Page images
PDF
EPUB

loin de diminuer dans la journée, s'est encore accrue. Les groupes ont été considérables, mais on n'a point aperçu ce genre d'agitation qui laisse craindre pour les suites. Tous paroissoient animés du même sentiment, l'amour de la patrie. La garde nationale a montrẻ beaucoup de zèle, les patrouilles ont été nombreuses, les citoyens ont éclairé, la nuit a été tranquille...

...

"Tandis que les ennemis de la chose publique font de longs et pénibles efforts, qu'ils intriguent, qu'ils sément l'or et la défiance, pour diviser les citoyens entre eux, pour opposer ceux qui sont armés à ceux qui ne le sont pas, un jour suffit pour détruire leurs funestes tentatives. Espérons que, las de tant de revers, ils laisseront enfin la constitution suivre son cours naturel, étendre ses heureuses influences sur tout l'Empire, et nous jouirons alors en paix de ses bienfaits sous le règne de la loi ".

Le reste du jour a été calme, et les délibérations de l'assemblée moins agitées que celles de la veille. Elle a repris le cours des affaires générales et particulières, qu'elle a continué de suivre le jeudi.

Vendredi matin, la tranquillité de la capitale étant assurée, tous les complots découverts, et leur trame rompue, la garde du roi hors de service, et paisiblement conduite à l'Ecole Militaire par la garde nationale, son chef coupable transféré aux prisons d'Orléans, et toutes les mesures prises pour l'affermissement de l'ordre et de la sûreté publique, l'assemblée a déclaré qu'elle cessoit d'être permanente.

La fermeté qu'elle a montrée doit redoubler la confiance de tous les bons citoyens, et confondre ses ennemis et ses calomniateurs. Ils ont beau faire, dans les dangers publics, ce sera toujours autour de ses représentans que se rassemblera le peuple. Plus il s'éclaire, plus il est soumis aux lois, moins il souffrira qu'on Outrage ceux qu'il a choisis pour ses législateurs, et il semble que c'est au nom de la France entière que parloit M. Louvet, orateur d'une députation des citoyens de Paris, lorsqu'il a dit à l'assemblée natiomale:

....

• Dès que le péril s'annonce, nous devons nous armer pour vous. Vous êtes en effet le dépôt le plus précieux que la confiance de tous les citoyens de ce vaste Empire ait remis à notre garde.. Tant que les conspirateurs veilleront seulement pour méditer leurs complots, tant qu'ils se borneront à nous préparer de nouveaux dangers, nous veillerons nous, toujours génereux, trop généreux peut-être; nous veillerons pour les défendre de leurs propres fureurs, pour les sauver d'eux-mêmes. Mais le jour où, dans leur sacrilège audace, ils seroient tirer l'épée pour attaquer nos lois saintes le jour où ils oseroient menacer le temple de la liberté ; ce jour-là, nous le jurons par leur liberté même, la race impie disparoîtroit tout entière ".

[ocr errors]

NOUVELLES

DES ARMÉES.

Du Nord.

--

Luckner.

Les autrichiens, au nombre de deux mille, ont, tenté de surprendre la ville de Condé. Le canon des remparts les en a bientôt écartés. Ils ont perdu. soixante hommes dans cette entreprise.

On a remarqué beaucoup de français mêlés parmi les autrichiens. Dans cette dernière rencontre, le caporal d'un poste en avant de Condé, se battant en retraite, a tué un officier ennemi. Ayant emmené le cheval de cet officier, il a trouvé sur ce cheval une valise, et dans cette valise une ceinture de prêtre et une calotte: il paroît que celui-là n'avoit à rentrer dans son bénéfice.

Du Midi.

pas renoncé

Le 67e régiment s'est mis en insurrection; il a forcé son colonel de se retirer. On a informé le général, M. Montesquiou, de cette conduite. Sa réponse est vraiment belle: Je comptois, dit-il, que le 67e régi

[ocr errors]

ment seroit un rempart invincible contre l'ennemi. Je l'appelois sur la frontière. J'ignore les motifs de sa coupable conduite; mais je sais que la défense du royaume ne doit pas être confiée à une troupe révoltée. Qu'il retourne donc dans l'intérieur. Je ne manquerai point, pour le remplacer, de soldats qui connoissent mieux leurs devoirs..... Le général a déféré l'honneur du poste périlleux à des bataillons de volontaires nationaux, qui par-tout donnent l'exemple de la discipline aussi bien que du courage.

ÉVÉNEMENS. ET NOUVELLES.

ANGLETERRE. Le roi d'Angleterre a déclaré qu'il ne prendroit aucune part à la guerre que la France a déclarée au roi de Hongrie. Mais s'il favorise notre cause au dehors, il poursuit, dans l'intérieur de son royaume, ceux des Anglais qui embrassent cette même cause. Une proclamation a été publiée à Londres; on y annonce des recherches rigoureuses contre la presse et les clubs, ces deux arcs-boutans de la liberté. Le gouvernement a beau faire, la réforme se prépare. De tous les peuples de l'Europe, l'Anglais est le plus attentif et le plus prompt à imiter les autres nations dans ce qu'elles établissent d'utile, soit en fait d'industrie, soit en fait de lois. Ce peuple ne souffrira pas longtemps d'être plus mal représenté que les Français.

IRLANDE. Dans ce pays, deux millions de catholiques sont opprimés et avilis, comme l'étoient autrefois en France les protestans. Ils n'ont aucune part aux élections, sont privés de tous les emplois. Ils viennent de former des associations. Ils ont fait le serment généreux d'obtenir les droits des hommes libres, ou de périr tous.

PAYS-BAS. Le roi de Hongrie, malgré la guerre, permet l'entrée des vaisseaux français dans les ports de sa domination. Ce n'est pas pour ménager les négocians français ; c'est pour ne pas ruiner les armateurs ostendois: car un peuple ne nuit point au com

merce de son ennemi, sans nuire au sien. Ainsi nous sommes dispensés de la reconnoissance envers le roi François.

SAINT-DOMINGUE. Las d'incendies et de carnage, enfin les colons blancs ont fait un nouveau concordat avec les mulâtres. Ils finissent par accorder à la force ce que la loi avoit donné à la justice. Que de barbaries perdues! que de calamités inutiles! Voilà l'orgueil humain. Puisse au moins ce traité être exécuté plus loyalement que les autres !

GUERNESEY. C'est une isle placée au nord de l'ancienne Bretagne; elle dépend des Anglais; elle con tient beaucoup d'armateurs, qui ont souvent, comme corsaires, désolé notre commerce. On a dit que ces négocians se disposoient à prendre le pavillon autrichien pour pouvoir impunément courir sur les vaisseaux de la France. Ils ont désavoué, par une déclaration solemnelle, ce bruit alomnieux. Ils renoncent

à ces entreprises, qu'ils nomment infames Voilà enfin des corsaires qui rougissent de leur métier. Il ne faut pas désespérer des tyrans.

PARIS. Pendant qu'on plante l'arbre de la liberté dans tous les villages de France, les Parisiens viennent de le placer devant le vestibule même du château des Tuileries, décoré du pavillon national. et couronné du fameux bonnet rouge. Puisse-t-il faire sur les aristocrates qui infestent ce palais, l'effet du drapeau rouge!

ANNONCES.

La Trompette du père DUCHESNE.

Il y a peu de gens qui n'aient entendu parler du PERE DUCHESNE. C'étoit, dit la tradition, l'homme de son temps qui faisoit le mieux des fourneaux, et aussi celui qui prononçoit le mieux un juron. Un homme d'esprit a ressuscité ce fameux personnage. Déjà il a donné sous sous nom quatre cents Lettres B. pa-, triotiques, qui ont eu un grand succès et qui ont fait un grand bien. Le même auteur publie un

journal nouveau, sous le titre qu'on vient de lire. Il débute par une Adresse à tous les peuples, dans 'laquelle l'énergie des sentimens est merveilleusement assaisonnée par la mâle rhétorique du bon marchand de fourneaux. On trouvera, dans cette petite feuille, gaîté sans indécence, et vigueur sans violence. C'est sur-tout dans l'armée qu'elle est bonne à répandre le père Duchesne et son style sont tout à fait du goût militaire. Il y a de faux pères Duchesne mais celui-ci est le véritable ; il est facile à reconnoître. Original et vrai, jovial et spirituel, ami du peuple et ami de la loi; ces qualités ne se contre font pas ausst aisément que les B. et les F. Cependant, de peur que le public ne s'y trompe encore, son amusant journal sera distingué par une trompette qui lui sert de frontispice.

On nous a quelquefois demandé pourquoi nous ne donnions jamais nos instructions sous cette forme familière et plaisante; il n'est pas pas inutile de nous expliquer sur ce point.

Ce n'est point une morgue philosophique ou littéraire qui nous fait dédaigner ce genre et quelques autres semblables; voici nos raisons.

En entendant les gros mots et ces syllabes résonnantes qui font l'éloquence du père Duchesne, les bigots et les hypocrites se signent et frémissent, les regardant comme blasphêmes damnables et péchés mortels les pédans et les prudes s'en effarouchent et pincent les lèvres. Mais aux yeux du philosophe, qu'est-ce qu'un jurement ? C'est l'expression naturelle de la colère et de l'impatience; un charretier embourbé jure contre ses chevaux ; un roi contrarié jure contre ses ministres. C'est l'origine des imprécations qui sont les mêmes depuis la pourpre jusqu'à

la bure.

Mais de plus, l'usage a introduit ces façons de parler dans des discours assez in différens. La plupart les laissent échapper à tout propos, par routine, sans y attacher aucun sens, et conséquemment de la manière la plus innocente. Cette manie de jurer est une mauvaise habi

« PreviousContinue »