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nations des biens faites par un ayeul fans aucune formalité, furent caffées, quoique le prix eût été employé à payer des dettes.

XXVIII. On décide par les mêmes principes que fi le pere préfent & ne contredifant pas, fa fille fe conftitue dans fon contrat de mariage tous fes biens préfens & à venir, le pere ne pourra point, en vertu de fa puiffance paternelle, prétendre l'ufufruit des biens adventifs de fa fille. Il eft cenfé s'en être départi. C'eft l'avis de Sanleger refol. civil. chap. 63. n. 2. Et les Arrêts l'ont ainfi jugé, comme l'attefte M. De Cormis tom. 1. co.l 1243. chap. 55. & tom. 2. col. 319. chap. 63. & col. 1566. chap. 65. Mais à l'égard des biens adventifs dont l'ufufruit étoit acquis au pere avant le mariage de fa fille, il a été décidé que le pere qui avoit continué d'en jouir, n'en avoit pas perdu l'ufufruit. Le Parlement d'Aix l'a jugé ainfi par Arrêt du 23 juin 1783, après partage porté de la Chambre des Enquêtes à la Grand'Chambre, Mr. d'Alpheran, Rapporteur, Mr. d'Espagnet, Compartiteur, en faveur du fieur Louis-Antoine Monginot, en qualité de mari & maître de la dot & droits d'Anne Garjane contre fieur Jean-Baptifte André, en qualité de mari & maître de la dot & droits de Rofe-Antoinete Garjane. Le pere en mariant fa fille lui avoit conftitué en dot la fomme de douze mille livres, dont huit mille livres avoient été payées au prix des coffres, en argent comptant & en contrats de rentes conftituées, & les quatre mille livres reftantes n'étoient payables qu'après le décès du pere & fans intérêts jufqu'alors. Il n'avoit rien été conftitué du chef de la mere qui étoit décédée auparavant : & il étoit dit par le même contrat, que la fille fe conftituoit tous fes biens & droits préfens & à venir. Le pere vécut encore treize ans après le mariage de fa fille, pendant lefquels il continua de jouir des biens maternels. Après le décès du pere le gendre demanda qu'il lui fût tenu compte des fruits de fa portion des biens maternels depuis fon mariage. Il fut débouté de fa prétention par la Sentence du Juge de Peliffane. Il appella de cette Sentence qui fut confirmée par la

Sentence du Lieutenant au Siege d'Aix, de laquelle il appella encore; & les voix ayant été partagées en la Chambre des Enquêtes, le partage porté en la Grand'Chambre, toutes les voix, hors une feule, furent pour la confirmation de la Sentence.

XXIX. Les actions du fils de famille pour les biens & les droits adventifs dont le pere a l'ufufruit & l'administration, résident en la perfonne du pere. Par conféquent la prescription ne court point contre le fils de famille pour ces biens & ces droits, tant qu'il eft fous la puiffance paternelle. Il n'a pas le pouvoir d'agir, & non valenti agere non currit præfcriptio. C'eft la décifion de la Loi 1. & de la Loi 2. C. de bonis maternis, de l'Authentique nifi tricennale au même titre, & de la Loi 1. §. 2. C. de annali exceptione. Mais par la même raifon la prescription court contre le fils de famille pour les biens dont le pere n'a pas l'ufufruit & l'administration, comme le pécule militaire ou quafi militaire, les biens donnés ou legués au fils de famille avec la prohibition de l'ufufruit au pere, & les autres biens & droits qui font indépendans du pouvoir paternel. Le fils de famille ayant pour de tels biens le libre exercice de fes actions, la prefcription court contre lui. Il faut feulement excepter de cette regle le cas où l'action doit être intentée contre le pere même. La prefcription dans ce cas ne doit point courir contre le fils de famille, comme il a été jugé par les Arrêts rapportés par Boniface tom. 1. liv. 8. tit. 2. chap. 3. Voyez mon Commentaire fur les Statuts de Provence tom. 2. au Traité des Prescriptions fect. 1. n. 8. 9. & 10. pag. 506. & suiv.

XXX. Outre les droits de la puiffance paternelle dont nous avons parlé dans ce titre, il en eft un autre bien important. C'est le droit qu'a le pere en faifant fon teftament de tefter auffi pour fes enfans impuberes qu'il a en fa puiffance, & de leur donner un héritier ou des héritiers par la fubftitution pupillaire au cas qu'ils meurent en pupillarité. Cela regarde la matiere des teftamens & des fubftitutions dont nous parlerons dans le fecond livre.

TITRE VI.

De la Légitimation.

I. Les enfans naturels ne font pas fous la puiffance de leur pere. Ils font rendus légitimes & ils entrent dans la puiffance paternelle par la légitimation.

:

II. Il y avoit trois fortes de légitimation felon les Loix Romaines la légitimation par le mariage fubféquent §. dernier Inft. de nuptiis, §. 2. Inft. de hæreditatibus quæ ab inteftato deferuntur, L. 5. 10. & 11. C. de naturalibus liberis, Novel. 89. cap. 1. Celle qui fe faifoit par les Lettres du Prince, Novel. 89. cap. 9. & 10. Il y avoit une autre maniere de légitimer les enfans. C'étoit lorfque le fils naturel étoit présenté par le pere ou qu'il fe préfentoit luimême du confentement de fon pere, pour être reçu dans l'ordre des Decurions, §. dernier Inft. de nuptiis, §. z. Inft. de hæreditatibus quæ ab inteftato deferuntur, L. 3. & 9. C. de naturalibus liberis, Novel. 89. cap. 2. & feq. Ce moyen fut introduit par l'Empereur Théodofe le Jeune pour procurer aux Villes des fujets qui priffent la charge de Decurion, qui étoit onéreufe & que plufieurs refufoient, comme l'a remarqué Janus à Cofta fur le §. dernier Inft. de nuptiis. Hoc primùm, dit-il, Theodofius Imperator, ut refert Juftinianus Imperator Novel. 89. cap. 2. excogitaffe videtur in gratiam civitatum, quarum Curiæ ferè deftitutæ erant idoneis curialibus, quod multi curialia hæc onera detrectarent & refuge rent, tùm ob dura nimis & gravia onera qua Decurionibus imponebantur, tùm ob intolerabilem exactorum injuriam : propter que omnia, etiam aliquando Chriftiani pana loco curiis addicti fuerunt, ut teftatur Caffiodorus. Toutefois cette forte de légitimation rendoit feulement le fils fucceffeur légitime du pere, & non d'autres perfonnes, foit afcendans ou defcendans ou collatéraux du pere, fuivant la Novelle 89, chap. 4. Sancimus oblatum Curia naturalem filium folummodò patri legitimum fieri fuccefforem ; nullum tamen habere participium ad afcendentes,

afcendentes, aut defcendentes, aut ex latere agnatos vel cognatos patris. Ce moyen de légitimer les enfans naturels ceffa d'avoir lieu, comme l'a remarqué M. Lebret dans fon Traité de la Souveraineté du Roi liv. 2. chap. 9. » Cela fut de>> puis révoqué (dit-il) fur ce qu'on jugea qu'il étoit im» pertinent de laiffer la difpenfation de ce droit fouverain » à des Décurions de Ville, qui n'étoient que des Magif»trats populaires, bien qu'inftitués fur l'exemple du Sénat » Romain. Cela même a été de tout temps obfervé en » France, qu'il n'y a que le Roi feul qui puiffe donner » des Lettres de légitimation, & rendre les bâtards capa»bles d'exercer toutes fortes d'Offices.

III. Nous n'avons donc que deux fortes de moyens de légitimer les enfans naturels, le mariage fubféquent & les Lettres patentes du Prince, comme l'ont remarqué Bacquet dans fon Traité du Droit de bâtardife part. 2. chap. 9. Mornac fur la Loi 10. C. de Tranfactionibus.

IV. La légitimation qui fe fait par le mariage fubféquent, eft la plus parfaite. Elle égale la condition des enfans ainfi légitimés, à celle des enfans nés légitimes. C'eft la décifion de la Loi Cùm quis 10. C. de naturalibus liberis, & du chapitre tanta eft vis 6. extrà qui filii fint legitimi.

V. Ainfi les donations font révoquées par la légitimation d'un enfant naturel par mariage fubféquent, comme elles le font par la naiffance d'un enfant né légitime, suivant la doctrine de Tiraqueau fur la Loi Si unquam C. de revocandis donationibus, verb. fufceperit liberos n. 71. de Brodeau fur Louet lett. D. fom. 52. n. 4. & 5. & l'Ordonnance des Donations de 1731. art. 39. Ainfi le fils légitimé par mariage fubféquent fuccede au fief dont l'inveftiture a été donnée au féudataire, avec la claufe pour lui & fes enfans légitimément nés, Graflus de fucceffione §. fucceffio ab inteftato qu. 19. n. 7. de Luca de feudis difc. 15. conflict. legis & rationis obf. 202. Pareillement le fideicommis fait avec la claufe fi l'héritier meurt fans enfans nés de légitime mariage, ceffe & s'évanouit, fi l'héritier laiffe un feul enfant légitimé par mariage fubféquent, Chorier Jurifprudence de Guy Pape liv. 3. fect. 5. art. 4. Le Brun des Succeffions liv. 1. chap. z.

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fect. 1. dift. 1. n. 16. & fuiv. Ricard des difpofitions conditionnelles chap. 5. fect. 5. n. 535. & fuiv. Et dans les lieux où il y a un Statut par lequel les enfans mâles excluent les filles dans la fucceffion ab inteftat du pere & de la mere, les enfans mâles légitimés par le mariage subséquent jouiffent de cet avantage, comme je l'ai remaqué dans mon Commentaire fur les Statuts de Provence tom. 1. tit. des Succeffons ab inteftat fect. 1. n. 13. pag. 442. VI. Le Droit Romain exigeoit pour la légitimation par mariage fubféquent, qu'il y eût un contrat de mariage, dotalibus inftrumentis compofitis, §. dernier Inft. de nuptiis. Mais cela ne s'obferve point. Nous fuivons le chapitre tanta eft vis 6. extrà qui filii fint legitimi, felon lequel le feul mariage fuffit pour légitimer les enfans, pourvu qu'il ait été valablement contracté, Le Brun des fucceffions liv. 1. chap. 2. fect. 1. dift. 1. n. 3. Arrêts de Bardet tom. 2. liv. 1. chap. 31. Furgole des teftamens tom. 1. chap. 6. fect. 2. n. 176. & 177. n. 184.

VII. Afin que les enfans naturels foient légitimés par le mariage fubféquent, il faut qu'ils foient nés de deux perfonnes entre lefquelles le mariage ait pu être légitimement contracté au tems de leur fréquentation: Cum quê poterat habere conjugium §. 2. Inft. de hæreditatibus quæ ab inteftato deferuntur. Ainfi les enfans nés d'un commerce adulterin ex damnato & nefario coitu, ne font pas légitimés par le mariage fubféquent du pere & de la mere, fuivant le chap. tanta eft vis 6. extrà qui filii fint legitimi. Ils font toujours illégitimes & incapables de faccéder à leur pere & à leur mere, Journal des Audiences tom. 2. liv. 1. chap. 4. Arrêt du 3 février 1661. Arrêts de Catellan liv. 4. chap. 23. Le Brun des Succeffions liv. 1. chap. 2. fect. 1. dift. 1. n. 8. Furgole des Teftamens chap. 6. fect. z. n. 182.

VIII. Les enfans nés de deux perfonnes qui font parentes aux degrés où le Pape peut accorder des difpenfes, feront-ils légitimés par le mariage fubféquent fait avec la difpenfe du Pape? Le Brun au lieu cité n. 10. 11. & 12. estime que les enfans dans ce cas feront légitimés par le mariage fubféquent. L'empêchement qu'il y avoit au tems de la

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