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FEmpire, les empereurs en préféroient le séjour à celui de toutes leurs autres villes.

Après l'établissement du christianisme, Milan fut encore ravagée par Attila, roi des Huns, qui alla ensuite attaquer et renverser Rome. Milan avoit dès lors un archevêque, qui la fit rebâtir. Environ un siècle après, les Goths ou Lombards la détruisirent de nouveau ; et ce furent encore ses archevêques qui la firent sortir de ses ruines. Mais cette fois ils travaillèrent pour eux. Le roi des Lombards ayant fixé son séjour à Pavie, et négligé Milan, ces bons prélats en profitèrent pour se mettre à la tête du gouvernement. Ils commençoient à s'affermir dans cette domination peu évangélique, lorsque l'empereur Charlemagne conquit l'Italie, et détruisit le royaume des Lombards. Il avoit la foiblesse de croire que les prêtres pouvoient, sáns blesser l'esprit de la religion, gouverner autre chose que les consciences. Il laissa donc aux archevêques de Milan la puissance qu'ils avoient usurpée, et qui s'accrut bientôt au point qu'ils se regardèrent comme indépendans, non seulement des empereurs, mais des papes. Pendant les guerres sanglantes et scandaleuses qui déchirèrent alors I'Italie, l'évêque de Milan fut toujours armé contre celui de Rome. Cela lui réussit moins mal que de l'être contre l'empire. Les Milanais, poussés par leur prélat, ayant offensé l'empereur Frédéric-Barberousse, et même insulté l'impératrice sa femme, il ruina leur viile de fond en comble en 1162, et fit même, dit-on, passer la charrue sur ses ruines. Il la releva lui-même quelque temps après; elle ne tarda pas à redevenir florissante; mais les empereurs d'Allemagne ayant cessé de dominer en Italie, ce fut pour Milan la fin du règne des archevêques.

Quelques familles anciennes et nobles du Milanais s'emparèrent ensuite successivement de la souveraineté. Jean Galéas Visconti s'en rendit maître dans le quatorzième siècle. C'est à lui que cette belle contrée doit en partie ses agrémens et sa fertilité. Des plaines immenses étoient couvertes de marais qui les rendoient incultes et inhabitables; il y fit creuser des canaux, ой

les eaux s'écoulèrent, et qui rendirent en même temps l'air salubre, et la terre féconde. Ses successeurs continuèrent après lui le dessechement; opération tou jours et par-tout importante pour la richesse et la santé des peuples. Les princes des autres Etats démembrés de l'ancienne Lombardie, suivirent cet exenple; et toute cette vaste contrée, où des marais infects avoient jusqu'alors repoussé l'agriculture et ruiné la population, devint, à cette époque, populeuse et fertile comme elle l'a toujours été depuis.

Par malheur pour la France, un de ces Visconti donna sa fille Valentine en mariage au duc d'Orléans, second fils de notre roi Charles V, avec la condition expresse, que si la postérité mâle des ducs de Milan venoit à manquer, le duché appartiendroit à Valentine eu à ses enfans. Le cas arriva dès la seconde génération: le petit-fils du duc d'Orléans et de Valentine étant monté sur le trône sous le nom de Louis XII, il revendiqua les droits que lui donnoit sur le Milanais le manque de fils légitimes dans la famille Visconti. Mais un soldat de fortune, bâtard de la maison des Sforce, qui avoit épousé une bâtarde du dernier duc de Milan, s'étant fait, à ce titre, un parti considérable, et appuyé de tout le crédit de l'archevêque, s'étoit emparé de la souveraineté. Louis XII ne le regarda que comme un usurpateur, et lui déclara la guerre. La conquête de ce beau pays fut rapide, sa perte ne le fut pas moins. François Ier. voulut, après Louis XII, réclamer les mêmes droits; il eut d'abord les mêmes succès, et bientôt les mêmes revers: il en eut même de plus fâcheux. Ayant combattu en personne, il fut vaincu, fait prisonnier, et mené captif en Espagne. Ainsi les trésors et le sang des Français furent, pendant vingt-cinq années, versés en Italie, parce qu'un prince italien avoit donné par contrat un pays et des peuples qui ne lui appartenoient pas, à un prince français qui n'en avoit que faire.

Dans cette guerre, les Sforces avoient été soutenus par Charles-Quint, chef de la maison d'Autriche, empereur d'Allemagne, et roi d'Espagne en même N°. 27. Seconde année.

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temps. Le dernier de cette famille des Sforce étant mort, Charles-Quint s'empara du duché, qui est resté depuis à la maison d'Autriche, et qui lui appartient encore.

Pavie est après Milan la ville la plus considérable de cet état; Lodi et Crémone ont aussi de l'importance. Cette dernière est dans la partie du duché la plus voisine de celui de Mantoue, qui, après avoir eu pendant plusieurs siècles des princes particuliers, est aussi allé se fondre dans les immenses possessions de la maison d'Autriche. Mantoue, qui en est la capitale, est une des plus anciennes qui existent, puisque, selon quelques historiens, elle étoit bâtie plusieurs siècles avant Rome. Piétola, petit village près de Mantoue, et qu'on nommoit autrefois Aridès, est à jamais célèbre par la naissance du plus grand des poètes latins, de Virgile, dont les villageois ne doivent pas ignorer le nom, puisque dans ces temps reculés il a fait un beau poème sur l'agriculture.

Le Mantouan est resté à peu près tel qu'il étoit sous les anciens ducs de Gonzague; mais le Milanais a perdu plusieurs parties de son territoire, qui en ont été démembrés, soit en faveur des Suisses, soit surtout en faveur du roi de Sardaigne. Il est dans l'ordre des choses possibles qu'il soit un jour réuni tout entier aux états de ce monarque: peut-être même le temps n'est-il pas éloigné où toutes les possessions de la maison d'Autriche en Italie retourneront, d'après le vœu des peuples, à des princes italiens, jusqu'au moment où les peuples seront assez éclairés pour ne se donner à aucun prince, pour se constituer à la française, et, comme nous, ne reconnoître plus de souverain que la loi.

A droite du duché de Mantoue, sont ceux de Parme et de Plaisance, réunis dans un même état, qui n'a que vingt lieues de longueur, autant de largeur, et soixante de circonférence. Des montagnes de l'Apennin dont il est proche, découlent quelques rivières et une infinité de ruisseaux limpides qui le traversent pour aller se perdre dans le Pô. Quelques-unes sont navigables une partie de l'année, et le commerce en retire alors de grands avantages; mais souvent

aussi elles y portent obstacle, parce qu'ayant la rapi dité, la mobilité des torrens, et coulant sur un terrein très-plat, elles l'inondent et interceptent les commu

nications.

On connoît peu les révolutions qu'éprouva ce pays depuis la chute et le démembrement de l'empire romain. Les papes étant parvenus à la souveraineté temporelle, vinrent à bout de se former un état, qu'ils nommèrent état de l'église; comme si l'église qu'ils appeloient toujours sainte et universelle, pouvoit avoir en quelque lieu du monde une domination particulière et un gouvernement profane. Le duché de Parme fut compris dans cet état; Paul III, qui étoit de la famille Farnèse, et qui avoit été marié avant d'être pape, le céda en souveraineté à son fils Pierre-Louis Farnèse, sous les conditions féodales de vassalité et d'une redevance annuelle. Les descendans de ce pape ont gouverné Parme et Plaisance jusques dans ce siècle, où le dernier prince de cette famille étant mort sans enfans, la reine d'Espagne, qui étoit une Farnèse, hérita du duché, et en transporta la souveraineté à la branche de la maison de Bourbon régnante en Espagne.

Les Parmesans, sans être, consultés, eurent donc pour souverains des princes espagnols, parce qu'une princesse italienne avoit épousé un roi d'Espagne : et remarquez que dans le même temps les Espagnols étoient soumis à un prince né français, parce que leur dernier roi lui avoit légué toute la monarchie espagnole, ou les lui avoit légués eux-mêmes, sans leur consentement, comme on donne par testament une terre, une maison, un meuble ou un troupeau.

Parme est une grande et belle ville située sur la rivière de Parma, qui lui a sans doute donné son nom; elle est assez peuplée; les habitans y sont industrieux; la campagne, fertile en blé, en vins, en pâturages, ressemble à un vaste jardin bien cultivé; l'abondance des mûriers y fait de la soie un des principaux objets de commerce. La ville de Plaisance, capitale du duché réuni à celui de Parme, est

fort ancienne, et paroît avoir été fondée par une Colonie romaine, dans les premiers siècles de la République; les Goths, et ensuite les différens partis, aussi barbares que les Goths et les Vandales, qui déchirèrent l'Italie après la destruction de l'empire, la prirent et reprirent, la ruinèrent, la rétablirent, la possédèrent, et se l'arrachèrent tour à tour pendant plusieurs siècles, jusqu'au moment où, réunie aux états du pape, elle fut donnée par lui aux Farnèses.

En parlant de cette ville ét de Parme, et de toutes les autres villes des nombreux états d'Italie, je ne dis rien des palais, des monumens, des églises, des tableaux, des statues, ni de tous les chef-d'œuvres des arts qu'on y trouve en abondance; tout cela fait peu de chose pour le bonheur des villageois italiens, et doit intéresser fort peu ceux de France. La description du pays, ses productions, quelques traits de son gouvernement, de son histoire et du caractère de ses habitans; voilà ce qui peut leur plaire, les instruire, et sur tout contribuer à leur bonheur, en leur apprenant à comparer le sort des autres peuples avec celui dont la révolution française les destine à jouir.

A l'orient du duché de Parme, est situé celui de Modène; la ville du même nom, qui en est la capitale, est très-ancienne, et passe pour avoir été bâtie par une Colonie romaine. Elle éprouva le même sort que les autres villes d'Italie, pendant les guerres qui signalèrent le renversement de l'empire. Les Lombards la relevèrent après l'avoir détruite. Conquise par eux, par Charlemagne, elle reprit ensuite sa liberté ; mais trop foible pour la défendre contre des ennemis puissans, elle fut tour à tour soumise aux empereurs, aux papes, à la république de Venise, aux ducs de Milan, à ceux de Mantoue et de Ferrare. Les princes de la maison d'Este en acquirent enfin la souveraineté au treizième siècle, et ils la possèdent encore. Mais l'unique héritière de ces états, qui ont été agrandis à plusieurs époques, et qui forment, par leur étendue et leur richesse, un patrimoine considérable, ayant épousé un frère, des deux derniers empereurs, Joseph et Léopold, ce patrimoine est destiné à se

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