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GXXI

A GUENEAU DE MONTBEILLARD.

Montbard, le 5 décembre 1771.

Il y a longtemps, mon cher bon ami, que je désire de vous voir, et vous me ferez bien plaisir de venir quand vous pourrez; mais je n'entends pas trop ce que vous voulez dire par le Robinet des suppléments dont vous m'annoncez la visite. Je connais en effet un Robinet qui supplée souvent M. l'intendant'. Je connais un autre Robinet qui fait des suppléments à l'Encyclopédie, et j'aimerais mieux que ce fût le premier que le second qui dût vous accompagner ici.

Vous avez raison de dire que ce qu'écrit le Mousquetaire au sujet des paons blancs n'est que du bavardage. M. Hébert, qui est très-bon à entendre sur ce qu'il a vu, ne se souvient guère de ce qu'il a lu ou dû lire; ainsi vous ne devez pas être étonné de ses méprises.

J'aurai ici dimanche M. et Mme de Saint-Belin et M. et Mme Morel de Chatillon; ils resteront quelques jours, et vous devriez, mon cher ami, venir au plus tard dans ce temps.

Je pense absolument comme vous au sujet de Jean-Jacques', et j'écrirai en conséquence à Panckoucke.

Ma santé s'est soutenue, malgré les tracasseries et le chagrin qu'on m'a donné bien gratuitement, ou plutôt bien ingratement. Aussi je persiste dans mon régime, et depuis plus de trois semaines je ne mange ni viande ni poisson.

Je vous embrasse, mon cher bon ami, de tout mon cœur. BUFFON.

(Inédite. De la collection de Mme la baronne de La Fresnaye.)

CXXII

A MADEMOISELLE BOUCHERON.

Montbard, le 9 décembre 1771.

Mon très-cher enfant, si le papa n'accepte pas les choses telles qu'on les lui présente aujourd'hui, il n'y a plus d'espérance; j'y ai fait tout ce qu'il était possible de faire, et entre nous on se rend trop difficile, et le papa exige des choses trop dures. Ces derniers articles, qu'il recevra en même temps que vous recevrez votre lettre, seront en effet les derniers; les parents du jeune homme, et son oncle surtout, sont tout à fait décidés à rompre s'ils ne sont pas bien reçus1. Tâchez donc d'amener le cher papa à les accepter, d'autant qu'ils me paraissent très-convenables, et que je pourrais attester la vérité de ce que contiennent leurs réponses.

Si cependant, ma chère bonne amie, la chose proposée avec ce M. de Brest était meilleure et plus de votre goût, faites-la, ma tendre amie; je préférerai toujours votre plus grand bonheur à tout, et même à ce qui contribuerait le plus au mien.

J'ai partagé de tout mon cœur les alarmes et les inquiétudes que vous avez essuyées. Nous espérons tous vous voir en ce pays-ci, et j'en ai eu le regret au moment même où je comptais vous voir arriver avec la chère tante. MM. vos oncles pensent comme moi sur les dernières propositions, et disent que le papa, qui vous aime, ne les refusera pas. Je le désire plus vivement que personne, et vous exhorte à appuyer auprès de lui autant que vous le pourrez; et vous pourrez beaucoup, si le cœur vous dit quelque chose.

BUFFON.

(Inédite. De la collection de M. Henri Nadault de Buffon.

CXXIII

AU PRÉSIDENT DE RUFFEY.

Montbard, le 11 janvier 1772.

Je reçois, mon cher Président, avec bien du plaisir, le renouvellement de vos tendres souhaits, et je n'en ai pas moins à vous faire hommage des miens. Ils sont vifs et animés, et, si leur succès était attaché au motif qui me les inspire, vous jouiriez de tous les biens que vous me désirez. Le premier et le plus précieux est la santé; mais je ne ne le possède pas encore; je le cherche et je ne sais quand je le trouverai. Je ne désespère pas cependant d'y parvenir avec les précautions que je prends, étant dans la ferme résolution de continuer un régime dont j'ai déjà reconnu, quoique lentement, l'utilité. Vous croyez, mon cher Président, et c'est sans doute votre attachement pour moi qui vous l'a fait croire, que je fais face à un trèsgrand nombre de détails et d'affaires; mais je n'en fais qu'à mon aise, et de celles qui amusent plutôt qu'elles ne fatiguent. Je remets à une saison moins dure que celle où nous sommes, et à un temps où j'aurai plus de forces, mes travaux sérieux et continués. Je compte même aller avant à Paris; et, quoique le plaisir de vous y voir fût un motif bien séduisant, je ne prévois pas néanmoins pouvoir fixer le terme de mon départ avant la fin du mois prochain; peut-être entamerai-je le mois de mars.

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Je vois, mon cher Président, que vous n'êtes pas intimement persuadé de ma confiance dans la médecine; et vous avez raison. Cependant, quoique je ne jure pas par les principes d'Hippocrate, j'y crois assez pour m'astreindre à certaines précautions, et je le dois d'autant plus raisonnablement que je m'en trouve assez bien.

Je me souviens très-bien, mon cher Président, de la lettre que je vous écrivis l'été dernier, et je savais en vous l'écrivant

quel devait être le fruit de l'entêtement du Corps1. J'aurais voulu avoir assez d'empire sur les esprits; je n'aurais pas craint de leur donner moins généralement un conseil dont je prévoyais la nécessité. Mais les têtes étaient échauffées, l'esprit d'enthousiasme s'était répandu; et, quand les choses en sont là, il est impossible de changer les opinions. Vous avez bien vu en conseillant à M. votre fils de continuer son état. On ne le doit abandonner, comme vous dites très-bien, que quand on ne le peut exercer avec honneur. Mais la voix du véritable intérêt est bien faible auprès de celle de la prévention inspirée par le nombre, et je ne suis pas étonné que l'une ait été préférée à l'autre. On n'aura que trop le temps de sentir qu'on y a mis plus de chaleur que de réflexion. Notre ami commun le président de Brosses doit bien regretter de s'être trop livré3, et je pense comme vous qu'il voudrait être au premier pas. Le désastre général n'est pas moins fait cependant pour inspirer de l'intérêt. Un malheur, quoique mérité, doit toucher tout citoyen sensible, et à plus forte raison un compatriote. C'est l'effet qu'a produit en moi celui de ceux du Parlement que l'entêtement a conduits à l'exil. En blâmant la conduite du Corps, j'ai plaint le sort des particuliers. Adieu, mon cher Président; ne doutez jamais des sentiments du tendre attachement avec lequel je serai toujours votre très-humble et très-obéissant serviteur et ami.

BUFFON.

(Inédite. De la collection de M. le comte de Vesvrotte.)

CXXIV

A MADAME DAUBENTON.

Mai 1772.

J'ai vu, ma chère bonne amie, toutes les lettres que vous écrivez à votre mari; elles sont gaies, charmantes et dignes de

vous. Je ne cesse de lui faire compliment sur le bonheur qu'il a de vous posséder, et il m'y paraît aussi sensible qu'il peut l'être. Il a été très-flatté du bon accueil et des distinctions qu'on vous a faites; j'en suis moi-même enchanté, et, quoique je m'y attendisse, cela m'a fait un extrême plaisir. Je désire votre bonheur comme le mien; je sens que vous êtes heureuse avec le cher papa; je crois que vous serez heureuse avec le cher mari. Marchez donc d'un plaisir à l'autre toujours gaiement, et revenez-nous en aussi bonne santé que vous nous avez quittés. La mienne se soutient. Faites mes hommages au cher papa et beau-papa, mes amitiés au cher frère, et ne pleurez pas en les quittant, quoique vous les aimiez bien : car je n'ai pas pleuré en vous voyant partir, quoique je vous aime autant que vous pouvez les aimer.

Buffonet1 ne m'a pas écrit depuis dix jours. Sa petite colère n'a pas duré, car il a proposé à M. Laude' de négocier avec vous et de vous proposer de garder ou de revendre le petit âne qu'il croit que vous lui avez acheté, et que, si vous voulez l'en débarrasser, il vous apportera des coquilles de la mer de Normandie.

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Puisque vous faites construire, monsieur, un miroir1 composé de glaces planes et mobiles en tous sens, je puis vous épargner une partie de la dépense en vous donnant un assez grand nombre de montures qui peuvent porter des glaces depuis quatre pouces en carré jusqu'à un pied. Ces montures sont à Paris, et, je crois, au nombre de cent quarante ou

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