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mérité de la patrie, nous leur donnerons des cou ronnes civiques".

DESSÉCHEMENT DE LA VALLÉE D'AUGE.

C'est dans le département du Calvados qu'est situé ce petit pays, l'un des plus fertiles du royaume. Il est célèbre sur-tout par ses admirables pâturages. Dans la saison des pluies, la vallée d'Auge ne formoit qu'un grand lac. Trois petites rivières et des ruisseaux nombreux se débordoient fréquemment. Les digues que les riverains y opposoient, ne pouvoient retenir entièrement les eaux; et d'ailleurs celles qui séjournoient derrière ces digues, formoient de grandes mares qui ne s'épuisoient que par l'évaporation, toujours lente et funeste à la santé de l'habitant de ces cantons. Il en résultoit que les produits de ces riches herbages étoient incertains. Sur plusieurs années, à peine en comptoiton une de pleine jouissance.

Un homme connu par ses rares lumières en agriculture, a paru dans cette contrée. Il a vu qu'il falloit un écoulement aux eaux ; il en a calculé les moyens ; des atterrissemens ont été supprimés; les bords des rivières ont été redressés : il a suffi d'un mois et demi de travaux. Sur une longueur de plus de quatre lieues, la vallée se trouve garantie. Lajouissance des herbages a commencé très-long-temps avant le temps ordinaire; elle est assurée en toute saison; l'abondance et l'amélioration des produits vont la suivre par des opérations nouvelles, le bienfait du desséchement s'étendra sur la partie basse de la vallée. Enfin jamais il ne s'en est fait d'aussi grand, et en si peu de temps, et à si peu de frais; car les premiers travaux n'ont couté que six mille liv. ; le reste n'en coutera pas vingt.

ses pieds, il imite le passage d'une grande troupe. Les Anglais précipitent leur retraite, emportant avec eux leurs morts et leurs blessés. Quel homme que Cabieu! Eh bien, croit-on que nos 21mées n'en ont pas encore beaucoup de semblables?

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L'homme qui a fait ces miracles, est M. Boncerf. Le directoire du département a constaté et publié luimême ces faits honorables.

En les lisant, d'utiles réflexions se sont présentées à notre esprit ; nous les avons jetées en désordre sur le papier, et il nous a semblé qu'elles pourroient intéresser les cultivateurs, nos amis et nos frères.

Réflexions sur les Desséchemens.

C'est un beau sujet d'observations que les prodiges opérés par les hommes, pour conserver, pour embellir leur demeure, pour fertiliser ce monde sur lequel ils ne font que passer.

Ce que nous appelons la nature, ces plaines riches et fleuries, ces ruisseaux paisibles et clairs, ces vergers fertiles, ces vallons rians, ces bois frais et salubres, tout cela n'est pourtant que l'œuvre des arts. Abandonnée à elle-même, la nature bientôt n'offriroit que le hideux chaos. C'est la main et le génie de l'homme qui ont métamorphosé la surface de la terre. Que d'obstacles il a fallu vaincre! Nos pères avoient tous les élémens à combattre et à dompter. Ces mêmes ennemis sont encore les nôtres. Si le genre humain cessoit un seul instant de se défendre contre eux, de les tenir asservis, d'exercer ses forces et de cultiver sa raison le genre humain seroit aussi-tôt détruit.

Ce sont les eaux sur-tout qui nous font la guerre, Dans les contrées désertes, la terre se couvre de bois et de plantes; leurs feuillages attirent et concentrent l'humidité; leurs débris arrêtent et font séjourner les eaux; tout devient marais. Telle fut l'Europe ancienne; telle est encore l'Amérique.

Aujourd'hui même, dans la plus grande partie du globe, l'homme est forcé de disputer sans cesse aux eaux le sol qui le porte et le nourrit, tandis que sa vie même est à chaque instant menacée par leurs exhalaitons contagieuses C'est dans cette lutte pénible et constante que se déploie toute la puissance de l'indus

trie.

L'agriculture a commencé par les défrichemens; les
N°. 37. Seconde Année.

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desséchemens ne sont venus qu'après. Les premiers peuvent être faits par une simple famille; les autres veulent une société nombreuse. Après tout, dessé cher, c'est toujours défricher; car quelle lande plus stérile et plus nuisible qu'un marais! Vous retirez de dessous les eaux un terrein bas; yous l'assainissez ; vous le mettez en état de recevoir la culture et la semence: c'est faire un monde; c'est rendre à la vie une terre

morte.

Que de moyens l'art a imaginés pources grandes entreprises! Tantôt on creuse des fossés qui reçoivent l'eau ; tantôt on ouvre des canaux et des saignées qui la font écouler; des moulins, devenus plus utiles, ne causent plus d'inondations; on répand sur la surface des marais les terres tirées des fossés; ou bien on plante des arbres, dont la sève attire une partie de l'humidité; souvent, par des digues et des écluses, on en écarte les eaux des rivières ou des ruisseaux ; d'autres fois on élève le terrein par les dépôts que forment les courans qu'on y introduit même dans cette vue.

Ainsi, des nations entières, des cités florissantes sont sorties des marais fangeux. Les Hollandais ont créé leur territoire par les desséchemens (1); sans cesse ils le défendent contre les flots et les abîmes de la mer, suspendus sur leurs têtes (2). L'industrie des Chinois a conquis sur les eaux deux de leurs plus grandes pro

vinces.

(1) C'est vers l'année 1780 que commencèrent les desséchemens entrepris par les Hollandais. Ce pays mal-sain et inhabitable est devenu un séjour charmant, une prairie vaste, productive, et la contrée la plus peuplée de l'Europe.

(2) Avec quelque soin qu'on entretienne les digues, la violence des eaux les a quelquefois forcées. La Hollande et la Zélande ont vu périr des villages et des villes entières engloutis dans la mer, avec leurs habitans surpris par le débordement. Les inondations les plus funestes sont celles de 1532 et de 1563. On voit encore aujourd'hui en plusieurs endroits sortir des eaux les clochers, les tours et les toits des édifices des villes submergées.

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Plus anciennement les Egyptiens avoient chassé la mer d'un immense terrein qu'ils nommèrent le Delta. Sa fécondité étoit prodigieuse. Les superbes travaux qui l'avoient créé, ont été depuis négligés par l'ignorance des Turcs. Le Delta ne fournit plus un épi à l'Egypte, mais il lui donne tous les ans la peste.

Quand les Arabes se croient offensés par leurs voisins, les Turcs de Bassora, ils inondent les environs de la ville, en détruisant les bords de la rivière qui baigne les murs; bientôt les eaux s'évaporent; la vase qui croupit, élève des brouillards empoisonnés : alors se répand une fièvre épidémique qui attaque tous les habitans. On en a vu périr jusqu'à quatorze et quinze mille.

Eh bien, le mauvais gouvernement a fait au peuple français la même guerre que les Arabes, et l'ignorance nous infecte comme les Turcs.

Une immense partie de notre sol est sans valeur, faute de desséchemens. Jusqu'à présent les travaux publics, dirigés par le faste des administrations, plutôt que pour le bien des administrés, loin de contrîbuer aux desséchemens, ont augmenté les stagnations. On a bâti des ports superbes, mais on a laissé tout à côté se former de sales marais. Des chaussées larges ont coupé les vallées, des canaux ont été élevés et soutenus sur les parties hautes; mais les parties inférieures sont inondées. C'est qu'alors il importoit peu que le peuple fût noyé, empesté, pourvu que l'ouvrage fût magnifique, le constructeur admiré, et le gouvernement encensé par des curieux et par des flatteurs.

Et même, sous ce régime odieux si, par hasard, quelques communautés s'accordoient pour entreprendre un défrichement, les villages voisins s'y opposoient, ou bien on disputoit sur la méthode qui seroit mise en usage. L'ignorance ou la jalousie éle voient des chicanes de tout genre; bientôt suivoient les plaintes, les procès, les difficultés. L'entreprise étoit abandonnée, ou mal exécutée: on finissoit par croire le bien impossible, et le mal nécessaire.

Ainsi, les plus riches fonds sont demeurés stériles. La disette désole fréquemment un pays destiné par la

nature à des moissons surabondantes. Les vapeurs mal-saines des eaux stagnantes produisent des épidé. mies qui frappent subitement de mort les hommes et les animaux, ou au moins des maladies contagieuses qui condamnent le villageois à des mois entiers d'un oisiveté qui le ruine.

Mais aujourd'hui tout est changé ; l'égalité unit tous les citoyens; l'instruction éclaire tous les intérêts. Une loi du mois de mars 1790 a prévenu les contestations épineuses qui empêchoient les desséchemens de réus-, sir; tout le peuple d'une contrée se rallie autour des administrateurs élus par lui. C'est à eux de provoquer, de préparer ces entreprises salutaires; c'est à eux d'ap• peler, de consulter les hommes habiles; car la direction de ce genre de travaux demande une expérience consommée, et un savoir étendu. C'est aux administrateurs sur tout de donner au peuple l'exemple du respect pour la science, sans laquelle il n'est pour l'homme ni bien-être, ni vertu.

ASSEMBLÉE NATIONALE

PERMANENTE.

Séance commencée le lundi 28 mai, à six heures du soir.

L'asssemblée nationale, avertie par une foule d'indices accumulés depuis quelques jours, du dánger que couroit la chose publique, s'est déclarée permanente, comme fit l'année dernière l'assemblée consttituante lors du départ du roi. C'étoit alors pour remédier à ce départ; c'est aujourd'hui pour le pré

venir.

Le rassemblement extraordinaire d'étrangers, d'inconnus, ou de gens connus par leur incivisme dans les départemens, d'où ils ont afflué vers Paris; les propos indiscrets de plusieurs d'entre eux, et les signes de rebellion étalés publiquement ;

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