de la province, appelés comme lui à faire partie de l'assemblée.

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Note 3, p. 20. Jean Bouhier, sacré évêque de Dijon le 16 septembre 1732, se démit de son siége en 1743, et mourut le 15 octo bre 1745.

Note 4, p. 20. Gaspard de Thomas de La Valette, pourvu en 1733 de l'évêché d'Autun, fut remplacé en 1748 par Antoine de Malvin de Montazet, depuis archevêque de Lyon et membre de l'Académie française.

Note 5, p. 20.-Louis-Henri duc de Bourbon, prince de Condé, né en 1692, mort le 27 janvier 1740, avait été chef du conseil de régence durant la minorité de Louis XV, et premier ministre à la mort du régent. En 1726, compromis par les intrigues de la marquise de Prie, sa maîtresse, il fut exilé à Chantilly, et le cardinal de Fleury le remplaça au ministère. En 1735, il présida les états de Bourgogne, et vit Buffon, auquel il fit un accueil distingué. L'année suivante, il eut un fils, et Buffon, qui n'avait pas oublié l'accueil que lui avait fait le prince lors de son dernier séjour à Dijon, voulut témoigner, d'une manière éclatante, la part qu'il prenait à cet heureux événement. On trouve dans une lettre écrite de Montbard à la date du 16 août 1736, par Daubenton, et insérée dans le Mercure, le compte rendu de la fête improvisée à Montbard pour célébrer la naissance de l'héritier des Condé.

« J'ai appris, monsieur, avec le plus grand plaisir, que vous vous disposiez à cheminer du côté de la Bourgogne; mais je pense que l'envie vous doit prendre en même temps de venir rendre un hommage de reconnaissance au vieux Pégase de notre ville. Vous avez éprouvé qu'il vous a été favorable il y a deux ans, et vous avez grande raison de vouloir le revoir, car vous trouverez l'antique habitation des bardes* tout à fait changée. Le chaos du vieux château s'est débrouillé; le Dieu des jardins a regardé l'emplacemeut d'un œil favorable, et les choses sont en état d'y pouvoir attirer les Muses et les Grâces même par vos chants. Venez donc, et n'irritez plus l'empressement qu'on a de vous voir.

«M. de Buffon vous attend avec la plus grande impatience, et vous sait mauvais gré de ne vous être pas pressé davantage. Vous auriez été témoin des réjouissances qu'il a faites au sujet de la naissance du prince de Condé. Il en reçut la nouvelle dimanche dernier, 12 août, à sept heures du matin. L'entier attachement qu'il a pour la maison de Condé le porta aussitôt à marquer sa joie par tout ce qu'on pouvait imaginer de réjouissant dans une petite ville. Son premier mouvement fut d'abord de rendre l'heureux événement public; il fit transporter les canons de la ville dans les jardins du château, et l'on en fit trois décharges, au bruit de plusieurs tambours et d'une grande mousqueterie qu'on avait assemblée, ce qui fut répété jusqu'à dix-huit fois dans toute la matinée. Ces salves réitérées parurent si extraordinaires dans tous les villages des environs, que la plupart des paysans vinrent à la ville, croyant que ce fût l'arrivée du prince ou la publication de la paix.

* Mons Bardorum, Mont des Bardes, Montbard.

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« Sur le midi il fit rassembler tous les instruments de la ville et des environs, qui dans ce pays, où le goût de la musique ne prévaudra jamais sur celui du vin, ne laissèrent pas que de former trois troupes de plusieurs instruments chacune. On en plaça une partie au château, et le reste devant sa maison, qui est, comme vous savez, monsieur, dans l'endroit le plus apparent et le plus fréquenté de la ville; tout le peuple s'y assembla pour danser en très-grand nombre.

A cinq heures, on disposa par une fenêtre au haut de la grande porte une fontaine de vin, et cet article ne fut pas le moins plaisant de la fête. Elle coula abondamment et sans discontinuer jusqu'à près de minuit, et le bon jus attira mainte fois les acclamations de Vive le Roi, Leurs Altesses Sérénissimes et le Prince nouveau-né! Grand souper ensuite, où se trouva ce qu'il y avait de mieux à la ville. La compagnie était nombreuse; aussi fallut-il plus d'une table. On y a bu en vrais Bourguignons.

« A l'entrée de la nuit, la maison fut illuminée dans toute la façade avec tout ce qu'on put rassembler de torches, flambeaux, lampions, pots de goudron; on employa jusqu'aux creusets du laboratoire *.

« Après le souper, on fit devant la maison un essai du feu d'artifice; sur le perron que vous connaissez et autour de la porte était une illumination singulière, composée de soleils et de lances à feu; on tira ensuite des grenades et quelques fusées, et en même temps on jeta par les fenêtres partie des desserts au peuple, quantité de fruits qu'on avait rassemblés pour ce sujet, et, entre autres choses, une fournée entière d'échaudés. Alors les acclamations recommencèrent; jugez aussi si l'on s'y battit.

« Sur les dix heures, la compagnie monta au château. Elle était précédée de tous les instruments, et suivie de toute la ville en si grand nombre, qu'on eut grande peine à garantir les jardins de l'affluence.

<< Le feu était disposé sur un belvédère que vous n'avez pas encore vu, mais que vous pouvez juger propre à la chose, puisqu'il est en vue de la ville et des beaux vallons dont vous avez paru si charmé. Là s'élevait encore une estrade qui soutenait en son milieu une grande pyramide, autour de laquelle était rangé tout l'artifice, que l'on avait préparé plusieurs semaines auparavant, dans l'attente de l'heureuse nouvelle. Il réussit si bien, que j'aurais grande envie de vous le décrire. Imaginez-vous grand nombre de longues et belles fusées, étoiles, aigrettes, grenades, soleils, lances et pots à feu, en un mot tout l'art que vous nous connaissez sur cet article. Il dura plus d'une heure, au bruit des canons et de la mousqueterie, au son de tous les instru

*M. de Buffon est de l'Académie des sciences et travaille à la chimie.

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