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RUSSI E.

Moscou (le 13 Août.) Au milieu des fêtes données au fujet de la paix il eft furvenu à l'Impératrice une incommodité fubite qui a occafionné une alarme générale. S. M. qui avoit déja affifté avec beaucoup de peine à la cérémonie du 21 Juillet, fe trouva le 23 fi incommodée, qu'elle fut forcée de garder le lit : c'étoit une diarrhée accompagnée de fiévre, dont elle étoit attaquée. Pour prévenir l'inflammation, on lui fit le 24 une faignée, qui eut un fuccès fi heureux, que la fiévre diminua dès ce moment. Les Miniftres étrangers, qui, felon le plan des cérémonies, auroient féli cité l'Impératrice le 23 à la fortie de l'Egli se, ne purent avoir cet honneur qu'à l'égard du Grand-Duc & de la Grand'Ducheffe. Cependant il y eut le même jour bal & fouper, & Sa M. reparut en public le 30 au cercle qu'il y eut ce jour-là, fe trouvant parfaitement rétablie. Le 30 Août il y eut encore une fête brillante à 9 werftes de Mofcou, dans une plaine des plus agréables fur les bords de la riviere de Mofca, d'environ 5 werftes d'étendue; l'on avoit conftruit en bois les fortereffes d'Azoff, de Kertsch, de Jénicalé, de Kinburn, de Taganrock & plufieurs autres fur la Mer-noire, fur le même modele que ces places font dans la réalité : elles étoient ornées en dedans avec beaucoup de goût & de magnifiKk 3

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La plaine elle-même repréfentoit la Mer-noire, & de diftance en diftance entre les fortereffes on voïoit des galeres & des yachts defarmés. Vers le couchant, fe trouvoit la flotte ruffe confiftant en 7 vaiffeaux de ligne; & du côté oppofé campoit une armée de 20 mille hommes. Au midi de la plaine', fur la rive de la Mosca, l'on avoit préparé différens jeux publics, ufités en Ruffie; l'on avoit érigé un théâtre pour repréfenter des piéces analogues à la fête, & un échafaudage où l'on avoit placé les bœufs rôtis destinés pour le peuple; il étoit environné de fontaines de vin, de biere & d'hydromel. Dans la même partie & à celle du nord, l'on avoit conftruit des illuminations magnifiques; au couchant un feu d'artifice &c. Après qu'il fe fut raffemblé dans cette plaine un nombre immenfe de peuple, l'Impératrice s'y rendit vers les 11 heures du matin, accompagnée feulement du GrandDuc, Mad. la Grand'Ducheffe fe trouvant ce jour-là indifpofée. Sa Maj. & S. A. Impériale, qui avoient une fuite des plus brillantes, fe rendirent d'abord dans les fortereffes de Kertsch & de Jénicalé, qu'on avoit jointes par une galerie, & où le Clergé, les Miniftres étrangers, & les principaux Seigneurs & Dames de la Cour s'étoient déja précédemment raffèmbiés, tous en grand gala. Elles furent reçues au fon de la mufique militaire des régimens en parade & aux acclamations du peuple. Peu après on donna le fignal par un coup de canon; & dans

un moment les baluftrades & les treillis, qui environnoient la cocagne & les fontaines, furent abattus. Sa Maj. & toute la Cour virent la fcene, que donna alors le petit peuple, avec d'autant plus de plaifir, qu'à l'honneur infini de la Police de Mofcou, qui avoit pris les arrangemens à cet effet, dans une foule de plus de 200 mille perfonnes au moins, qui s'empreffoient de partager la dépouille, il n'arriva pas le moindre accident, & que par-tout le bon ordre fut admirablement confervé.

Malgré toutes ces réjouiffances on n'eft pas fans inquiétudes. On fait aujourd'hui que l'Envoïé turc ne s'empresse pas d'arriver, qu'il ne fait que deux lieues par jour & qu'il fe repofe le troifieme. Le Kan des Tartares notre ami eft fans espérance d'être rétabli; & par ce qui fe passe en Moldavie, on voit que les Turcs s'entendent mieux avec les Autrichiens qu'avec nous.

POLOGNE,

VARSOVIE (le 7 Septembre.) Le Confeil - permanent a été affemblé le 5, le Roi y féant, jufqu'à 4 heures de l'après-midi. Dans cette féance le Prince Sapicha a été nommé Grand-Chancelier du Duché de Lithuanie, & s'est démis du poste de PetitGénéral de Lithuanie, qui a été donné à Mr. Sofnowski, Palatin de Smolensk. Cette nomination s'est faite conformément à ce qui eft prefcrit par la derniere Conftitution.

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Après la diftribution de ces emplois, l'affemblée s'eft féparée. Plufieurs Palatinats refufent encore de fe foumettre aux nouveaux impôts, avant de voir en entier la nouvelle Conftitution qui les établit, dépofée aux Grods. Mr. l'Ambaffadeur de Ruffię eft lui-même de ce fentiment, & c'eft pourquoi on en hâte l'impreffion. L'affaire des Tartares domiciliés en Lithuanie, continue de fixer l'attention du Gouvernement & d'exercer l'imagination des fpéculatifs; on croit qu'elle deviendra plus férieufe qu'on ne le penfoit d'abord. Il y a déja plufieurs années que les Tartares font très-mécontens & qu'ils ne fe donnent pas la peine de le cacher; ils s'étoient adreffés à la derniere Diéte pour obtenir le redreffement de leurs griefs, & en particulier pour qu'on leur accordât les privileges & avantages attachés à l'Indigénat de Pologne, qu'ils réclamoient parce qu'ils devoient être confidérés comme une portion confidérable de citoïens utiles, qui vivoient paisiblement dans le Roïaume qu'ils pouvoient défendre. On ne fit pas attention à leur requête. Delà ils eurent recours au Confeil-perpétuel qui ne les écouta pas davantage. Cent de ces Tartares, qui font au fervice, formerent le deffein de quitter la Pologne, & de fe donner à une autre Puiffance qui les appelloit & les follicitoit fortement. Ils engagerent les autres à les imiter, & cette émigration alloit fe réalifer, lorfque le projet fut déCouvert, la nuit du 5 au 6 du mois paffé.

Pendant la même nuit, Mr. Koricky, Colonel de Uhlans, qui a fervi lors des derniers troubles, & qui s'eft trouvé avec le GrandGénéral Comte Oginski à l'affaire de faint Wolowice, fi malheureufe pour les Confédérés, fut arrêté avec une vingtaine de fes complices, au nombre des quels on compte, comme on l'a dit, le Secretaire d'un Miniftre étranger, qui fut arrêté & remis en liberté, comme fi l'on s'étoit mépris, & qui n'eft plus dans cette ville. Les prifonniers, comme on le débite, ont été remis au Maréchal de guerre, après une déclaration du Confeil-perpétuel, qui a ordonné qu'on inftruisît leur procès, comme coupables de haute trahifon. La précaution qu'on a prise de déplacer les autres Tartares, & d'en défarmer plufieurs, ne paroît pas fuffire pour tranquillifer les efprits, fur ce que les autres pourront encore entreprendre. Ils ont des liaifons avec des étrangers & des hordes de Tartares, qui ne font pas dans ce Roïaume; ils pourront être foûtenus, & fe mettre en état de faire face aux troupes affoiblies & peu difciplinées de la République, qui eft peut-être à la veille d'ouvrir une nouvelle fcene.

On reconnoît maintenant les abus qui regnoient dans l'adminiftration des affaires, lors de la derniere Diéte confédérée. On s'y conformoit, il eft vrai, à l'ufage d'inférer dans les A&tes les Conftitutions, Loix & Ordonnances qui étoient rendues, avant que de les faire publier; mais lorsque ces

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