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condamnés à des dommages & intérêts. La queftion se préfenta entre Marie Julien veuve de Pierre Roux, & les hoirs de Me. Roubion Notaire de la ville de Colmars. Il s'agiffoit d'un teftament nul, parce qu'il n'y avoit que cinq témoins. L'héritiere inftituée demandoit des dommages & intérêts contre les héritiers du Notaire. Ils en furent déchargés par Arrêt du 12 mai 1755, au rapport de M. d'Esclapon. XLIII. Il faut remarquer que pour la forme des teftamens, on doit fuivre la Loi ou la Coutume du lieu où l'acte eft paffé; & pour la capacité de tefter, la Loi ou la Cou tume du domicile du teftateur. Voyez mon Commentaire des Statuts de Provence tom. I. fur l'Edit des Donations n. 6. & fuiv. pag. 187. & fuiv. & tit. du Droit de retour des Dots & des Donations n. 28. & fuiv. pag. 519.

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TITRE VIII.

Quelles font les perfonnes à qui il n'eft pas permis de tefter.

I. Toutes fortes de perfonnes ne peuvent pas tefter; & premiérement le fils de famille ne peut pas faire un testament. Cette faculté n'eft donnée qu'aux peres de famille par la Loi des douze Tables, Tab. 5. Pater familias uti legafit fuper pecunia tutelæve fuæ rei, ità jus efto. Et le fils de famille ne peut pas faire un teftament même avec la permiffion pere. Princ. Inft. quibus non eft permissum facere teftamentum. La raifon en eft que les teftamens font de Droit public: Teftamenti factio non privati, fed publici juris eft, L. 3. D. qui teftamenta facere poffunt.

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II. Mais le fils de famille peut faire une donation à cause de mort avec la permiffion de fon pere, fuivant la Loi tam is 25. §. 1. D. de mortis caufâ donationibus; & s'il a fait un teftament avec la claufe que fi l'acte ne vaut comme teftament, il vaudra comme codicile ou donation à caufe de mort, le teftament vaut comme donation à caufe de mort. Le Parlement d'Aix le jugea ainfi par l'Arrêt du 4 juin 1701, rapporté par M. Debezieux liv. 6. chap. 4. §. 1. pag. 412. Cette claufe ne peut pas être fuppléée, & au défaut d'une claufe pareille ou équivalente, le teftament feroit nul, comme il fut jugé au rapport de M. du Bourguet par Arrêt du 12 juin 1770, confirmatif de la Sentence du Lieutenant de Draguignan, en faveur de Cyprien Deprat du lieu du Bauffet, contre Louis Leotard du lieu de Vidauban.

III. Le fils de famille, autorifé par fon pere à faire une donation à caufe de mort, la peut faire en faveur du pere ou de fes freres, enfans du même pere, ou de toute autre perfonne, comme l'ont remarqué Sanleger refol. civil. chap. 63. n. 25. Ferrerius fur la qu. 223. de Guy Pape. L'Arrêt

ci-deffus cité du 4 juin 1701, rapporté par M. Debezieux, le jugea ainfi.

IV. Mais la donation faite par le fils de famille en faveur de fon pere ou d'autres perfonnes, ne peut être valable quand elle eft faite au préjudice des enfans du donateur. Les Arrêts qui l'ont ainfi jugé, font rapportés par M. de St. Jean décif. 57. Boniface tom. 1. liv. 7. tit. 10. chap. 1. & tom. 2. aux Additions chap. 3. de Cormis tom. 1. col. 1690. chap. 84. & tom. 2. col. 1089. & suiv. ch. 57. Mais par la derniere Jurifprudence, la donation à caufe de mort n'eft pas cenfée faite au préjudice des enfans du fils de famille donateur, lorfqu'ils font chargés de fubstitution, au cas feulement où ils décéderont fans enfans. Il y en a un Arrêt rendu dans des circonftances remarquables fur le fait fuivant. Antoine Vieil de la ville de Marfeille, avoit donné fa fille en mariage à Jean-Baptifte Amy, fous une conftitution de dot de 6000 liv. De ce mariage nâquirent deux filles. Leur mere brouillée avec fon mari, fe retira dans la maison paternelle, où fe trouvant malade, elle fit avec la permiffion de fon pere, une donation univerfelle à caufe de mort en faveur de fes deux filles, les fubftituant réciproquement l'une à l'autre ; & venant l'une & l'autre à mourir fans enfans, elle leur fubftitua Lazare-Auguftin Vieil fon frere; & elle légua une penfion de 150 liv. à fon pere, jufqu'à ce que fes filles fuffent mariées, attendu, dit-elle, les grandes pertes que fon pere avoit faites. La donante étant décédée & fes deux filles étant auffi décédées après elle, Lazare-Auguftin Vieil demanda la fubftitution, & JeanBaptifte Amy la caffation de la donation. Par Sentence arbitrale la donation fut caffée; mais par Arrêt du 24 octobre 1709, prononcé par M. le Préfident du Chaine, fur les conclufions de M. l'Avocat Général de Gaufridy, la Sentence arbitrale fut mife au néant, la donation confirmée & la fubftitution ouverte.

V. Ce qu'on vient de dire que le fils de famille ne peut pas tefter, & qu'il ne peut pas faire une donation à caufe de mort fans la permiffion de fon pere, n'a pas lieu pour le pécule militaire ou quafi militaire du fils de famille. Il

en peut difpofer par teftament ou par tout autre acte de derniere volonté, & fans avoir befoin du confentement de fon pere, comme je l'ai remarqué au liv. 1. tit. 5. de la puiflance paternelle n. 6. & fuiv.

VI. Les impuberes ne peuvent pas tefter, parce qu'ils n'ont point encore un jugement formé, §. 1. Inft. quibus non eft permiffum facere teftamentum. Mais ceux qui ont atteint l'âge de puberté, c'est-à-dire, les mâles à l'âge de quatorze ans accomplis, & les filles à l'âge de douze ans auffi accomplis, peuvent difpofer de leurs biens par teftament ou par quelque autre acte de derniere volonté. Il n'en eft pas de même dans les Pays coutumiers, où les Coutumes exigent un âge plus avancé pour pouvoir tefter. Dans les lieux où les Coutumes n'ont point parlé de l'âge requis pour tefter, les anciens Arrêts avoient jugé qu'on devoit suivre la difpofition du Droit Romain. Mais par les derniers Arrêts, il a été jugé qu'on devoit avoir recours à la Coutume de Paris. Voyez l'Arrêt du Parlement de Paris du 5 avril 1672, rapporté dans le Journal du Palais part. 1. pag. 1. & fuiv. celui du même Parlement du 31 janvier 1702, rapporté par Augeard tom. 1. fom. 29.

VII. Les infenfés ne peuvent point tefter, parce qu'ils n'ont pas l'usage de la raifon, quia mente carent; mais s'ils ont recouvré leur bon fens, le teftament qu'ils auront fait dans des intervalles lucides, fera valable. Et quant au tef tament que l'infenfé a fait lorfqu'il jouiffoit de sa raison & avant de tomber dans la démence, ce teftament fera bon §. 1. Inft. quibus non eft permiffum facere teftamentum, L. furiofum 9. C. qui teftamenta facere poffint, L. in ambiguis 85. §. z. D. de diverfis regulis juris.

VIII. Celui qui attaque un teftament fur le fondement que le teftateur étoit dans la démence, fera-t-il reçu à en faire la preuve par témoins? Suivant la derniere Jurifprudence du Parlement d'Aix, la preuve par témoins est reçue, fans commencement de preuve par écrit, pourvu que les circonftances du fait & des preuves écrites ne s'opposent pas à l'admiffion de cette preuve. J'ai rapporté les différens Arrêts intervenus fur cette queftion, dans mon Commen

taire des Statuts de Provence tom. 1. fur l'Edit des Donations n. 9. 10. & 11. pag. 189. & fuiv. Mais s'il s'agit d'un testament fait par un teftateur qui étoit tombé dans la démence & que celui qui foutient le teftament prétende qu'il a été fait dans de bons intervalles, c'eft à lui à en rapporter la preuve. Le Parlement le jugea ainfi par Arrêt d'Audience, du 21 juin 1779, entre François & Louis Negrel & Philippe Verny, en qualité de légitime administrateur de fes enfans, demandeurs en exploit libellé, tendant à faire caffer le teftament d'Antoine Negrel, & Jofeph Arnaud & Catherine Maurin, veuve d'Antoine Negrel défendeurs. Il s'agiffoit d'un teftateur interdit pour caufe de démence, qui avoit testé depuis fon interdiction. Les parties qui foutenoient le teftament furent chargées de prouver que le teftateur étoit dans fon bon fens, avant, lors & après le teftament; & partie au contraire.

IX. Le prodigue interdit ne peut pas tefter. Mais le teftament qu'il avoit fait avant l'interdiction, eft valable. §. 2. Inft. quibus non eft permiffum facere teftamentum, L. is cui 18. D. qui teftamenta facere poffunt; le prodigue eft comparé à l'infenfé; & comme dit la Loi 40. D. de diverfis regulis juris, l'un ni l'autre n'ont point de volonté : Furiofi vel ejus cui bonis interdictum fit, nulla voluntas eft. Mais il y a cette différence entre l'infenfé & le prodigue, que l'infenfé eft incapable de tefter dès l'inftant qu'il a été faifi de cette maladie d'efprit; au contraire, le prodigue n'eft incapable de tester que du jour de la Sentence d'interdiction ou de la premiere procédure que les parens ont faite pour le faire pourvoir d'un curateur, Ricard des Donations part. 1. chap. 3. fect. 3. n. 145. & fuiv.

X. Suivant la Novelle 39. de l'Empereur Léon, le teftament du prodigue doit être exécuté, lorfqu'il a testé comme un homme fage & judicieux. Les Novelles de cet Empereur n'ont point l'autotité de Loi parmi nous. Toutefois des Arrêts du Parlement de Touloufe fe font conformés à cette Novelle, Maynard liv. 7. chap. 19. Cambolas liv. 5. chap. 50. Il femble que fans avoir recours aux Novelles de Léon, la décifion de ces Arrêts peut être fondée fur les Loix

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