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eu cinq ans à combattre dans leurs foyers contre les troupes étrangères, et à se combattre entre eux, avant d'établir leur indépendance, avant de pouvoir se rallier sous un étendart constitutionnel. Voulez-vous un tableau de ce que la guerre civile a de terrible? lisez ce qu'écrivoit alors sur les lieux un cultivateur américain.

La situation des habitans de nos frontières est plus déplorable que je ne puis vous la dépeindre. L'imagination ne peut concevoir, la langue ne peut décrire leurs dangers et leurs calamités. Les échos de leurs bois, ne répètent plus, comme auparavant, les coups de hache, le bruit des arbres qui tombent, les chansons joyeuses du laboureur; ce ne sont que les accens de la mélancolie, les cris du désespoir, les gémissemens des veuves et des enfans qui, échappés aux flammes, déplorent le sort de leurs maris et de leurs pères. On ne voit plus que ruines, que champs déserts, bestiaux devenus sauvages, prairies abandon

nées.

"Quelques districts, plus malheureux encore que les autres, sont exposés en même temps aux incursions des sauvages, aux déprédations des paris envoyés pour les défendre, à la rage de la discordé qui naît de la diversité des opinions. Les maisons tour à tour attaquées et défendues, sont quelquefois converties en petites citadelles; c'est le moment des scènes les plus effrayantes et les plus cruelles. Le sang des hommes, des femmes, des enfans et des soldats, ruisselle au milieu des flammes, qui consument tout, et qui, après être éteintes, ne laissent apercevoir, pour tous débris, que les ossemens de nos concitoyens ".

C'étoit par les troupes du roi d'Angleterre que ces malheureux. Américains, Anglais d'origine, étoient ainsi traités. Ils s'étoient révoltés contre lui, parce qu'il les avoit injustement accablés de vexations, d'impôts, et n'avoit voulu entendre à aucune de leurs représentations, ni de leurs prières: ils ont fini par être vainqueurs et libres, parce qu'ils avoient pris, comme nous, pour devise, la liberté ou la mort, et qu'ils y ont été fidèles. Mais d'abord ils éprouvèrent des

échecs et des pertes, parcè qu'assaillis par des troupes réglées et disciplinées, ils n'avoient à leur opposer que des milices peu nombreuses, mal armées, et sans expérience. On les traitoit alors de rebelles, et les soldats anglais avoient reçu l'ordre barbare de tout incendier, tout dévaster, tout égorger devant eux. Hommes armés ou non armés, vieillards, femmes, enfans, surpris la nuit par des partis royalistes, étoient mis en pièces, leurs habitations ravagées, leurs maisons pillées et brûlées. Des Américains, indignes de l'être s'étoient rangés du parti du roi, c'est-à-dire, du parti de l'oppression et de la tyrannie. C'étoient les aristocrates de ce pays-là ; ils favorisoient, ils dirigeoient même quelquefois ces expéditions exécrables.

Nous sommes, écrivoit l'honnête cultivateur, des victimes dévouées à l'ambition, à la vengeance des tyrans de la Grande-Bretagne. C'est le sang de nos femmes et de nos enfans qu'ils ont ordonné de répandre, pour être ensuite mêlé avec les cendres de nos maisons. Les ennemis souvent enferment les malheureuses victimes qu'ils surprennent dans leurs habitations, et contemplent avec une joie féroce et diabolique, l'incendie qu'ils ont allumé, au milieu dúquel tout perit. Ainsi, dans moins de dix-huit minutes ai-je vu disparoître quatorze personnes qui furent brûlées dans une des plus grandes habitations du voisinage. J'ai moi-même aidé à chercher les os de plusieurs habitans parmi les décombres de leurs maisons, afin de les couvrir de terre

Les parties de ces provinces aujourd'hui si florissantes, réduites alors à un état si déplorable, qui, se voyant envahies par des forces trop supérieures, s'étoient soumises, pour éviter l'inutile effusion du sang, ne gagnoient rien à cette soumission pénible. Quand on ne pouvoit plus piller, outrager leurs infortunéz habitans, les plonger dans les cachots, comme rebelles. on les pilloit. on les outrageoit . on les incarcéroit, comme favorisant, par des intelligences, ceux des cantons voisins qui étoient en armes, comme leur prêtant des secours, comme faisant pour eux des vœux coupables. On employoit contre eux l'es

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pionage le plus perfide; on les circonvenoit de ruses et de pièges tendus à leur simplicité, à leur humanité; on les réduisoit à regretter cent fois le jour de n'être pas morts les armes à la main, comme leurs concitoyens et leurs amis.

Nous sommes plus heureux que ce bon peuple d'Amérique. Nous ne sommes ni désarmés, ni pris au dépourvu. Nous sommes tous soldats, préparés aux dangers, exercés aux fatigues, brûlans de combattre, et sûrs de vaincre. Nous avons une constitution éta blie, autour de laquelle nous nous rallierons toujours. Quelque braves, quelque nombreuses que soient les troupes étrangères dont nous allons être attaqués, nous serons plus forts qu'elles, tant que nous serons unis.

Ne craignons donc que les dissentions intérieures, germes empoisonnés du plus terrible des fléaux, de la guerre civile; obéissons aux lois, pour être dignes de les défendre; trompons ceux de nos ennemis qui, mêlés parmi nous, cachés sous le masque du patriotisme, veulent nous exciter à troubler l'ordre, à commettre des violences, à butrager la liberté que nous adorons, par des actes indignes d'un peuple libre pour que leurs infames complices du dehors se réjouissent, et profitent de nos fautes, de nos désordres, de nos crimes. Echappons à leurs ruses infernales par notre respect pour la loi. Au lieu du fruit qu'ils es-péroient, qu'ils ne recueillent que le désespoir et la honte ; que n'espérant plus d'allumer entre nous l'incendie d'une guerre intestine, ils soient forcés ou de céder eux-mêmes, et de se ranger avec nous sous les drapeaux de la liberté, ou d'aller se réunir aux criminels conspirateurs qui provoquent et soulèvent contre leur patrie la fureur et les armemens de l'Europe

entière.

AGRICULTURE.

Sur la Pomme de Terre.

La première partie du bien-être d'un peuple est une subsistance facile : c'est par-là que le sort de l'homme civilisé est préférable à celui de l'homme sauvage. C'est par-là que l'agriculture est le premier des arts. Plusieurs nations anciennes ont honoré comme des dieux les mortels bienfaisans qui leur enseignèrent le labourage. Devenues plus éclairées, elles n'ont pas été moins reconnoissantes pour ceux qui leur procurèrent de nouveaux moyens de subsistance, Leurs histoires consacroient les noms de quiconque apportoit des pays lointains les semences, les graines, ou les tiges des plantes nourricières.

Le cerisier, que Lucullus vainqueur transplanta du royaume de Pont en Italie, n'étoit pas, aux yeux de Rome, sa moindre conquête. Ce trophée champêtre décora son triomphe, et lui mérita les acclamations glorieuses du peuple romain. C'est ainsi que la guerre a plus d'une fois réparé ses crimes et ses ravages. Ainsi les conquérans effaçoient les larmes des -peuples qu'ils avoient soumis, et fertilisoient la terre qu'ils avoient ensanglantée. C'est en donnant aux Gaulois nos pères les productions, nouvelles pour eux, des diverses provinces romaines, que César les consoloit de la perte de leur indépendance, et les captivoit par les jouissances, après les avoir subjugués par la violence des armes.

Comment, depuis que la navigation s'est perfectionnée, ncs contrées ne se sont-elles pas enrichies des productions de tous les climats ? Ce n'est pourtant que dans ce siècle qu'on a vu les gouvernemens et les voyageurs faire entrer dans le plan de leurs expéditions lointaines le soulagement des vrais besoin de l'homme, l'accroissement des vraies richesses, et les moyens de rendre communs à tout le globe, les biens propres à quelques pays. Le célèbre Cook, qui découvrit, dans la grande nier du Sud, l'isle célèbre et fortunée d'Otaïti, ne manqua pas d'offrir à ses habi

tans les productions européennes. Lorsqu'il y revint pour la seconde fois, quelle noble et douce satisfaction n'eut-il pas en voyant les champs et les jardins de ces bons insulaires couverts des grains et des fruits qu'il y avoit apportés, semés et plantés lui-même quelques saisons auparavant! Quel charme pour lui de revoir leurs cabanes entourées des animaux domestiques qu'il leur avoit appris à élever, pour s'en nourrir!

Combien l'Amérique auroit procuré à l'Europe de richesses nutritives et de subsistances nouvelles, si le ́siècle qui la découvrit eût été moins fanatique, moins ignorant et moins barbare! Mais que ces idées étoient loin des papes usurpateurs, assez extravagans alors pour donner par une bulle le nouveau monde, habité ou désert. à des rois et à des princes qui ne devoient jamais le voir Leur exemple légitina, sanctifia le brigandage des premiers navigateurs qui abordèrent cet hémisphère inconnu. L'Espagnol, à la voix de Rome, ne porta en Amérique'que la mort et l'esclavage; l'Europe y perdit les trois quarts des récoltes de l'Espagne ; elle n'y gagna que de l'or et des maladies infames.

Vous apprendrez maintenant avec moins de surprise, que la POMME DE TERRE, cette plante si salubre, cette denréc si utile, originaire du Chili, n'a été connue en Europe qu'au commencement du 17. siècle, longtemps après la découverte de l'Amérique. Si on avoit su la multiplier par-tout, les peuples ne seroient pas aussi exposés aux disettes et aux famines.

Son nom générique est la BATTATE, ou PATTATE il y en a de plusieurs espèces. Nous ne parlerons que de la plus commune; c'est aussi la meilleure.

Cette plante pousse une tige grosse comme le pouce, et qui s'élève à deux ou trois pieds de hau tear. Ses fleurs, qui paroissent en juin et en juillet, sortent par bouquets du sommet des tiges. Ce que les naturalistes appellent ses fruits, sont de grosses baies charnues, molles, et d'une couleur verte, mais qui jaunit en mûrissant; elles remplacent les fleurs, et contiennent une pulpe mucilagineuse et d'un goût désagréable. Mais ce n'est pas là le véritable fruit de

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