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furpris en adultere, fut débouté de fa demande du gain de furvie ftipulé dans le contrat de mariage. Il avoit obtenu du Roi des lettres de rémiffion entérinées par la Cour avec la claufe qu'il aumôneroit trois cents écus aux pauvres.

IV. L'accufation d'adultere eft privée parmi nous; & c'est au mari feul qu'appartient le droit de venger l'outrage fait au lit nuptial. Le Procureur Général du Roi est non recevable en une telle accufation. J'ai rapporté les Arrêts qui l'ont ainfi jugé dans mon Commentaire fur les Statuts de Provence tom. I. pag. 547. Le Procureur Général du Roi n'eft recevable à accufer une femme d'adultere que lorsque le mari eft complice de la débauche & de la prostitution de fa femme. Il accufe alors le mari de maquerélage & la femme d'adultere.

V. La femme au contraire n'est pas recevable à accufer le mari d'adultere fuivant la loi premiere C. ad L Juliam de adulteriis. La raison de différence eft que l'honnêteté & la pudeur eft plus fortement requife dans les femmes, parce qu'elles peuvent donner des fucceffeurs étrangers, & ravir le bien des familles. C'eft la doctrine de Tiraqueau dans fon Traité de Legibus connubialibus Loi 1. n. 44. & fuiv. de Papon en fes Arrêts liv. 24. tit. 2. n. 6. de Defpeiffes tom. 2. pag. 657. n. 8. Par un Arrêt du Parlement d'Aix de l'année 1634, rapporté dans les Mémoires de M. Julien tit. Condemnatio fol. 11. il fut jugé que la femme n'étoit pas recevable à accufer fon mari d'adultere. Aulu-Gelle dans fes Nuits Attiques liv. 10. chap. 23. fait mention du difcours de Caton touchant l'adultere. Il y eft dit : In adulterio uxorem tuam fi apprehendiffes, fine judicio impunè necares. Illa te, fi adulterares digito non auderet contingere, neque jus eft.

VI. L'homme ne commet proprement l'adultere que lorfqu'il a commerce avec une femme mariée, foit qu'il foit marié lui-même ou qu'il ne le foit pas. L'homme marié qui a un commerce avec une femme qui n'est p point mariée, cum folutâ, péche certainement contre les Loix divines & humaines, mais fuivant le Droit civil, ni l'un ni

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l'autre ne font point appellés proprement adulteres ni fu jets aux peines qui font prononcées par les Loix contre les adulteres. C'eft la doctrine de Julius Clarus dans fa Pratique criminelle §. Adulterium n. 2. où il dit que c'eft le fentiment indubitable des Docteurs: Propriè verò adulterium in viro eft, quando violat alienum thorum, licet ipfe non fit conjugatus: in muliere autem quando violat proprium thorum, etiamfi adulter non fit matrimonio copulatus. Cæterum, quando vir conjugatus coit cum folutâ, tunc de jure civili, neque ex parte viri, neque ex parte mulieris dicitur adulterium. Ideòque non poffunt puniri eâ pænâ quâ adulteri puniuntur. Et hac eft indubitata Dodorum Sententia. Toutefois les enfans qui naiffent d'un tel commerce font réputés adulterins.

VII. Quoique la rigueur des Loix anciennes ait été modérée, le mari conserve toujours l'empire domestique qui lui appartient comme mari & chef de la famille ; & la femme lui doit obéir dans les chofes honnêtes. Cette puiffance est établie fur l'autorité des Livres Saints: Sub viri poteftate eris, & ipfe dominabitur tibi (*). Par conféquent le mari a le droit d'établir le domicile de la famille où il trouve à propos, comme l'a remarqué Grotiùs dans fon Traité de Jure belli ac pacis liv. 2. chap. 5. n. 8: Ob fexus differentiam ( dit-il) imperium non eft commune, fed maritus uxoris caput, nempe in rebus conjugii & in rebus familiæ; nam uxor pars fit familiæ maritalis. Ideò de domicilio conftituere jus eft marito. Et la femme eft obligée de suivre son mari dans le domicile qu'il a établi. Albert lett. F. chap. 5. rapporte un Arrêt remarquable du Parlement de Touloufe. Un Préfident en la Cour des Aides de Montpellier demeuroit à Aigue-Mortes la plus grande partie de l'année. Sa femme refufoit de le fuivre, difant que lorfqu'elle l'avoit époufé, il étoit Officier en la Cour des Aides de Montpellier, qu'ainfi elle avoit cru & dû croire qu'il ne pourroit demeurer ni habiter ailleurs que dans la Ville où il étoit obligé de résider à cause de sa charge; que le lieu étoit

(*) Genele chap. 3. v. 16.

mal fain, & qu'elle n'y étoit jamais allée qu'elle ne fût malade. Nonobftant ces allégations, l'Arrêt ordonna que la femme fuivroit fon mari, quelque part qu'il voulût aller. Voyez Defpeiffes tom. I. pag. 280. fect. 3. n. 9. de Cormis tom. 1. col. 1193. chap. 41. Le Parlement d'Aix le jugea ainfi à l'Audience du rôle par Arrêt du 4 février 1737, prononcé par M. le Premier Président de la Tour. Laurent Cadiere, de la ville de Toulon, ayant été exilé par ordre du Roi & rappellé enfuite, avec interdiction néanmoins de la ville & du territoire de Toulon fe pourvut contre Therese Sibon, fa femme, pour l'obliger à le joindre au lieu de Souliers où il avoit établi fa demeure. Cela fut ainfi ordonné par la Sentence du Lieutenant de Toulon, dont la femme fe rendit appellante, & qui fut confirmée par l'Arrêt. Le mariage eft une société de biens & de maux, & la femme doit partager la bonne & la mauvaise fortune de fon mari.

Non me latorum fociam, rebufque fecundis

Accipis; in curas venio partemque laborum (*).

VIII. Le mariage formant un lien indiffoluble, il n'eft pas permis aux parties de donner atteinte aux engagemens qui en résultent, par une féparation volontaire de corps & de biens; les tranfactions, les accords que font le mari & la femme, portant une telle féparation, font nuls; & il est défendu aux Notaires par les Arrêts de réglement du Parlement d'Aix d'en recevoir les actes. Les Arrêts font rapportés par Boniface tom. 1. liv. 5. tit. 8. chap. 1. & tom. 4. liv. 5. tit. 14. chap. 2. Voyez Louet & Brodeau lett. S. fom. 16. Le Preftre cent. 1. chap. 67.

IX. Le Juge ne peut même ordonner une féparation de corps que fur des preuves & pour des causes très-graves. Les févices du mari font une jufte caufe de féparation; mais fuivant le chap. litteras 13. extrà de reftitutione fpoliatorum, il faut qu'ils foient tels qu'il n'y ait pas

(*) Lucain.

de fûreté fuffifante pour la femme: Si tanta fit viri fævitia; ut mulieri trepidanti non poffit fufficiens fecuritas provideri, non folùm non debet ei reftitui, fed ab eo potiùs amoveri. Une pre miere plainte ne fuffit pas ordinairement, & l'on ordonne que la femme retournera chez fon mari, avec injonction à lui de la traiter maritalement, comme on le voit dans les Arrêts de Boniface tom. 1. liv. 5. tit. 8. chap. 2. & tom. 4. liv. 5. tit. 13. chap. 1. n. 1o. & chap. 3. & dans les Arrêts de Baffet tom. 1. liv. 4. tit. 9. chap. 1. Mais quand les caufes font graves & les févices extraordinaires, la féparation peut être ordonnée fur une premiere plainte. Il y en a divers Arrêts qui font rapportés par Boniface tom. 1. liv. 5. tit. 8. chap. 3. & tom. 4. liv. 5. tit. 13. chap. 1. De Cormis tom. 1. col. 1177. chap. 36. Voyez les Arrêts de M. Le Preftre cent. 1. chap. 67. & chap. 100.

X. Outre les droits qui regardent la perfonne & dont on vient de parler, le mari a encore des droits fur les biens de fa femme, & la femme fur les biens du mari. Cela dépend des conventions du mariage, ou de la coutume du lieu où le mariage eft contracté. Ce fera le fujet du titre suivant. Nous aurons l'occafion d'y parler de la féparation des biens & de la répétition de la dot que la femme a droit de demander dans le cas de la décadence des affaires de fon mari.

XI. Coquille dans fon Inftitution au Droit françois tit. des droits des mariés pag. 75. obferve qu'il y a trois cas où la femme peut efter en jugement fans l'autorité de fon mari: l'un fi elle eft appellée en jugement pour des injures ou un autre délit; le fecond fi elle eft marchande publique, au vu & fçu de fon mari; le troifieme fi elle est féparée de biens.

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TITRE IV.

Des Conventions matrimoniales, de la Dot,
Avantages nuptiaux.

des

I. Le contrat n'eft point de l'effence du mariage. Dans les Pays coutumiers où la communauté des biens entre les mariés & le douaire en faveur de la femme, font établis par la feule force de la Coutume & fans ftipulation, la Coutume fait le contrat. L'art. 22o. de la Coutume de Paris eft en ces termes : » Homme & femme conjoints >> ensemble par mariage, font communs en biens meubles >> & conquets immeubles faits durant & conftant ledit ma » riage, & commence la communauté du jour des épou» failles & bénédiction nuptiale. » Et l'art. 247 de la même coutume dit: » Femme mariée eft douée de douaire cou » tumier, posé que par exprès au traité de fon mariage, » ne lui eût été conftitué ni octroyé aucun douaire.

II. Il en eft autrement dans cette Province, qui eft régie par le droit écrit. S'il n'y a point de contrat, la femme conferve la libre difpofition de fes biens, & nulle charge, nulle obligation n'eft impofée fur ceux du mari.

III. S'il y a un contrat, les conventions des parties font pour elles des loix inviolables. Toutes fortes d'avantages y font permis entre les conjoints. Il est susceptible de toutes claufes, conditions & conventions, pourvu qu'elles ne foient pas contraires au Droit public & aux bonnes mœurs. On y peut déroger au droit pofitif on y peut renoncer à la Communauté. lorfqu'on contracte dans un lieu où la communauté des biens eft établie par la Coutume. Dans les Pays de Droit écrit, on peut convenir que le mari pourra aliéner le fonds dotal, & que l'aliénation en étant faite, il fera feulement débiteur du prix, & le fonds ne fera ni dotal, ni subsidiairement dotal. Le pacte eft valable par lequel il eft dit que le mari gagnera la dot ou une partie de la dot, comme l'a remarqué Ranchin

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