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XV. L'héritier par bénéfice d'inventaire fera-t-il reçu à répudier l'hérédité? C'eft la plus commune opinion qu'il y doit être reçu en rendant compte des effets héréditaires & des jouiffances qu'il a eues. La raifon en eft qu'il n'a point contracté avec les créanciers & les légataires, & qu'il n'y a point de confufion de fes biens & de fes droits avec ceux du défunt. C'eft le fentiment de Mornac fur la Loi 11. §. dernier, D. de interrogationibus in jure faciendis, & fur la Loi in commodato 17. §. voluntatis D. commodati, de Ferriere fur les Œuvres de Bacquet des Droits de Juftice chap. 15. n. 34. de Lapeyrere lett. H. n. 9. Ce fentiment paroît être le mieux fondé, quoique Loyfeau dans fon Traité du Déguerpiffement liv. 4. chap. 1. n. 1o. & fuiv. ait été d'un avis contraire. Et la queftion s'étant préfentée au Parlement d'Aix en 1687, au procès de M. de Perier, Conseiller au Parlement, il intervint Arrêt par lequel il fut reçu à répudier une hérédité prife par bénéfice d'inventaire depuis plufieurs années.

XVI. Mais l'héritier qui a pris l'héritage par bénéfice d'inventaire n'y pourra pas renoncer & fe porter pour héritier pur & fimple malgré les créanciers. L'inftance de bénéfice d'inventaire étant ouverte, le droit en eft acquis aux créanciers dont les pourfuites ne peuvent être arrêtées que par le paiement effectif des fommes qui leur font dues. C'eft ainfi que le Parlement le jugea au rapport de M. de Chenerilles par Arrêt du 28 avril 1732 qui confirma la Sentence du Lieutenant en la Sénéchauffée d'Aix du 21 juillet 1731 en faveur de Dominique Lourd de la ville de Pertuis pour qui j'écrivois, contre Dlle. Therese Martelly. La même chofe fut jugée par Arrêt de la Chambre des Vacations du Parlement du 30 feptembre 1746, en faveur de Dame Elifabeth de Caftellane, veuve du Sr. LouisJules de Valavoire, contre le Sr. Honoré-Renaud de Valavoire, Seigneur de Valavoire & Dame Philis de Pontis.

XVII. C'est une queftion qui a été fouvent agitée fi un teftateur pouvoit prohiber à fon héritier de prendre fon héritage par bénéfice d'inventaire. Cujas fur la Loi derniere C. de jure deliberandi, eftime que le teftateur le

peut

peut. Et c'est le fentiment de Rolandus à Valle de inventario part. 5. queft. 28. de Peregrinus de fideicommiffis art. 11. n. 76. Mais le plus grand nombre a été d'un avis contraire. Et plufieurs Arrêts ont jugé fuivant cet avis, fur le fondement que le droit de prendre l'hérédité par bénéfice d'inventaire eft un bénéfice de la Loi, qui ne peut pas être prohibé à l'héritier. Il y a l'Arrêt du Parlement de Paris du 7 juillet 1625. rapporté par Henrys tom. 3. liv. 5. qu. 30. par Bardet tom. I. liv. 2. chap. 50. & dans le Journal des Audiences tom. 1. liv. 1. chap. 62. & ceux qui font rapportés par Ferrerius fur la queft. 352. de Guy Pape, La Roche-Flavin liv. 6. tit. 55. art. 1. Chorier en fa Jurifprudence de Guy Pape liv. 3. fect. 7. art. 2. n. 3. pag. 208. Expilly chap. 170. Barry de fucceffionibus liv. 11. tit. 9. n. 6. Catellan liv. 2. chap. 44. C'eft le fentiment de Le Brun des Succeffions liv. 3. chap. 4. n. 5.

XVIII. Toutefois lorfqu'il ne s'agit pas fimplement de la prohibition du bénéfice d'inventaire & qu'à la prohibition le teftateur ajoute que fon héritier fera privé de fon hérédité, s'il ne l'accepte purement & fimplement, nommant dans ce cas un autre héritier fous la même condition. Plufieurs ont eftimé que c'eft une difpofition conditionnelle qui doit produire fon effet. C'eft l'avis du Président Faber déf. 43. C. de jure deliberandi, qui dit qu'il en eft de cette condition, comme de la condition s'il ne monte pas au Capitole, fi in Capitolium non ascenderit. Et le même Auteur rapporte un Arrêt rendu par le Sénat de Chambery, les Chambres affemblées, qui le jugea ainfi : Senatus convocatis claffibus, pronuntiavit valere prohibitionem. C'eft le fentiment de Lapeyrere lett. H. n. 21. de Bretonnier fur Henrys liv. 5. queft. 30. n. 9. >> ce que (dit ce dernier ) le teftateur ne peut pas faire >> directement, il le peut faire indirectement, en ordon>> nant à l'héritier inftitué d'accepter fa fucceffion pure>>ment & fimplement, finon & faute de ce faire, infti» tuer un autre héritier ». Et Henrys au même endroit n. 4. rapporte une Sentence du Préfidial de Lyon qui jugea que la prohibition étoit valable, quand il y a un

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fecond héritier inftitué, faute par le premier de fatisfaire à la condition. Ce fentiment eft encore appuyé de cette confidération que le bénéfice d'inventaire donne lieu à bien des fraudes & à bien des abus au préjudice des créanciers, comme l'ont remarqué Loyfeau dans fon Traité du déguerpiffement liv. 2. chap. 3. n. 14. Henrys liv. 6. queft. 11. n. 3. le Préfident Faber déf. 43. C. de jure deliberandi.

XIX. Quand un majeur de vingt-cinq ans a répudié judiciairement ou par un autre acte, un héritage ou un legs, pourra-t-il être reftitué envers fa répudiation, & reprendre l'héritage ou demander fon legs? C'est une regle de droit qu'en matiere de répudiation d'un héritage ou d'un legs, faite par une personne majeure, il n'y a plus de retour: Remittentibus jura fua non datur regreffus. Cette regle néanmoins fouffre une exception en faveur des enfans. Ils font reftitués envers la répudiation qu'ils ont faite de l'héritage de leur pere ou de leur mere, ou des legs que leur pere ou leur mere leur ont faits. Les Arrêts qui l'ont ainfi jugé font rapportés par Boniface tom. 2. liv. 1. tit. 19. chap. un. & tom. 5. liv. 1. tit. 25. chap. 6.

XX. Par le Droit Romain fi l'héritier, foit teftamentaire ou légitime, mouroit avant l'ouverture du testament ou fans avoir fait acte d'héritier, il ne recueilloit pas la fucceffion & ne la tranfmettoit pas à fes héritiers. On confidéroit la capacité de l'héritier principalement au tems de l'adition de l'hérédité. Et cum adit hæreditatem, effe debet cum eo teftamenti facio, five purè, five fub conditione hæres inftitutus fit; nam jus hæredis eo maximè tempore infpiciendum eft, quo acquirit hæreditatem, dit le §. 4. Inft. de hæredum qualitate & differentiâ. C'eft auffi la décifion de la Loi cum hæredes 23. D. de acquirendâ vel amittendâ poffeffione. Les defcendans furent néanmoins exceptés de cette difpofition pour la fucceffion de leurs pere & mere, ou autres afcendans. Il eft décidé dans la Loi unique C. de his qui antè apertas tabulas hæreditatem tranfmittunt, que les enfans & les autres defcendans inftitués héritiers par leurs pere & mere, ou autres afcendans, venant à mourir avant l'ouverture du testa

ment, foit qu'ils fçuffent qu'ils étoient héritiers, ou qu'ils l'euffent ignoré, tranfmettoient leur droit à leurs enfans. Nous tenons en France, fans diftinction des enfans & defcendans & des héritiers étrangers, que tout héritier teftamentaire ou légitime furvivant au défunt, recueille fa fucceffion, & venant à mourir fans avoir fait acte d'héritier, la tranfmet à fes fucceffeurs. C'eft la regle le mort faifit le vif: c'est-à-dire, que dès l'inftant de la mort du défunt fon héritier eft rendu maître & poffeffeur de fes biens, quoiqu'il n'ait fait aucun acte pour en prendre poffeffion. Et cette regle a lieu tant pour les Pays de Droit écrit, que pour les Pays Coutumiers, comme l'ont remarqué Benedicti fur le chap. Raynutius verb. mortuo itàque teftatore 2. n. 71. Papon dans fes Arrêts liv. 21. tit. 6. n. 1. & 2. Tiraqueau dans fon Traité le mort faifit le vif part. 1. déclarat. 2. n. 1. & fuiv. Godefroy fur la Loi cum hæredes 23. D. de acquirendâ vel amiuendâ poffeffione, Loifel Inftitutes coutumieres liv. 2. tit. 5. art. 1. Ferriere fur l'art. 318. de la Coutume de Paris, Duperier dans fes Maximes de Droit tit. de la Subftitution vulgaire. Ce dernier obferve que l'héritier teftamentaire ayant furvécu au teftateur fans avoir toutefois fait acte d'héritier l'hérédité fera transmise à l'héritier de cet héritier, & non au fubftitué vulgairement.

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TITRE XIII.

Des Legs.

I. Après avoir parlé des inftitutions d'héritier & des fubftitutions, il convient de parler des legs. Le legs eft une efpece de donation faite par le défunt, & dont la délivrance doit être faite par l'héritier, donatio quædam à defundo relicta, ab hærede præftanda §. 1. Inft. de legatis. Ces mots ab hærede præftanda, ne font point dans la Loi legatum 36. D. de legatis 2°. où le legs eft défini donatio teftamento relida, ni dans les Institutes de Théophile au titre de legais où le legs eft défini donatio à defuncto relida. Sur quoi Fabrot dans fes notes fur les Institutes de Théophile dit que ces mots ab hærede praftanda, ne font point dans les Livres anciens ni dans les Institutes de Théophile : Illa verba, ab hærede præftanda, nec Libri veteres, nec Theophilus agnofcunt. Il eft cependant vrai que le légataire doit recevoir la chofe léguée de la main de l'héritier.

II. Cette regle néanmoins a des exceptions, & le léga taire peut prendre de fa propre autorité la poffeffion de la chofe léguée; premiérement fi le teftateur l'a ainsi ordonné, & que la chofe léguée confifte en corps héréditaire qui foit en la poffeffion du teftateur fuivant la Doctrine de Guy Pape queft. 609. 2°. Si le légataire a été institué héritier en la chofe léguée, fuivant le Préfident Faber déf. 4. C. de hæredibus inftituendis, & Duperier dans fes Maximes de Droit tit. de l'inftitution teftamentaire. 3°. Lorsque l'immeuble légué tient lieu de légitime, fuivant Ferrerius fur la queft. 609. de Guy Pape.

III. Le légataire & le fideicommiffaire devant demander le legs & le fideicommis à l'héritier, il s'enfuit que les intérêts ou les fruits n'en font dus que du jour de l'interpellation judiciaire. C'eft la décifion des Loix qui font fous le titre du Code de ufuris & fructibus legatorum feu fideicommiforum. Il faut excepter de cette regle le legs qui tient

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