Page images
PDF
EPUB

Maîtres, deviendront-ils libres fuivant la maxime générale du Royaume, que tout efclave qui y aborde eft affranchi de la fervitude? Il eft décidé que le Maître conferve fes droits fur fon efclave, en rempliffant les formalités portées par l'Edit du mois d'octobre 1716. Il est dit dans l'art. II, que fi les propriétaires veulent amener en France avec eux des efclaves Negres, pour les fortifier davantage dans notre religion, & pour leur apprendre en même tems quelque art & métier dont les Colonies puiffent tirer quelque utilité par le retour des efclaves, ces propriétaires feront tenus d'en obtenir la permiffion des Gouverneurs généraux ou Commandans dans chaque Isle; laquelle permiffion contiendra le nom du propriétaire, celui des efclaves, leur âge & leur fignalement. Et l'art. III ordonne que les propriétaires de l'efclave feront pareillement obligés de faire enrégiftrer ladite permiffion au Greffe de la Jurifdiction du lieu de leur réfidence avant leur départ, & en celui de l'Amirauté du lieu du débarquement, dans huitaine après leur arrivée en France. Mais fi quelqu'une de ces formalités a été omife, l'efclave arrivé en France y devient libre & affranchi de la puiffance du Maître, comme il fut jugé par la Sentence des Juges de l'Amirauté, rapportée, avec les Plaidoyers des Avocats des Parties & celui du Procureur du Roi, dans le tom. XIII des Caufes Célebres, pag. 526 & suiv.

XIII. Nous divifons les perfonnes en naturels François, & en étrangers ou aubains. Les naturels François font ceux qui font nés dans le Royaume, & les enfans des naturels François font réputés tels, quoique nés hors du Royaume, s'ils viennent faire leur demeure en France. Les étrangers ou aubains font ceux qui font nés hors du Royaume. Ils ne peuvent point recueillir des fucceffions teftamentaires ou légitimes en France, ni y difpofer de leurs biens à caufe de mort & par des actes de derniere volonté, & leur fucceffion appartient au Roi par droit d'aubaine, à moins qu'ils n'euffent des enfans nés & demeurans dans le Royaume.

XIV. Mais ce droit d'aubaine ceffe, fi l'aubain a ob

tenu du Roi des Lettres de naturalité enrégistrées en la Chambre des Comptes. Il eft alors réputé naturel François. Il en eft de même, fuivant l'Edit du Port franc de Marseille du mois de mars 1669, des étrangers qui ont pris parti à Marseille, & époufé une fille du lieu, ou qui y ont acquis une maifon qu'ils ont habitée, ou qui y ont fait un commerce affidu pendant le temps porté par cet Édit.

XV. Le droit d'aubaine, comme contraire au Droit naturel & au Droit des gens, a été aboli entre la France & plufieurs autres États par Lettres patentes de nos Rois. On peut voir ce que j'ai écrit fur ce fujet dans mon Commentaire fur les Statuts de Provence, tom. I. pag. 29 & fuiv. n. 49. & fuiv.

XVI. Nous divifons les perfonnes comme dans le Droit Romain, en celles qui font indépendantes, fui juris; & celles qui font dépendantes & fous la puiffance & l'autorité d'un autre, alieni juris, princ. Inft. de his qui fui vel alieni juris funt. Les peres de famille font les perfonnes indépendantes. Les femmes font fous l'autorité & la puiffance de leurs maris, les enfans de famille fous la puiffance de leur pere; mais comme cette autorité & cette puiffance dérivent du mariage légitimement contracté, nous parlerons tout premiérement du mariage.

TITRE II.

Du Mariage.

I. Le mariage eft l'engagement de l'homme & de la femme, pour vivre enfemble dans l'union conjugale : Matrimonium eft viri & mulieris conjunctio individuam vitæ confuetudinem continens, §. 1. Inflit. de Patriâ poteftate; ou comme dit la Loi 1. D. de ritu nuptiarum, c'eft une fociété pour toute la vie, la communication du Droit divin & humain, confortium omnis vita, divini & humani juris communicatio. Il eft d'inftitution divine. C'eft un contrat naturel & civil que la Loi de l'Evangile a élevé à la dignité de Sacrement.

II. Par ces mots individuam vite confuetudinem continens confortium omnis vita, les Jurifconfultes n'ont pas entendu que le mariage fût indiffoluble pendant la vie des conjoints car le mariage étoit rompu chez les Romains par le divorce & la répudiation; de forte que le mari pouvoit époufer une autre femme, & la femme un autre mari. Les divorces & les répudiations eurent lieu même fous les Empereurs Chrétiens, comme on le voit par les Loix qui font fous le titre du Digefte de Divortiis & Repudiis, & fous celui du Code de Repudiis & judicio de moribus fublato, & dans la Novelle 117. chap. 8. & fuiv. Mais les Jurifconfultes Romains, dans la définition du mariage, se sont rapportés à l'intention des contractans & à l'objet que se propofent ceux qui fe marient, comme l'observe M. Cujas dans fes Notes fur les Inftitutes: Quia eo animo & vota contrahitur ut nunquam dirimatur.

III. La pureté des mœurs chrétiennes n'a pas permis qu'un mariage légitimement contracté pût être diffous pendant la vie des deux conjoints. Ni leur confentement, ni aucune autre cause ne peut rompre ce lien indiffoluble, fuivant les paroles de l'Evangile, quod Deus conjunxit homo non feparet. Il ne peut être rompu que par la mort de l'un

des conjoints: Quæ fub viro eft mulier, vivente viro alligata eft legi. Si autem mortuus fuerit vir ejus, foluta eft à lege viri, dit St. Paul ad Roman. cap. 7. y. 2. De là Grotius de Jure belli ac pacis liv. 2. chap. 5. n. 11. obferve qu'une femme ne peut époufer un autre mari, jufqu'à ce que la mort du premier ait rompu leur engagement, donec mors vinculum diffolverit: ce qu'il faut entendre de la mort naturelle & non de la mort civile. Par la mort civile, les effets civils du mariage ceffent, la femme reprend fa dot, mais le nœud du mariage fubfifte, & les conjoints confervent toujours les droits naturels que toute la puiffance des hommes ne peut détruire; & enfin les caufes de divorce & de répudiation énoncées dans la Loi 8. C. de Repudiis, & dans la Novelle 117. chap. 8. & fuiv. ne peuvent produire tout au plus parmi nous qu'une féparation de corps & de biens, comme l'a remarqué Perezius fur le titre du Code de Repudiis, n. 9.

IV. Cet engagement indiffoluble ne peut fe former qu'en y obfervant ce qui eft ordonné par les Loix de l'Eglise & de l'Etat.

V. Suivant les Loix Romaines il ne pouvoit y avoir de Mariage légitime qu'entre Citoyens romains: Juftas Nuptias inter fe cives romani contrahunt, Inft. de Nuptiis. Les citoyens romains ne pouvoient époufer des esclaves ou des étrangeres, comme dit Cujas fur le titre des Inftitutes de Nuptiis: Cum fervis vel cum latinis aut peregrinis eives romani connubium non habent. Un Romain ne pouvoit époufer qu'une Romaine, dit Rofinus dans fon traité Antiquitatum Romanarum liv. 5. chap. 37. pag. 603. Primum hoc fciendum Romanum non nifi Romanam ducere potuiffe: & fous le nom de citoyen romain, on entendoit non-feulement ceux qui avoient leur domicile à Rome, mais encore ceux qui y avoient obtenu le droit de cité, comme le rapporte le même Auteur: Romanos hic intelligimus non eos tantùm qui in urbe Româ domicilium habuerunt & vixerunt, fed eos etiam qui jure civitatis donati, rogatione aliquâ hoc jus impetrarunt, ut ipfis Romanas ducere & viciffim filias fuas Romanis nuptum dare liceret.

VI. Bacquet dans fon Traité du Droit d'Aubaine, part. 1. chap. 5. n. 6. & dans celui du Droit de Bâtardife part. 1. chap. 2. n. 3. rapporte qu'anciennement en France les bâtards & les aubains ne fe pouvoient marier à perfonne autre que de leur condition, fans la permission du Roi ou de fes Officiers; mais cela ne s'observe plus, & la liberté est entiere de contracter mariage entre les naturels François & les aubains, les légitimes & les bâtards, comme l'a remarqué Defpeiffes, tom. 1. part. 1. fe&t. 1. n. 8. pag. 251.

VII. Toutefois il y a des perfonnes dont l'état eft tel, qu'il ne leur eft pas permis de fe marier, & dont le mariage eft nul ou ne produit aucuns effets civils.

VIII. A l'égard des uns, le mariage est absolument nul. Tels font les Religieux & les Religieufes qui ont fait des vœux folemnels de chafteté dans une religion approuvée. Le mariage leur est interdit par les Constitutions Canoniques, notamment par le chap. meminimus 3. extrà qui clerici vel voventes matrimonium contrahere poffunt, & le Concile de Trente feff. 24. can. 9. Il en eft de même des Eccléfiaftiques qui font engagés dans les Ordres facrés de SousDiaconat, de Diaconat, de Prêtrife, parce qu'il y a un vœu tacite, mais folemnel de chafteté qui eft attaché à la réception des Ordres facrés. C'est la décision du Canon 9. du Concile de Trente, ci-deffus cité. Voyez Fevret dans fon Traité de l'Abus liv. 5. chap. 3. n. 21. & fuiv. Hericourt dans fes Loix eccléfiaftiques part. 3. chap. 5. art. 2. n. 9 & II.

IX. Le mariage eft auffi nul par l'impuiffance de l'un des conjoints. Les impuiffans d'une impuiffance perpétuelle font incapables de mariage, fuivant le chap. Accepifti 1. & le chap. Ex litteris 3. extrà de frigidis & maleficiatis. Voyez Fevrét Traité de l'Abus liv. 5. chap. 4. Hericourt au lieu ci-deffus cité n. 58 & fuiv.

X. La différence de Religion eft un empêchement en matiere de mariage, fuivant le Droit Canonique & le Droit François. On diftinguoit autrefois les hérétiques tolérés par les Loix du Royaume, d'avec les Juifs & les infideles. A

« PreviousContinue »