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ÉLÉMENS

DE

JURISPRUDENCE.

I.

DE LA JUSTICE ET DU DROIT.

A Justice eft une vertu morale. C'est la volonté

1. La fermetic conftante de rendre à chacun ce qui lui

&

appartient: Conftans & perpetua voluntas jus fuum cuique tribuendi, princ. Inft. De Juftitiâ & Jure.

II. La Jurifprudence eft la connoiffance des choses divines & humaines, la fcience de ce qui eft jufte & de ce qui eft injufte: Divinarum atque humanarum rerum notitia, jufti atque injufti fcientia, §. 1. du même titre.

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III. Il y a trois préceptes généraux du Droit : vivre honnêtement ne faire tort à perfonne, rendre à chacun ce qui lui appartient: Honeftè vivere, alterum non lædere fuum cuique tribuere, §. 3. du même titre. Le premier précepte renferme ce qu'on fe doit à foi-même : ne faire rien que d'honnête, rien qui bleffe les loix & les bonnes mœurs Primò ut honeftè vivat, id eft non turpiter, non diffolutè, non

libidinosè, comme dit Janus à Cofta fur ce 6. Le fecond & le troifieme embraffent ce qu'on doit aux autres: ne faire injure à perfonne, soit par des paroles ou par des actions, rendre à chacun ce qui lui appartient, reftituer le dépôt qu'on nous a confié, payer ce qu'on doit, ne rien retenir du bien d'autrui, comme dit le même Auteur : Deindè ne neminem lædat aut verbis, aut facto, id eft ne vitam ulli adimat, aut honorem injectâ injuriâ: tùm ut fuum cuique tribuat, putà depofitum reddat, debitum folvat, nihilque de rebus alienis retineat.

IV. Il y a un grand précepte de Droit qui nous eft tracé dans les Livres Saints (*): C'eft de faire à l'égard des autres ce que nous voudrions qu'on fît pour nous de ne pas faire aux autres ce que nous ne voudrions pas qu'on nous fit: Quod tibi non vis fieri, alteri ne feceris. Du Moulin fur la Coutume de Paris, §. 1. glof. 9. in verb. Pendant ladite main mife n. 21, dit que c'eft la regle qu'on doit fuivre pour juger de la juftice ou de l'injuftice des contrats: Hac eft mihi lex in difcernendâ contractuum juftitiâ vel injuftitiâ.

V. Le Droit fe divise en Droit public & en Droit privé. Le Droit public eft celui qui regarde la Religion, le Gouvernement, la police de l'Etat, la perfonne des Princes, la Guerre, la Paix. Nous avons fur le Droit public le fameux Traité de Grotius, De jure belli ac pacis, celui de Pufendorf, du Droit de la Nature & des Gens, le Traité de la Souveraineté du Roi de M. Lebret, & plufieurs autres. Le Droit privé est celui qui regarde l'utilité des particuliers: Quod ad fingulorum utilitatem pertinet, §. 4. Inft. de juftitiâ & jure.

VI. Une autre division du Droit, eft en Droit naturel, Droit des gens & Droit civil. Le Droit naturel, dit Justinien, Inft. de jure naturali, gentium & civili, eft celui que la nature a enfeigné à tous les animaux, jus naturale eft quod natura omnia animalia docuit. Ce Droit eft commun aux hommes & aux bêtes; de là naît l'union du mâle & de la fe

(*) Sc. Mathieu, chap. 7, Ý. I2. St. Luc, chap. 6, Ý. 3 1.

melle, l'éducation des enfans pour les hommes, l'instinct des bêtes pour élever leurs petits.

VII. C'est par ce Droit que les peres & les meres font obligés de donner des alimens à leurs enfans: & de là vient que la légitime due aux enfans nés de légitime mariage, eft regardée comme une dette naturelle qui ne peut être ôtée par les loix humaines, parce que les alimens néceffaires y font compris, comme l'a dit Grotius, de jure belli ac pacis, liv. 2. chap. 7. n. 4. legitimam humanis legibus tolli non poffe, quatenus fcilicet in legitimâ infunt alimenta neceffaria.

VIII. L'obligation de donner des alimens aux enfans qu'on a mis au monde dérivant du droit naturel, il s'enfuit que les alimens font dûs, non feulement aux enfans nés d'un légitime mariage, mais encore aux enfans naturels & non feulement aux enfans naturels nés de deux perfonnes libres, mais encore aux enfans adultérins & inceftueux. Les mœurs des Romains étoient fi féveres, qu'en accordant des alimens aux enfans naturels nés de deux perfonnes libres, ils les refufoient aux bâtards adultérins & incestueux; mais le Droit Canonique a corrigé cette rigueur; & toute forte de bâtards, même les adultérins & les inceftueux, font en droit de demander des alimens fuivant le chap. Cum haberet 5. extrà de eo qui duxit in matrimonium quam polluit per adulterium. C'eft la remarque de Grotius au lieu cité, en ces termes : Et quanquam ex damnato legibus concubitu natis, nihil relinqui Leges romanæ volebant, Canones Chriftianæ pietatis hunc rigorem correxerunt, qui docent qualibufcumque liberis id rectè relinqui; imò fi opus fut, relinquendum etiam, quod ad alimenta neceffarium eft.

IX. Mais fi les enfants naturels ont de quoi vivre d'ailleurs, s'ils ont un métier par lequel ils puiffent gagner leur vie, fi aliundè habent undè vivant, ils ne font plus recevables a demander des alimens à leur pere ou à leur mere, quand même ils feroient nés de deux perfonnes libres. C'est ainfi que l'ont jugé les Arrêts rapportés par Louet, lett. A, fom. 4.

X. Le Droit des Gens eft celui que la raifon naturelle

a établi parmi les hommes, & qui eft commun à toutes les Nations: Quod verò naturalis ratio inter omnes homines conftituit, id apud omnes peræquè cuftoditur, vocaturque jus genium quafi quo jure omnes gentes utuntur, §. 1. Inft. de Jure naturali, gentium & civili. C'est auffi un Droit que l'usage & les befoins ont introduit parmi les hommes: Ufu exigente, & humanis neceffitatibus, gentes humanæ jura quædam fibi conftituerunt §. 2 du même titre. De ce Droit des Gens font defcendus prefque tous les contrats, comme l'échange, la vente, le louage, la fociété, le dépôt, le prêt &c.; de là auffi font nées les guerres, les captivités & les fervitudes, qui font contraires au Droit naturel, fuivant lequel les hommes naiffent libres : Bella orta funt & captivitates fecuta, & fervitutes quæ funt naturali juri contrariæ. Ĵure enim naturali omnes homines ab initio liberi nafcebantur, dit le même §. 2. C'est la remarque de Grotius, dans fon Traité de Jure Belli ac Pacis, liv. 3. chap. 7. n. 1. où il dit que naturellement & indépendamment du fait des hommes, ou dans l'état primitif de la nature humaine, il n'y a point d'efclaves ; & c'eft dans ce fens, ajoute-t-il, qu'on peut admettre ce que difent les Jurifconfultes Romains, que l'esclavage eft contraire à la nature: Servi naturâ quidem, id eft citrà factum humanum, aut primavo naturæ ftatu hominum, nulli funt: quo fenfu rectè accipi poteft quod à Jurifconfultis dictum eft, contra naturam effe hanc fervitutem.

XI. Le Droit civil eft celui qui eft propre à un Etat, à une Province, à une Ville. On le divife en Droit écrit & en Droit non écrit. Les Loix Romaines font le Droit écrit. Le Droit non écrit eft celui que l'ufage a introduit ; la Coutume a la même autorité que la Loi écrite : Sine fcripto jus venit quod ufus approbavit ; nam diuturni mores confenfu utentium comprobati, legem imitantur, §. 9. Inft. de Jure naturali, gentium & civili. Notre Droit civil eft composé des Loix Romaines, qui forment notre Droit commun, des Statuts de nos anciens Souverains, de nos Coutumes, des Ordonnances de nos Rois. Voyez la Préface de mon Commentaire fur les Statuts de Provence.

XII. Le Droit civil est sujet à des changemens & à des

variations. Mais les principes du droit naturel font invariables: Naturalia quidem jura quæ apud omnes gentes peræque obfervantur, divinâ quâdam providentiâ conftituta, femper firma atque immutabilia permanent, S. 11. Inft. de Jure naturali, gentium & civili.

XIII. Il faut néanmoins obferver avec Grotius, dans fon Traité de Jure Belli ac Pacis, liv. 2. chap. 2. n. 5. que quoique les Loix civiles ne puiffent rien commander qui foit défendu par le Droit naturel, ni rien défendre de ce qu'il commande, elles peuvent toutefois reftraindre la liberté naturelle, & défendre ce qui naturellement étoit permis: Lex civilis quanquam nihil poteft præcipere quod jus naturæ prohibet, aut prohibere quod præcipit, poteft tamen libertatem naturalem circumfcribere & vetare quod naturaliter li

cebat.

XIV. Le Droit a trois objets : les perfonnes, les choses & les actions: Omne jus quo utimur, vel ad perfonas pertinet, vel ad res, vel ad actiones, §. 12. Inft. de Jure naturali gentium & civili, L. 1. D. de Statu Hominum. Tout le Droit roule ou fur la matiere ou fur la forme des Jugemens. Les droits qu'une perfonne a fur une autre, ceux qu'on a fur les chofes, en font la matiere; les actions & les procédures, en font la forme.

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