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TITRE VIIL

Des Préfomptions.

I. Les Préfomptions font une forte de preuve. Ce font, difent nos Auteurs, des conféquences qu'on tire d'un fait certain & connu, pour faire connoître la vérité d'un fait incertain. J'en rapporterai ici quelques exemples.

II. S'il y a une contestation entre deux perfonnes pour la propriété d'un fonds, la préfomption eft en faveur de celui qui en a la poffeffion, & il y fera maintenu si l'autre ne prouve pas qu'il en ait le droit §. 4. Inft. de interdictis, L. poffeffiones 2. C. de probationibus. La Loi 128. D. de diverfis regulis juris dit in pari causâ possessor potior

haberi deber.

III. Tout ce que fe trouve avoir une femme, foit en argent ou en meubles, les fommes qu'elle a placées pendant le mariage, celles dont elle a fait des acquifitions de fonds, toutes ces chofes font préfumées provenir des biens du mari & lui appartiennent, à moins que la femme ou fes héritiers ne prouvent qu'elle les a eues d'ailleurs. C'est la décifion de la Loi Quintus Mutius 51. D. de donationibus inter virum & uxorem, & de la Loi etiamfi 6. au même titre du Code & la doctrine du Préfident Faber def. 36. & def. 41. C. de probationibus & præfumptionibus, de Ranchin decif. verb. uxor. art. 2. de Charondas liv. 13. refp. 100. de Defpeiffes tom. 1. pag. 279. n. 8. & les Arrêts l'ont ainfi jugé, Journal des Audiences tom. 4. liv. 4. chap. 31. Arrêt du 26 juillet 1689. Catellan liv. 4. chap. 5. Boniface tom. 4. liv. 5. tit. 14. chap. 2. Et la même préfomption à lieu pour ce que la femme acquiert après la mort du mari pendant l'année de deuil, comme l'ont remarqué Du Moulin fur les Confeils d'Alexandre vol. 2. conf. 82. Bornier fur les décifions de Ranchin verb. uxor. art. 2. Menoch de præfumptionibus lib. 3. præfumpt. 51. n. 22. Cancerius variar. refol. part. 1. chap. 9. n. 44. Par l'Arrêt rapporté par Du

a

perier tom. 2. aux Arrêts de M. de Coriolis fom. 61. il fut jugé que la difpofition de la Loi Quintus Mutius a lieu contre la veuve pendant l'année de deuil.

IV. Une autre préfomption importante pour l'état des perfonnes, eft que celui qui eft né d'une femme mariée & qui a été conçu durant le mariage, eft réputé le fils du mari, fuivant la Loi filium 6. D. de his qui fui vel alieni juris funt & la Loi miles 11. §. quæ propter 9. D. ad L. juliam de adulteriis, d'où s'est formée la maxime juftus eft filius quem nuptiæ demonftrant. La déclaration même contraire du pere & de la mere ne doit pas nuire à l'état de l'enfant, fuivant la Loi ait Prætor 3. §. 3. D. de jurejurando, la Loi Imperatores 29. S. mulier 1. D. de probationibus & præfumptionibus, la Loi non nudis 14. C. de probationibus. Voyez Mornac fur la Loi filium 6. D. de his qui fui vel alieni juris funt, Le Preftre cent. 3. chap. 34. Henrys tom. 3. liv. 6. qu. 38. le Journal des Audiences tom. 1. liv. 8. chap. 22. Arrét du 5 juillet 1655. tom. 2. liv. 3. chap. 7. Arrêt du 26 janvier 1664. tom. 4. liv. 10. chap. 16. Arrêt du 16 juillet 1695. les Arrêts de Soefve tom. 2. cent. 4. chap. 1. Le Brun des fucceffions liv. 1. chap. 4. fect. z. les Caufes célebres tom. 3. pag. 270. & fuiv. tom. 5. pag. 1. & fuiv. tom. 6. pag. 329. & suiv.

V. Dans les queftions concernant les abfens dont on n'a point de nouvelles, on allégue communement la regle que T'homme eft préfumé vivre cent ans. On cite la Loi an ufusfructus 56. D. de ufufructu, la Loi fi ufusfructus 8. D. de ufu & ufufructu, & la Loi ut inter 23. C. de facrofanctis Ecclefiis, qui difent que cent ans font le tems le plus long de la vie de l'homme, longiffimum vitæ hominis tempus. Il eft vrai cependant, comme l'a remarqué Mornac fur la loi derniere C. de facrofanctis Ecclefiis, que parmi plufieurs mille hommes, à peine en trouve-t-on un feul qui parvienne à cet âge: Ubi de vitâ hominis agitur, vix eft ut ex millibus plurimis inveniatur qui centum annos impleat. Et il y a peu de matieres où il y ait eu autant de variations dans les fentimens des Docteurs & dans la jurisprudence des Arrêts. Voyez Bartole fur la Loi 2. §. fi dubitetur

bitetur D. quemadmodum teflamenta aperiantur, & dans fon Traité teftimoniorum §. mortuum n. 37. Du Moulin fur la Coutume de Paris tit. 1. §. 1. glof. 2. in verb. par faute n. 4. & fur les Confeils d'Alexandre vol. 5. conf. 1. verb. vivere, Choppin fur la Coutume de Paris liv. 2. tit. 5. n. 25. Coquille queft. 48. Le Preftre & Gueret cent. 4. chap. 90. Ricard des difpofitions conditionnelles chap. 5. fect. 4.. n. 366. & fuiv. Le Brun des fucceffions liv. 1. chap. 1. fect. 1. Ferriere fur l'art. 318. de la Coutume de Paris n. 9. & fuiv. tom. 4. col. 683. & fuiv. Henrys & Bretonnier tom. 2. fuite du liv. 4. queft. 160. Bretonnier dans fes questions de Droit verb. abfent, les Arrêtés de M. de Lamoignon tit. des abfens, le Journal des Audiences tom. 1. liv. 2. chap. 14. Arrêt du 7 juillet 1629. chap. 145. Arrêt du 2 janvier 1634; & tom. 4. liv. 3. chap. 4. Arrêt du 9 mars 1688. De Cormis tom. 1. col. 1793. & fuiv. chap. 16.

VI. Lorsqu'on fe fonde fur la mort de quelqu'un pour recueillir fa fucceffion ou pour d'autres causes, il faut la prouver, comme l'a remarqué Peregrinus de fideicommiffis art. 43. n. 37. Fundans intentionem fuam fuper morte alicujus, illam probare debet. Et fi l'on ne la prouve pas, l'absent eft réputé vivant & n'eft préfumé mort qu'après fa centieme année. Toutefois pour empêcher la diffipation des biens & les conferver dans les familles, il a été établi qu'après un certain tems les plus proches parens de l'abfent duquel on n'a point de nouvelles, pourroient demander le partage provifionnel de fes biens, à la charge de les rendre s'il venoit à paroître. Voyez Chenu fur les Arrêts de Papon liv. 15. tit. 7. art. 6. Le Preftre & Gueret cent. 4. chap. 90. Lapeyrere lett. M. n. 54. & lett. P. verb. partage, Catellan & Vedel liv. 2. chap. 58. Boniface tom. 2. liv. 1. tit. 23. chap. un. le Traité des fucceffions de M. de Montvalon tom. 1. chap. 1. art. 10. Mais quel eft le tems après lequel le partage provisionnel peut être demandé? Les uns difent après cinq ans d'absence, d'autres après fept ans, d'autres après neuf ans, d'autres après dix ans. Le Brun dans fon traité des fucceffions liv. 1. tit. 1. fect. I. n. 8. eftime que cela doit être laiffé à l'arbitrage du Juge

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qui examinera les circonftances. A l'égard des femmes des abfens, elles peuvent agir pour leurs conventions matrimoniales; mais elles ne peuvent contracter un fecond mariage que fur des preuves certaines de la mort de leurs maris, fuivant le chapitre in præfentia 19. de fponfalibus & matrimonio, & le chapitre dominus 2. de fecundis nuptiis, aux Décretales. Et pour ce qui eft du mariage des enfans de l'abfent, il faut voir ce que j'ai écrit au liv. 1. tit. 2. du mariage n. 26.

VII. Mais lorsqu'on veut faite agir l'absent dont on n'a point de nouvelles, lui faire recueillir des fucceffions ou acquerir d'autres droits, on doit prouver fon existence & qu'il a été vivant au tems où ces droits font échus. C'est le fondement de la demande. On doit par conféquent en rapporter la preuve. Et par la même raison que lorfqu'on fe fonde fur la mort de quelqu'un, on doit la prouver, lorfqu'on fe fonde fur la vie & l'existence d'un abfent, on doit la prouver auffi. Qui fuper vitâ fundat fe, debet quoque de vitâ probare, dit Peregrinus de fideicommiffis art. 43. n. 37. De maniere que dans ce cas la regle que l'homme eft préfumé vivre cent ans, n'a pas lieu. C'eft ce qu'a fort bien remarqué Cancerius variar. refol. part. 3. chap. 1. n. 221. Contraria fententia, dit-il, eft verior, quia regula illa quod quis præfumitur vivere centum annos, non habet locum cum quis agendo fe fundat in vitâ alicujus; tunc fiquidem tenetur probare quod vivat. C'eft le fentiment d'Olivier Eftienne dans fon Traité des Hypotheques chap. II. pag. 60. & fuiv. Cela paroît vrai à l'égard des héritiers de l'abfent. Mais pour ce qui eft de fes créanciers, il y a des Arrêts qui ont jugé que l'absent étoit présumé vivant, & ont reçu fes créanciers à fe payer fur la légitime ou les droits fucceffifs échus depuis fon abfence. Le Parlement de Paris le jugea ainfi par l'Arrêt du 7 juillet 1629, rapporté dans le Journal des Audiences tom. I. liv. 2. chap. 14. & par un autre Arrêt du 13 février 1672, rapporté dans le Journal du Palais part. I. pag. 178. La même chose fut jugée par l'Arrêt du Parlement de Rouen du 12 mars 1655, rapporté par Bafnage fur l'art. 235, de la Coutume de Normandie tom. 1.pag. 397. par lequel

un abfent depuis dix ans fut présumé vivant, & fon créancier reçu à se faire payer fur la fucceffion à lui échue depuis fon abfence.

VIII. Lorfqu'il s'agit de deux perfonnes comme le pere & l'enfant, la mere & l'enfant qui ont péri dans un même incendie, un même naufrage, les ruines d'une maifon ou d'autres accidens, à faute de preuve certaine, on a recours aux préfomptions pour déterminer lequel eft mort le premier & regler l'ordre des fucceffions. On tire ces préfomptions des circonftances du fait, de l'âge, de la force, du fexe des perfonnes. Voyez Covarruvias variar. refol. lib. 2. cap. 7. Menoch de præfumptionibus lib. 6. præf. 50. Peregrinus de fideicommiffis art. 43. n. 53. & fuiv. Ricard des Difpofitions conditionnelles chap. 5. fect. 5. n. 570. & fuiv. Le Brun des Succeffions liv. 1. chap. 1. fect. 1. n. 13. & fuiv. Duperier tom. 1. liv. 4. queft. 9. & tom. 2. aux Arrêts de M. de Coriolis fom. 3. les Arrêts de Bouguier lett. C. fom. 4. l'Arrêt du 9 février 1629 & celui du 10 mai 1655, rapportés dans le Journal des Audiences tom. 1. liv. 2. chap. 33. & liv. 8. chap. 18. les Difcours de M. l'Avocat Général de Gueidan tom. 1. difc. 4.

IX. Lorsque le débiteur de la taille présente trois quittances confécutives des tailles des trois dernieres années, on préfume qu'il a payé les tailles des années précédentes, à moins qu'il n'y eût des preuves du contraire. C'eft la décifion de la Loi Quicumque 3. C. de apochis publicis, en ces termes: Cùm probatio aliqua ab eo tributaria folutionis expofcitur, fi trium cohærentium fibi annorum apochas, fecurita tefque protulerit, fuperiorum temporum apochas non cogatur of tendere, neque de præterito ad illationem functionis tributarie coerceatur, nifi fortè aut curialis, aut quicumque apparitor, vel optio, vel actuarius, vel quilibet publici debiti exactor five compulfor poffefforum, vel collatorum habuerit cautionem, aut id quod repofcit deberi fibi manifeftâ geftorum adfertione patefecerit.

X. Les Docteurs ont appliqué la décifion de cette Loi à l'emphytéote qui produit trois quittances confécutives du cens des trois dernieres années, & généralement à tous les autres débiteurs de rentes ou penfions annuelles. C'eft l'avis

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