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CXXX

A M. MACQUER.

Montbard, le 25 janvier 1773.

Comme, vous avez monsieur et cher confrère', travaillé plus que personne sur la matière du platine, permettez-moi, je vous prie, de vous demander si vous ne regardez pas comme du vrai fer le petit sable noir qui y est mêlé, et que l'aimant attire. Ce qui me fait douter de ce que vous en pensez, c'est que vous dites à la page 250 de votre dictionnaire de chimie3 que ce petit sable noir est aussi attirable par l'aimant que le meilleur fer, mais qu'il est indissoluble par les acides, infusible et intraitable. Vous pourriez donc, monsieur, ne le pas regarder comme un véritable fer. Cependant je crois avoir des preuves du contraire. Faites-moi le plaisir de m'éclaircir ce doute par un mot de réponse, et vous m'obligerez beaucoup. Je suis bien aise d'avoir cette petite occasion de vous renouveler les sentiments de mon estime et de l'inviolable attachement avec lequel j'ai l'honneur d'être, monsieur et cher confrère, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

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Bonne amie, vous écrivez comme un amour1 et pensez comme un ange. Je vous lis presque avec autant de plaisir que je vous vois, si bien vous savez vous peindre. J'ai un peu tardé à vous donner de mes nouvelles, parce que j'aurais voulu ne vous pas dire que depuis neuf jours je n'ai cessé de

tousser et je n'ai pas quitté le coin du feu. C'est la maudite coqueluche, et je vois que la vôtre ne vous traite pas mieux. Cela n'est pas fait pour suspendre la mienne; elles pourraient bien toutes deux durer tant qu'il ne fera pas chaud. Encore si nous pouvions les confondre, il n'y aurait que demi-mal; mais à soixante lieues on ne s'entend pas tousser. Quoique incommodé, je n'ai pas laissé de faire quelque chose de mes affaires les plus pressées, et j'espère toujours être de retour à la Saint-Jean. J'adorerais les insectes comme les Égyptiens, s'ils ressemblaient au charmant hanneton'. J'ai vu son protégé, la Légion corse', et je tâcherai de lui rendre quelques services. On va commencer à imprimer les Oiseaux du cher oncle et les Éléments de votre bon ami. Ce nom m'est bien précieux et fait plus de plaisir à mon cœur que tous les titres ou les éloges qu'on pourrait me donner. Votre chère maman aura mon portrait gravé que je lui porterai, et que je la remercie d'avoir désiré. Faites donc aussi que je vous remercie pour quelque chose que vous désirerez. Embrassez votre papa pour moi; dites bien des choses à votre cher mari; guérissezvous, écrivez-moi, et comptez sur moi comme sur vousmême, ou tout au moins comme sur le plus fidèle de tous vos amis.

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Chère bonne amie, votre cher papa a eu la bonté de me donner de vos nouvelles jeudi. Remerciez-le pour moi, quoiqu'elles ne soient pas bonnes; car cette vilaine coqueluche m'inquiète et vous dure trop longtemps. Dites-lui aussi que le sieur Mandonnet ne sera plus échevin', que Richard sera

continué premier échevin cette année, et qu'il faut en nommer un autre à la place de Mandonnet. Ils recevront sur cela les ordres du Ministre. Surtout qu'ils ne présentent pas un second Mandonnet. J'ai vu votre cher oncle Montbeillard. Il est peut-être ici pour plus de temps que moi; mais son séjour ne peut à la fin que lui être utile. Mon rhume est diminué et je commence à sortir. Votre petit ami vient de dîner avec moi; il n'a été question que de vous et du petit chevreuil. Que de plaisir à parler de vous et combien plus à vous revoir! Devinez, bonne amie!

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BUFFON.

· De la collection de M. Henri Nadault de Buffon.)

CXXXIII

A LA MÊME.

Juin 1773.

Partez, chère bonne amie, et partez tout de suite pour le joli Beaune. Quittez le vilain Montbard pour aller à la charmante noce1 où mon cœur vous accompagnera et jouira par moitié de toute la satisfaction que vous y trouverez. Je ne serai de retour que le 15 de juillet tout au plus tôt; tâchez de revenir vers le 25 août tout au plus tard, et que ce terme de bonne espérance vous fasse ainsi qu'à moi ressentir quelques moments délicieux. Jouissons de ce que nous désirons, en attendant mieux. Je crois que vous aurez aussi la satisfaction de voir le raccommodement tant désiré. Votre cher oncle d'ici n'a point de tort, et l'autre me paraît en avoir; mais la personne qui en a le plus, je veux dire la demoiselle, travaille elle-même pour le réparer. Au moyen de ce mauvais moyen tout réussira, et nous aurons, à ce que j'espère, la satisfaction de voir ces chers amis réunis. La commission nommée pour l'affaire de l'artillerie commence aujourd'hui. Hier au soir le cher oncle a trouvé chez moi le comte de Maillebois; je l'ai

recommandé avec tout le zèle de l'amitié, et je compte qu'il se tirera de cette affaire avec gloire et profit.

Mes amitiés à votre papa de Montbard' et à toute la maison. Dites-lui que, s'il s'intéresse à Pion, il lui dise de m'écrire ou de me voir, et que je pourrai faire son affaire. Celui pour lequel M. Gueneau m'avait écrit lui a manqué de parole, et il en est outré. Dites-moi aussi des nouvelles des échevins. Écrivez-moi du milieu de la noce. Je n'y connais que le cher frère et le papa, mais je m'intéresse à tout ce qui leur appartiendra. Adieu bonne amie; point de coqueluche, point de chagrin, bien du plaisir, et soyez bientôt de retour.

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Je n'ai pas oublié, mon cher bon ami, la recommandation que vous m'avez faite, ainsi que notre cher abbé de Piolenc1, du fils de M. Perrot de Flavigny, pour remplacer le sieur Rosan, lieutenant de la maréchaussée de Montbard. J'ai vu sur cela M. Boullin; il a la démission de Rosan, et la chose ne tient plus qu'à l'argent, et c'est toujours trop. J'ai rabattu tant qu'il m'a été possible sur les demandes, et voici tout ce que j'ai pu obtenir, encore sous la condition que M. Perrot ait servi au moins deux ou trois ans.

1° Huit mille livres pour rembourser Rosan.

2o Le quart, c'est-à-dire deux mille livres pour l'agrément; ce qui me paraîtrait un peu trop cher, attendu que le produit de la place n'est que de sept cents livres. Mais il y a une circonstance qu'il faut laisser ignorer à Rosan et qu'il faut tenir secrète : c'est qu'à commencer du premier octobre prochain

toutes les places de maréchaussée seront augmentées, et celle du lieutenant de Montbard en particulier, de quatre cents livres, savoir de deux cent cinquante livres pour fourrages, et de cent cinquante livres pour logement. Cela fera donc dans la suite onze cents livres de produit, au lieu de sept cents, et il me semble que les dix mille livres de M. Perrot seront avantageusement placées; mais il ne faut pas perdre de temps: car M. Boullin m'a dit qu'il y avait un nommé Pion de Savoisy, près de Montbard, qui était tout prêt de donner cette somme, quoiqu'il ignore l'augmentation prochaine des quatre cents livres. Le sieur Ligeret de Semur pourrait bien revenir à la charge, s'il en était informé. Il serait donc nécessaire de m'envoyer une soumission bien cautionnée de MM. Perrot, père et fils, pour que je puisse mettre cette affaire en règle avant mon départ, qui sera vers le 6 ou le 8 du mois prochain.

Mon fils est au collège du Plessis depuis trois semaines; mais il ne m'a pas encore été possible d'y arranger le petit plan de son éducation. Il ne s'y trouve pas mal et se porte très-bien, à une suite de rhume près qu'il a apporté de Montbard et qui, comme le mien et celui de votre chère nièce, ne veut pas désemparer. J'ai été neuf jours sans pouvoir sortir, toussant autant la nuit que le jour, et, quoique cette incommodité soit diminuée, la moindre variation dans l'air suffit pour me la rendre.

Nous sommes tous deux sous presse, et l'on doit vous envoyer aujourd'hui ou demain vos premières feuilles d'épreuves. Je voudrais bien m'occuper du discours, ou plutôt de l'avant-propos que je dois mettre à la tête de votre volume; mais ce pays-ci est trop peuplé pour pouvoir disposer de son temps; je prévois même que je ne pourrai faire qu'une partie des choses que j'avais projetées. D'ailleurs on doit une partie de son temps à ses amis, surtout quand ils sont malades, et je n'en sache pas de mieux employé que celui que malheureusement je passe auprès de notre ami, M. Varenne, depuis environ quinze jours.

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