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TITRE X.

Du Gage, de l'Antichrefe & de l'Hypotheque.

I. Le gage eft un contrat par lequel une chofe mobiliaire du débiteur est mife dans les mains de fon créancier

pour la fûreté de la dette à la charge de la rendre en efpece lorsque la dette fera payée.

II. Ce contrat eft en faveur de l'une & de l'autre partie, utriufque gratiâ: du débiteur, afin qu'on lui prête plus facilement du créancier afin que fa créance foit plus affurée. C'eft pourquoi le créancier faifi du gage, eft moins obligé que le commodataire & plus que le dépofitaire. Il fuffit qu'il apporte un foin exact à conferver le gage; & fi après cela le gage vient à périr, il n'en eft point tenu, §. 4. Inft. quibus modis re contrahitur obligatio, L. ea igitur 14. D. de pignoratitia actione. Ces différences font établies par le Droit Romain, mais elles dérivent d'un Droit plus ancien, l'équité & la raifon naturelle, comme l'a remarqué Grotius de jure belli ac pacis liv. 2. chap. 12. n. 13. In pignore (dit-il) ut & in locato media via fequenda eft, ut qui rem accepit, nec de cafu quovis teneatur, ut commodatarius, & majorem tamen diligentiam quam depofuarius præftare debeat : quia pignoris acceptio eft quidem gratuita, fed accedere folci contractui onerofo. Que omnia Romanis quidem congruunt le gibus, fed non ex illis primitùs, fed ex æquitate naturali ve

niunt.

III. Si le créancier n'est point payé de ce qui lui eft dû au tems convenu, pourra-t-il vendre le gage? Suivant la Loi fi convenit 4. D. de pignoratitia actione, le créancier pouvoit vendre le gage de fa propre autorité s'il avoit été convenu entre les parties qu'il le pourroit vendre même quoiqu'il n'y eût point de pareille convention; & dans le cas où il auroit été convenu que le gage ne pourroit point être vendu, le créancier le pouvoit vendre après trois interpellations faites au débiteur. Et par la Loi der

niere §. 1. C. de jure dominii impetrando, à laquelle fe rapporte le §. 1. Inft. quibus alienare licet vel non, il fut ordonné que les pactes convenus entre les parties touchant la vente. du gage, feroient obfervés ; & que s'il n'y avoit point de pacte, le créancier auroit la permiffion de vendre le gage après deux ans depuis la dénonciation qu'il auroit faite au débiteur, ou la Sentence du Juge. Par l'usage qui eft obfervé en France, le créancier peut faire vendre le gage après le terme auquel le gage doit être racheté & la dette être payée, mais il ne le peut faire que par l'autorité de la Juftice & partie appellée, & la vente doit être faite à l'encan public par un Sergent, comme l'ont remarqué Loyfeau du Déguerpiffement liv. 3. chap. 7. n. 2. Defpeiffes tom. I. part. 1. tit. 9. fect. 3. n. 17. pag. 228.

IV. Le créancier à qui un meuble a été donné en gage eft préférable fur ce meuble à tous autres créanciers, même antérieurs, L. procuratoris 5. §. quid tamen 8. D. de tributaria aclione, L. infulam 13. D. qui potiores in pignore vel hypothecâ habeantur, Choppin fur la Coutume de Paris liv. 3. tit. 3. n. 13. Mornac fur la Loi fi non Dominus 14. D. qui potiores in pignore vel hypothecâ habeantur, Bornier fur l'art. 8. de l'Ordonnance du Commerce de 1673, tit. 11. des faillites, Boniface tom. 2. liv.. 4. tit. 3. chap. 1. & tom. 4. liv. 8. tit. 20. chap. 5.

V. L'antichrefe eft un contrat par lequel le débiteur met un héritage dans les mains de fon créancier, avec ce pacte que le créancier en jouira, & que les fruits lui appartiendront pour l'intérêt de la fomme qui lui eft due, jufques à ce qu'il en foit payé : la Loi fi is 11. §. 1. D. de pignoribus & hypothecis, dit que l'antichrefe eft mutuus pignoris ufus pro credito.

VI. On a douté fi l'antichrefe devoit avoir lieu en France, ou s'il falloit rejetter ce contrat comme ufuraire. L'opinion la plus généralement reçue eft que ce contrat eft permis. Voyez Du Moulin contrad. ufurar. queft. 35. les Opufcules de Loifel pag. 111. & fuiv. Louet & Brodeau lett. P. fom. 8. 9. 10. 11. & 12. Catellan liv. 5. chap. 1. Boniface tom. 4. liv. 8. tit. 11. chap. 1. Au

geard tom. 1. fom. 53. Bretonnier fur Henrys liv. 4. quest. 47. n. 9. tom. 2. pag. 358.

rens,

VII. C'eft une queftion où il y a eu des Arrêts difféfi les fruits peuvent excéder l'intérêt légitime, ou fi la compensation des fruits ne fe peut faire qu'à concurrence de l'intérêt, de maniere que l'excédant des fruits s'impute au principal. Il eft décidé dans la Loi fi ex pactione 14. & dans la Loi fi eâ Lege 17. C. de ufuris, que dans l'antichrefe expreffe les fruits peuvent excéder l'intérêt légitime; & c'eft l'avis du Préfident Faber dans fon Traité de erroribus pragmaticorum décad. 9. err. 5. n. 1o. à caufe, dit-il, de l'incertitude des fruits qui peuvent être au def fous de l'intérêt légitime, & même manquer entiérement: Quia potuit & minùs effe & interdùm etiam fortaffe nihil; & cette incertitude, ajoute-t-il, fait ceffer tout foupçon de fraude: Eaque & eventus & æftimationis fructuum incertitudo tollit omnem fraudis fufpicionem. Voyez Catellan, Boniface, Augeard aux lieux ci-deffus cités. M. de Catellan obferve que les circonftances peuvent aider à régler & à déterminer la décifion fur cette matiere.

VIII. On compare le contrat d'antichrefe au contrat de vente à pacte de rachat. Il y a néanmoins une grande différence de l'un à l'autre. L'engagifte ne prefcrit jamais tant qu'il poffede fous ce titre & en cette qualité, comme l'ont remarqué Du Moulin fur la Coutume de Paris §. 12. verb. Prescription n. 15. & Duperier tom. 2. décif. liv. 1. n. 79. Et la faculté de rachat réfervée dans un contrat de vente, même avec la claufe à perpétuité & toutes les fois qu'on voudra, fe prefcrit par trente ans, comme l'atteftent le Président Faber déf. 3 & 18. C. de præfcript. 30 vel 40 annorum, Louet & Brodeau lett. P. fom. 21, Dunod des Prescriptions part. 1. chap. 12. pag. 90 & fuiv. Dans l'antichrefe le pacte qu'on appelle la Loi commiffoire, portant qu'après un certain tems l'engagement fera un titre tranflatif de propriété, eft un pacte nul & réputé ufuraire fuivant la Loi derniere C. de pactis pignorum & de Lege commifforiâ, & dans la vente à pacte de rachat, s'il a été ftipulé que le rachat pourroit être exercé dans un certain

tems moindre de trente ans, comme de dix ans ou d'un terme plus court, le rachat n'eft plus reçu après le terme dont on eft convenu fuivant les Arrêts du Parlement d'Aix rapportés par Boniface tom. 4. liv. 8. tit. 2. chap. 10. comme l'attefte De Cormis tom. 1. col. 922. chap. 49. & tom. 2. col. 1525 & fuiv. chap. 55. Au Parlement de Touloufe le rachat conventionnel n'eft prefcrit que par 30 ans, quoiqu'on ait ftipulé un terme plus court, comme l'a remarqué M. de Catellan liv. 3. chap. 32. & liv. 7. chap. 3.

IX. L'hypotheque eft l'obligation par laquelle les biens du débiteur font obligés & affectés à fon créancier pour la sûreté de la dette. Il y a cette différence entre le gage & l'hypotheque, que par le gage le débiteur met la chofe qui lui appartient dans les mains de fon créancier pour l'affurance de la dette, & par l'hypotheque le débiteur retient la poffeffion des biens qu'il oblige en faveur de fon créancier. C'est ce qui eft exprimé dans le §. 7. Inft. de actionibus en ces termes : Pignoris appellatione eam propriè rem contineri dicimus, quæ fimul etiam traditur creditori, maximè fi mobilis fit. At eam quæ fine traditione nudâ conventione tenetur, propriè hypothecæ appellatione contineri dicimus.

X. Par l'hypotheque tous les biens du débiteur foit meubles ou immeubles font obligés. Mais les meubles n'ont point de fuite par hypotheque quand ils ont été aliénés & ne font plus en la poffeffion du débiteur, comme l'ont remarqué Delommeau dans fes Maximes du Droit françois liv. 3. fom. 14. Mr. de Saint Jean, décif. 31. n. 5, Bafnage Traité des Hypotheques chap. 9. pag. 94. Au contraire les immeubles peuvent être fuivis par hypotheque contre les tiers acquéreurs, lorfque le débiteur & fes cautions, s'il y en a, font infolvables. C'est un droit réel qui les fuit en quelques mains qu'ils paffent.

XI. Il y a trois fortes d'hypotheques : l'hypotheque contractuelle qu'on acquiert par un acte paffé pardevant Notaire, l'hypoteque judiciaire qu'on acquiert par une Sentence ou un Jugement, & l'hypotheque légale ou tacite

qui a lieu par la difpofition de la Loi fans convention des parties.

XII. Les créanciers hypothécaires font payés fur les biens de leurs débiteurs fuivant l'ordre du tems & la datte de leurs hypotheques. Celui qui eft le premier passe avant ceux qui viennent après lui. On y fuit la regle qui prior eft tempore, potior eft jure. Cette regle n'a pas lieu pour les dettes privilégiées. Les privileges ne fe réglent pas par l'ordre du tems, mais par leur caufe, comme dit la Loi privilegia 16. D. de privilegiis creditorum: Privilegia non ex tempore æftimantur, fed ex causâ. Ainfi les frais de Justice, les frais funéraires, ceux de la derniere maladie font alloués dans l'ordre des créanciers avant les autres dettes quoiqu'antérieures, L. fcimus 22. §. in computatione 9. C. de jure deliberandi, L. impenfa 45. D. de religiofis & fumptibus funerum. Un pareil privilege a lieu en faveur des ferviteurs domeftiques pour leurs gages de la derniere année feulement. Le Parlement d'Aix le jugea ainfi dans l'ordre des créanciers de M. le Comte de Grignan par Arrêt du 29 janvier 1729. qui confirma le Jugement de la Chambre des Requêtes du Palais. Le créancier à qui un meuble a été donné en gage, eft préféré fur ce meuble aux autres créanciers, quoiqu'antérieurs, comme il eft dit ci-dessus n. 4: le vendeur fur le fonds vendu pour le prix qui lui en est dû, comme je l'ai remarqué au titre du contrat de vente n. 22: celui qui a fait des fournitures & des dépenfes pour la confervation d'une chofe, fur la chose qu'il a confervée, L. interdum 5. L. hujus 6. D. qui potiores in pignore vel hypothecâ habeantur, Faber déf. 7. C. qui potiores in pignore habeantur, Defpeiffes tom. 1. pag. 683. n. 8. & fuiv. Journal des Audiences tom. 7. liv. 2. chap. 14.

XIII. Ceux des deniers defquels une dette hypothécaire est payée, ne peuvent entrer en la place & acquérir l'hypotheque du créancier que par la fubrogation à fes droits. La fubrogation eft le changement d'un créancier en un autre créancier, par lequel les droits de l'ancien créancier qui eft payé, passent à celui qui a fourni les deniers pour le payement. Il y a deux forres de fubroga,

Yy

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