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TITRE IX

Des Sentences & Jugemens.

Il y a des Jugemens provifionnels, des Jugemens interlocutoires, des Jugemens définitifs.

II. Le Jugement provifionnel eft celui qui pendant l'inftruction adjuge une fomme ou quelque chofe par provifion à l'une des parties, ou ordonne que telle ou telle chose fera faite. La forme qu'on obferve dans les Jugemens provifionnels, eft d'ordonner qu'il fera poursuivi au principal, ainsi qu'il appartient; & cependant que fans préjudice du droit des parties, il fera adjugé, par maniere de provifion, une telle fomme; ou bien que par Experts convenus ou pris d'office il fera fait rapport de description de l'état des lieux, &c. Ces fortes de Jugemens ne préjugent point le principal.

III. Le Jugement interlocutoire eft celui qui prononçant fur le principal, ordonne qu'avant dire droit à la demande, fins & conclufions des parties, on vérifiera, ou prouvera tel ou tel fait. Par le Droit Romain, on ne pouvoit pas appeller avant la Sentence définitive, fuivant la Loi Ante fententia 7. C. quorum appellationes non recipiantur, & la glose fur cette Loi. Cujas dans fes Observations liv. 12. chap. 3. en rapporte deux raisons, l'une pour éviter la longueur des procès, l'autre, parce que le préjudice pouvoit être réparé en définitive. Il en eft autrement parmi nous. Les Sentences interlocutoires préjugent la caufe, & la partie qui y eft léfée en doit appeller, comme l'a remarqué Theveneau dans fon Commentaire des Ordonnances liv. 6. tit. 6. art. 1. » Autre eft, dit-il, la Jurifprudence >> françoise; car il faut appeller de tous interlocutoires, >> autrement ils font préjudice en la caufe.

IV. Il ne peut point y avoir d'appel des Jugemens rendus en dernier reffort. Les Jugemens interlocutoires de cette qualité préjugeront-ils la caufe? On tient communé

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ment qu'ils préjugent la caufe. Il y a néanmoins des Arrêts qui ont jugé que la queftion au fond pouvoit encore être agitée, & l'inutilité ou le préjudice de l'interlocution être réparés en définitive, fur-tout lorfque l'Arrêt ou le Jugement interlocutoire contient la claufe fans préjudice du droit des parties. Le Parlement d'Aix le jugea ainsi par Arrêt du 26 mars 1735, au rapport de M. de Beauval, en faveur de Charles Verdet, pour qui j'écrivois, contre Hode, Fermier des droits de directe de la ville de Manofque. Voyez les actions forenfes de Peleus liv. 6. art. 36. pag. 732. les Arrêts de Maynard liv. 7. chap. 17. V. Le Jugement définitif eft celui qui décide & termine la conteftation qui eft entre les parties, qui fait droit à la demande ou qui en déboute le demandeur.

VI. Les Jugemens qui ont paffé en force de chose jugée, font les Jugemens rendus en dernier reffort, & ceux dont il n'y a point d'appel ou dont l'appel n'eft pas recevable. C'est la difpofition de l'art. 5. de l'Ordonnance de 1667 tit. 27. de l'exécution des Jugemens.

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de Cancerius variarum refolutionum part. 1. chap. 14. n. 437 & 45: de maniere, dit-il, que le paiement ait été fait de trois années continues, & par trois paiemens diftincts de chaque année. Il en feroit autrement, & le paiement des années précédentes ne feroit pas présumé, fi le paiement des trois dernieres années avoit été fait en même tems & par une feule quittance: Cum eo tamen ut folutio fit facta tribus continuis annis, ac tribus folutionibus diftinctis, quolibet fcilicet anno fecùs fi interpolatim vel uno contextu fit fada unica folutio pro tribus annis, quia tunc non præfumitur pro præterito folviffe, nifi id probet. Voyez le Préfident Faber déf. 32. C. de folutionibus & liberationibus, Ranchin & Bornier decif. verb. Solutio art. 24. Defpeiffes tom. 3. des tailles, tit. 2. art. 14. fect. 1. n. 37. pag. 296. Catellan & Vedel liv. 3. chap. 28.

XI. Lorfqu'il s'agit de la difpofition d'un contrat ou d'un autre acte qui préfente des doutes on l'explique par l'obfervance qui s'eft enfuivie. On préfume que la difpofition eft telle qu'il paroît par l'ufage qu'on en a fait. Talis præfumitur titulus qualis apparet ufus. C'eft, la remarque de Bertrand vol. 1. part. 2. Conf. 126. n. 1. de Clapiers cauf. 23. quest. 3. n. 2. de Bellus Conf. 103. n. 12. de Sanleger refol. civil. chap. 68. n. 7. Le Cardinal de Luca dans fon Traité de Emptione difc. 9. n. 8. dit que l'obfervance eft la meilleure interprete de toutes les difpofitions & de la volonté des contractans, & la reine des interprétations Omnis difficultas ceffare videbatur ex fubfequutâ ob-fervantia, qua juxtà paffim receptam & quotidianam propofttionem, quâ nil in foro frequentius, omnium actuum, ac dispofuionum, etiam contractuum, feu contrahentium voluntatis eft optima interpres, ac interpretationum regina. Il dit la même chofe dans fon Traité de Judiciis difc. 21. n. 7. où il obferve qu'on n'a pas befoin, pour cette interprétation, ni du tems, ni des autres qualités qui feroient requifes pour la prefcription: Atque ifta fpecies alicujus determinati temporis fpatio : non indiget, minufque aliis requifuis præfcriptionis. Fagnan a fait la même obfervation fur le chap. 1. extrà de confuetudine n. 36.

XII. Si un jugement contient quelque difpofition obfcure ou ambigue, on doit l'entendre & l'expliquer felon le Droit & la matiere dont il s'agit. On préfume que l'intention du Juge a été telle qu'elle a dû l'être. C'eft la remarque de Du Moulin fur la coutume de Paris §. 60. glof. 1. in verb. par main fouveraine n. 16. Verba Judicis, etiam impropriando, fi opus fit, reducuntur ad intellectum juris & materia fubjecta; & talis ejus, fcilicet Judicis, mens præfumitur qualis effe debet. J'en ai rapporté des exemples dans mon Commentaire des Statuts de Provence tom. 2. part. 3. des Tailles fect. 3. n. 26. pag. 326. & tit. des Prescriptions, fect. 4. n. 14. pag. 548.

XIII. Il y a des préfomptions que les Docteurs appellent juris & de jure, qui font telles, que ce qu'on préfume paffe pour une vérité certaine, fans qu'il foit befoin d'autre preuve, & comme dit Mafcardus en fon Traité de Probationibus queft. 10. n. 48. Dicitur juris prafumptio quia c lege introducta fuit; de jure verò, quia fuper hâc præfumptione Lex firmum fancit jus & eam pro veritate habet. Il y en a d'autres qui ne font que des conjectures, & qui feules ne font pas paffer pour certain ce qui eft présumé. Voyez Mafcardus au lieu cité, Menoch dans fon Traité de Præfumptionibus.

XIV. La preuve qui réfulte de l'évidence du fait, est, comme difent nos Auteurs, la plus forte & la plus fûre. Nulla eft major nec certior probatio quam quæ fit per evidentiam rei, cùm res ipfa loquitur, dit le Préfident Faber déf. 5. C. ad L. Corneliam de falfis not. 7. liv. 9. tit. 13. d'Argentré fur la coutume de Bretagne art. 131. glof. 1. n. 2. dit pareillement, probatio que fit per rerum evidentiam omnem aliam fuperat. Voyez Mafcardus dans fon Traité de Probationibus queft. 8.

TITRE X.

Des Appellations.

'I. L'appel eft une voie ordinaire & néceffaire pour corriger l'injuftice des Sentences des premiers Juges, L. z. D. de appellationibus & relationibus. On eft obligé d'avoir recours à cette voie, parce que le Juge qui a rendu une Sentence ne peut pas la réformer lui-même, suivant la Loi Judex pofteaquam 55. D. de re judicatâ, & la Loi quia arbiter 20. D. de receptis qui arbitrium receperunt. Et l'on propofe pardevant le Juge d'appel les moyens de défense qui avoient été omis pardevant le premier Juge, & l'on rapporte les preuves qui n'avoient pas été rapportées, fuivant la regle du Droit non deducta deducam, non probata probabo, L. eos qui 6. §. 1. D de appellationibus & confultationibus, L. per hanc 4. C. de temporibus & reparationibus appellationum.

II. Régulierement l'appel a un effet fufpenfif. Il y a cependant des cas où l'exécution des Sentences des premiers Juges n'eft point fufpendue par l'appel. Dans les chofes concernant la police & les matieres fommaires, les Jugemens font exécutés nonobftant l'appel & fans y préjudicier, en donnant caution, fuivant les articles 12. 13. 14. & de l'Ordonnance de 1667 tit. 17. des matieres fommaires. Cette Ordonnance, au même titre, dans l'article 1. & les articles fuivans, marque quelles font les caufes qui font réputées matieres fommaires.

15.

III. Bornier fur l'Ordonnance de 1667 tit. des matieres Sommaires art. 14. & le nouveau Commentateur de cette Ordonnance fur l'art. 15. du même titre, obfervent que cette exécution provifoire des Sentences nonobftant l'appel n'a pas lieu pour les dépens. On juge au Parlement d'Aix qu'elle a lieu, tant pour les dépens que pour les autres difpofitions de la Sentence. Et cet ufage eft fondé fur l'art. 15. de l'Ordonnance de Provence du mois d'octobre 1535

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