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plus belle des actions chez un peuple qui ne peut assurer sa liberté que par un respect religieux pour la loi. Les patriotes iront visiter le tombeau du maire d'Etampes, et ils en rapporteront des idées de vertu.

COLONIES.

Qu'on se rappelle ce que nous avons dit dans le No. 35 de notre première année, sur les contestations entre les colons blancs et les hommes de couleur libres et propriétaires. Alors nous applaudissions à la ssgesse de l'assemblée constituante qui, le 15 mai, avoit rendu à ces derniers leurs droits politiques. Nous annonçions que cette justice de la loi pouvoit seule arrêter l'orage de calamités qui menaçoient la colonie de Saint-Domingue. Ce décret arriva trop tard; l'insurrection des nègres éclata; le carnage et l'incendie ravagèrent une portion de l'île, les hommes de couleur reclamèrent en vain l'exécution du décret; le gouvernement étoit entre les mains des blancs; ils disposoient des troupes et des agens du pouvoir exécutif les mulâtres virent qu'ils ne pouvoient obtenir que par la force ce qui leur appartenoit par la nature et par la loi. A la guerre des esclaves se joignit alors la guerre civile entre les hommes libres. Les blancs épouvantés connurent enfin leur intérêt. Un concordat, un traité de pacification fut conclu et signé entre eux et les hommes de couleur, auxquels furent accordés, ou du moins promis tous les points de leurs justes réclamations, et l'exécution la plus complète du décret du 15 mai.

A peine les colons blancs avoient contracté cet engagement sacré, qu'ils forment le projet de le rompre, en apprenant la révocation de la dernière loi, prononcée le 24 septembre par cette même assemblée constituante qu'égarèrent des terreurs inensongères, des nouvelles factices, de vaines menaces, les intrigues de quelques courtisans colons, et l'insidieuse éloquence d'un jeune homme, ignorant, pré

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somptueux ou perfide, de M. Barnave (1), dont la vie entière portera la tache ineffaçable des iniquités et des barbaries de Saint-Domingue.

Aussi-tôt, indignés du parjure, les mulâtres courent aux armes; dans quelques lieux ils soulèvent et conduisent les esclaves. Les flambeaux recommencent à ravager les récoltes; des ruisseaux de sang recom mencent à couler. Tel est encore l'état des colonies, où les meurtres et la dévastation ne s'arrêtent en diverses parties que par l'épuisement alternatif des blancs et des mulâtres.

Ces désordres, on ne peut en douter, sont les effets d'un complot, qui n'est lui-même qu'une branche de la vaste conspiration formée contre la nation française et contre sa liberté naissante. On a voulu ncus épouvanter, nous accabler, en faisant éclater tout à la fois dans les deux hémisphères des projets perturbateurs.

S'il en est temps encore, il faut prévenir la ruine des colonies. L'injustice a suscité ces maux. Il faut que la justice les appaise; il faut que l'autorité rétablisse par-tout les droits, et pour cela, que la force appuie l'autorité. C'est l'objet du décret qui vient d'être rendu.

Les assemblées coloniales et les municipalités seront réélues. Les personnes de couleur, mulâtres› et nègres libres, jouiront, ainsi que les colons blancs, de l'égalité des droits politiques. Ils voteront dans toutes les assemblées, et seront éligibles à toutes les places. Des commissaires civils seront envoyés à Saint-Domingue, avec des pouvoirs suffisans pour l'exécution de la loi et le rétablissement de l'ordre. et la paix. La force publique est mise à leur disposition. Les gouverneurs et autres agens du pouvoir exécutif qui se sont, dans ces circonstances, rendus suspects par leur partialité, seront rappelés. Ils seront remplacés par des hommes qu'on ne puisse croire disposés à servir le funeste préjugé qui est devenu la source de toutes les divisions et de tous les maux.

(1) La discussion des personnes n'entre point dans le plan de cette feuille; mais pour l'homme dont il s'agit, comme il a vingt fois pris sur sa tête la responsabilité des maux qu'il préparoit, on e doit pas séparer sen nom de sa faute.

Aucun colon ne pourra être nommé pour cette fonction. - Les nouvelles assemblées caloniales proposeront les lois qu'elles croiront nécessaires pour leur constitution et leur administration; elles pourront aussi nommer des représentans qui se réuniront au corps législatif français.

Cet excellent décret n'est pas encore sanctionné; mais l'intérêt public et les bonnes intentions du ministère actuel ne doivent point faire craindre le veto, qui n'a pas été donné au roi pour empêcher le salut public.

Sur les Caisses, dites patriotiques, ou de secours.

Le numéraire métallique disparoissoit; les assignats de petites sommes n'étoient point encore fabriqués. On éprouvoit pour le commerce le besoin de monnoie. Dans quelques endroits, des municipalités et des corps administratifs firent de petits billets qu'elles mirent en circulation, en échange des gros assignats, qu'elles gardoient seulement en dépôt. Par-tout où cette mesure fut prise, elle eut de grands avantages, sans aucun inconvénient. Mais dans d'autres lieux, comme à Paris, les administrations craignirent qu'une, semblable opération ne les rendît suspects, et ne donnât lieu à des mouvemens populaires. A leur défaut, des capitalistes ouvrirent des caisses d'échange, dans lesquelles ils délivrèrent des billets de confiance de petites sommes, pour la valeur des assignats de plus grosses sommes qui leur étoient déposés.

Mais au lieu de garder ces assignats en dépôt, la plu part les employèrent à des spéculations de commerce, à des achats de numéraire, de marchandises ou d'effets publics, à des opérations d'agiotage, qui contribuèrent beaucoup à la perte qu'éprouve le numéraire national, l'assignat.

On avoit négligé d'inspecter ces caisses, sous prétexte que leurs billets n'ayant point un cours forcé, l'autorité administrative n'avoit pas plus de droit visà-vis d'elles que vis-à-vis de toute autre banque. Il arriva ainsi qu'elles mirent des billets sur la place

des sommes indéfinies, et bien supérieures aux assignats qu'elles recevoient en échange.

Nous avons déjà indiqué les maux que ces caisses ont causés, plus grands, peut-être, que les services qu'elles ont pu rendre. Nous avons aussi annoncé que l'assemblée vouloit remédier à ces inconvéniens. Mais les petits assignats dont elle a ordonné la fabrication, n'étant point prêts, elle ne peut encore que prendre des précautions pour diminuer par degrés la somme des billets patriotiques. Le décret qu'elle vient de rendre est de cette nature.

Les caisses d'échange seront vérifiées par les municipalités, sous la surveillance des corps administratifs. Toute nouvelle émission leur est interdite. Les émissions faites par les municipalités sont exceptées; mais les valeurs de leurs billets seront constatées par les commissaires des corps administratifs.

ÉVÉNEMENS ET NOUVELLES.

ROME. Le peuple misérable des campagnes de l'Eglise vient de se soulever. C'est dans le bourg d'Orviette que l'insurrection a commencé. Des potences ont été plantées devant la porte des magistrats. Le pape ne sait quel parti prendre. De tous les pays du monde, il n'en est point où les bulles soient plus méprisées qu'à Rome. On dit qu'il n'est point de héros pour son valet de chambre. Pour un Lazaron romain, le trèssaint père, le vicaire de J. C., n'est qu'un vieux prêtre, et un vieux prince.

RATISBONNE. Aucune mesure n'est encore prise pour l'élection d'un nouvel empereur. Dans un pays où tout est formalité, cérémonial, étiquette, ce qui pourroit se faire en un mois, en dure six. C'est un instant favorable pour la nation française, qui doit être lasse des menaces des émigrés, et de leurs protecteurs.

COMPIÈGNE. Un bataillon de gardes nationaux traversant le village de Junville, quelques étourdis, restés en arrière, s'avisèrent de tuer une vache à coups

de fusils. La municipalité de Compiègne, s'en plain aux chefs. A peine le corps en est instruit, d'une voix unanime, on décide que la vache sera payée sur la masse commune, et le propriétaire en reçoit aussi-tô le remboursement. C'est à ces traits de justice qu'on reconnoît le soldat de la liberté.

PARIS. On a communiqué à l'assemblée une dépêche de la part du roi François, successeur de Léopold : elle est du même style que la dernière; il s'obstine à déclarer la guerre aux Jacobins; il en parle toujours comme d'un peuple à part, d'une puissance formidable. Il prétend conserver le concert, la ligue entre les différentes cours contre la constitution française; il annonce qu'il arme et qu'il armera: mais la ridicule insolence de cette missive est encore la suite du langage humilié par lequel l'ancien ministère avoit avili la nation. Le nouveau a parlé sur un ton bien différent; il ne prie plus; il commande, il menace; il n'attend point la réponse, il fixe un terme : oui ou non ; l'indépendance ou la guerre. Encore quelque temps, et la nation sera respectée ou vengée.

Il faut dire un mot des bonnets rouges, dont nos lecteurs ont sans doute entendu parler. Les amis de la constitution avoient adopté cette coiffure comme un signe de liberté, et même d'égalité; car on les portoit de la laine la plus grossière. Ce bonnet, en décorant la tête des patriotes, faisoit tourner celle des aristocrates. A les entendre, tout le monde alloit être forcé de l'arborer, et cette mode symbolique alloit allumer la guerre civile. Il sembloit que le bonnet rouge fût le drapeau rouge des Jacobins. Déjà les bonnes gens, les tièdes, et les peureux murmuroient et se désoloient. Par amour de la paix, et par commisération pour la sottisé, les Amis de la Constitution ont résolu de s'en tenir à la cocarde nationale, et de quitter ce malheureux bonnet qui faisoit peur aux gens. Il me semble voir ce héros d'Homère, ôtant son casque pour ne pas effaroucher un enfant.

On s'abonne à Paris, chez DESENNE, LibraireImprimeur au Palais Royal, Numéros 1 et 2.

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De l'Imprimerie de DESENNE, rue Royale, butte S. -Racli, . 25.

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