Page images
PDF
EPUB

sant aucun refuge contré la force de ses argumens et de ses principes, il veut, il recommande avec ins tance qu'on leur pardonne, qu'on les tolère. Pourvu qu'ils ne soient ni séditieux, ni turbulens, peu lui importe qu'ils pèrsistent dans leur erreur, ou qu'ils en reviennent. La déclaration des droits, leur dit il, établit que nul ne doit être inquiété pour ses opinions mime religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. Ayez donc, si vous voulez, l'opinion politique que la division nouvelle du royaume en 83 départemens n'est pas une bonne opération. Ayez encore, si cela vous plaît, l'opinion que l'assemblée nationale n'avoit pas le droit d'ordonner que la division ecclésiastique des diocèses suivroit la division géographique; et appelez cela une opinion religieuse, vous en êtes les maîtres. Tant que vous vous bornerez à n'avoir que ces opinions, nul n'a le droit de vous inquiéter, parce que rien n'est plus libre que la pensée. Mais si vous refusez ouvertement de vous conformer à l'ordre établi; si, par des écrits, par des discours, ou par des actions, vous détournez vos concitoyens de se soumettre aux nouvelles dispositions, vous opposez votre volonté particulière à la volonté de tous, vous prétendez que votre opinion personnelle doit faire la loi à la nation entière; vous êtes évidemment en état de rebellion; vous troublez l'ordre public établi par la loi; vous oubliez que la raison, la religion et la loi vous prescrivent l'obéissance".

Ceux qui se trompent de bonne foi, et qui, malgré leurs fausses idées, sont paisibles et soumis aux lois, pourquoi les gêneroit-on dans leur croyance, puisqu'ils ne gênent personne? Voilà, il le faut avouer, ce que n'entendent pas assez un grand nombre de citoyens, plus ardens qu'éclairés, plus passionnés que justes. Nous les invitons à se bien pénétrer des conseils de notre bon évèque. Quelles que soient, dit-il, les opinions politiques ou-religieuses d'un ministre de l'évangile, s'il ne vous tient que le langage de la charité, s'il est tolérant, indulgent pour ceux qui n'ont pas les mêmes opinions que lui, si le fiel, si l'amertume sont No. 28. Seconde année.

86

B 3

bannis de ses discours, s'il ne vous détourne pas de l'obéissance que vous devez à la loi, s'il ne vous excite pas à répandre des inquiétudes, capables de jeter le trouble parmi vos frères, s'il ne vous dit de mal de personne, s'il ne cherche pas à vous éloigner des pasteurs que vous vous êtes choisis vous-mêmes: respectez en lui la vertu, car elle est dans son cœur; reconmoissez en lui un véritable ministre de Jésus-Christ, c'est-à-dire, un homme de paix et de consolation. Mais fût-il d'ailleurs rempli du plus ardent patriotisme et de la plus parfaite soumission aux lois civiles, cessez d'avoir confiance en ses conseils, si la médisance, si la calomnie, si le langage de l'inimitié, de l'intolérance et du fanatisme, ternissent l'éclat de ses vertus civiques. Ne fuyez aucun ministre de ceux qui sont doux, patiens, indulgens, pacifiques..... Présentezvous indifféremment dans tous les temples, invoquezУ l'éternel dans la sincérité de votre cœur, déposez-y, avant tout, les sentimens que vous pouviez avoir contre vos frères, etc. etc. i

Si ces conseils, vraiment évangéliques, étoient plus généralement suivis, la paix ne seroit plus troublée, les intentions perverses de ceux qui se servent du masque de la religion pour renverser la constitution, seroient trompées; chacun suivroit tranquillement ses opinions, et le genre de culte qu'elles lui prescrivent; et nous, certains désormais que nos bons amisdes villages ne sont plus tourmentés par les prêtres d'aucun parti, nous cesserions de leur parler de culte, de religion et de prêtres. Nous avons tant d'autres choses à leur dire !

SUR LA GUERRE CIVIL E.

Le temps approche où il sera décidé si la France se verra forcée d'achetersa liberté par une guerre étrangère. Menacée depuis si long temps de toutes parts, insultée de toutes hanières, obligée de soutenir un armement ruineux, il faut qu'elle sache enfin si les préparatifs

de l'Europe contre elle sont ou des menaces réelles ou un jeu perfide. Le nouveau ministère, dévoué aux intérêts de la patrie, s'empresse de rétablir chez les nations notre honneur national, que le ministère pré-, cédent laissoit lâchement outrager. Il demande aux puissances armées, dans un délai trés-ourt, leur mot définitif sur la guerre ou la paix.

Il est douteux encore, malgré cet appareil d'armes, de munitions et de soldats, que ces puissances qui ont chez elles des affaires assez embarrassantes, veuillent se mêler ouvertement des nôtres ; mais il ne l'est point que, dans ce cas, leur plus grande force ne soit au milieu de nous, qu'elle ne soit dans nos dissentions et nos désordres intérieurs. Que pourroient-ils contre la France entière, unanimement armée pour une si grande et si belle cause? Guerre étrangère et guerre civile à la fois; voilà leur espérance et notre danger.

Cette dernière suffiroit seule pour désoler, dévaster, ruiner nos villes et nos campagnes; pour écraser notre commerce, renverser nos fortunes, anéantir nos lois, et par conséquent notre liberté. Nous ne pouvons pas nous le cacher, tous les élémens de ce fléau terrible fermentent, depuis plus de trois ans, au milieu de nous. Le fanatisme de la noblesse, le fanatisme de l'intérêt, le fanatisme de la superstition, ligués entre eux, agitent et soulèvent les esprits, entretiennent la fermentation, pour qu'au moment de Texplosion extérieure, tout éclate à la fois.

Qui doute de ce plan est bien aveugle ! qui peut y entrer est bien coupable! Et combien de bons patriotes y entrent sans le savoir!

Tous ceux qui se laissent alarmer sur leurs subsistances, tandis que les magistrats du peuple veillent pour eux; et qui, troublés par ces fausses alarmes, écoutent des conseils pervers, s'arment, s'attroupent, arrêtent par la violence les paisibles et bienfaisantes opérations du commerce;

Tous ceux qui, choqués avec raison des sentimens inciviques de quelques partisans de l'ancien régime, emploient sans raison contre eux la force, l'oppression, le pillage; qui se croient permis d'attaquer

un homme dans ses propriétés, et même dans sa personne, parce qu'il est aristocrate; à insulter, à battre des prêtres et des femmes, parce que les uns sont des hypocrites, et les autres de sottes dupes;

Tous ceux qui ne savent pas recourir à la persuasion et à la douceur, pour ramener des gens qui se trompent sans chercher à nuire; ceux qui ne savent pas implorer contre les infracteurs des lois, l'appui de ces lois mêmes, l'autorité qu'elles ont établie, la force qu'elles ont armée, et qui aiment mieux se faire justice que de la solliciter ou de l'attendre ;

Tous ceux enfin qui d'une manière quelconque se déclarent et agissent violemment contre le bon ordre, contre la sûreté individuelle, contre celle des propriétés, contre les autorités constituées; tous ceux-là ont beau se croire animés par le patriotisme, ils sont, sans s'en douter, les instrumens de nos plus cruels eunemis; ils préparent, chacun dans une portion de l'empire, ces matières combustibles qu'un rien ensuite peut allumer, et qui peuvent former tout à coup dans l'état un embrasement universel.

Qui de nous peut songer sans horreur aux crimes. qui se sont commis dans ce malheureux comtat d'Avignon; crimes que nos législateurs ont été forcés de couvrir du voile de l'amnistie, de peur que le glaive des bourreaux n'eût à frapper autant de victimes qu'il en a péri sous le glaive des brigands et des assassins des deux partis? Eh bien, tel seroit l'affreux spectacle qu'offriroit la France entière, si des troubles particuliers, si des émeutes locales se multipliant, s'étendant chaque jour, la force publique devenant impuissante pour arrêter le torrent, il débordoit enfin, et renversoit toutes les digues qu'on lui oppose encore. Telle seroit la situation effrayante où vous auriez contribué à nous plonger, vous tous, citoyens zélés, mais aveugles, qui voulez devenir libres sans être esclaves de la loi, qui prétendez substituer votre autorité à la sienne, empêcher ou défendre ce qu'elle a permis, faire ou ordonner ce qu'elle ne permet pas.,

Hélas! sans doute, ces mouvemens, cette agitation turbulente, et quelquefois meurtrière, étoient inséparables des commencemens de notre révolution. Comment toujours agir selon la raison et la justice, quand on est animé d'une passion forte? comment aussi, sans une passion ardente, tout un peuple se seroit-il levé en armes, auroit-il secoué ses chaînes, renversé le despotisme, effrayé, contenu, mis en fuite ses tyrans, jusqu'à ce qu'une loi nouvelle vint assurer ses droits et le venger de ses oppresseurs? Mais aujourd'hui. cette loi existe ; si vous refusez de lui obéir, si elle n'est pas votre seule règle, ce ne fut donc pas pour l'obtenir que vous vous livrâtes à ces mouvemens effrénés, à cette insurrection générale; ce fut seulement par inconstance, par amour du changement, ou par une aveugle soif de vengeance. Ce ne fut pas pour vous arracher à l'esclavage, mais pour vous précipiter dans l'état des peuples sauvages, qui ne connoissent ni frein ni lois, et ne sont gouvernés que par leurs passions et leurs caprices sanguinaires.

On vous dira peut-être que si la guerre civile éclate enfin, c'est un malheur, mais non pas aussi grand qu'on se le figure; qu'après tout, la guerre civile est comme une autre guerre, que vous avez des armes, du courage, et que vous saurez bien vous défendre.... Vous défendre! eh! de qui? De vos concitoyens, de ceux qui durent être vos frères, qui peut-être furent vos amis, que la nature vous avoit peut-être unis par les liens du sang! Et c'est leur sang que vous répandiez! et c'est contre eux que vous tournerez vos armes! et vous ne regarderiez pas cette extrémité comme le plus affeux malheur ! et vous ne feriez pas tout ce qui est en vous, pour que vos mains ne soient pas souillées d'un pareil crime! Ah! vous n'êtes donc pas des hommes justes et sensibles: vous n'êtes donc pas des amis de l'ordre, de la vertu, de l'humanité : vous n'êtes donc pas des hommes libres.

Un grand peuple est devenu libre avant nous. Les Américains nous ont frayé la route dans le chemin de la liberté ; mais, moins heureux que nous, ils ont acquis par la guerre leur constitution et leurs lois. Ils ont

« PreviousContinue »