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homme qui a des propriétés qu'il doit transmettre à ses enfans, à sa famille, craindra-t-il de soutenir un procès pour défendre ou pour ravoir ces propriétés, lorsqu'un coquin puissant veut les envahir ou les lui a ravies? Non, sans doute. Eh bien, la libertė est la propriété la plus sacrée de l'homme; aucun peuple ne doit y renoncer. C'est un héritage qu'il faut qu'il conserve, s'il l'a encore, et qu'il recouvre, s'il l'a perdu. Il en doit compte à soi-même et aux générations qui doivent le suivre, qui sont comme ses enfans, sa postérité, sa famille ; il ne doit pas craindre pour cela de soutenir un de ces grands procès que la guerre décide, et qui finissent presque toujours par un jugement en faveur de l'opprimé, quand il le plaide avec constance, avec l'opiniâtreté vertueuse qu'on doit mettre dans une bonne cause.

C'est à quoi les Belges et les Liégeois, désormais réunis en un seul peuple, paroissent fortement décidés dès que le succès de nos armes leur aura donné les moyens dont ils manquent. Leur manifeste est suivi d'une adresse à leurs concitoyens, et ensuite d'un plan de constitution qu'ils leur proposent. Ils y ont pris en général pour base la constitution française. ils l'ont peut-être perfectionnée dans quelques points, peut-être dans quelques autres sont-ils restés au dessous. Mais le même esprit de justice et de liberté l'a dictée. Puisse-t-elle s'établir bientôt sur les ruines de la tyrannie autrichienne! puisse-t-elle prospérer à l'ombre de celle qui lui a servi de modèle !

Aussi-tôt que nous aurons réparé le premier échec que nos troupes viennent d'avoir, et qui étoit inévitable d'après certaines circonstances, toutes connues aujourd'hui; dès que le changement qui se fait dans les généraux, le secret rétabli dans les opérations, la confiance et la subordination dans l'armée, nous auront donné quelque avantage dont ces bons peuples auront pu profiter pour se joindre à nous, et combattre avec nous pour leur liberté et pour la nôtre; nous entrerons dans plus de détails sur ce manifeste, sur l'adresse et sur la constitution projetée. Nous aimerons à faire connoître plus particuliè

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rement à nos bons amis des campagnes, dans des peuples nouvellement libres, de nouveaux amis et de nouveaux frères.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

Attendu le peu d'espace, nous ne donnerons qu'une. notice.

Les dons patriotiques abondent de toutes parts.

Les religieuses qui vivent en commun, ne pourront plus prendre de pensionnaires; leurs maisons ont servi plus d'une fois de rendez vous aux conspirateurs. Ces. béguines fanatiques infectoient l'esprit des jeunes personnes; elles enseignoient mieux les momeries que les vertus. Le devoir du législateur est de surveillerl'éducation. Celle des femmes n'est pas moins intéressante que celle des hommes.

Une somme de près de quatre millions a été accordée pour des travaux publics.

Un décret vient de créer 300 millions d'assignats de. différentes sommes. Ils ont pour hypothèque les 400millions de biens nationaux non encore affectés. Ces fonds serviront aux frais de la guerre. Quel d'entre ncs; ennemis peut déployer de tels moyens ? Six à sept millions sont décrétés pour les armemens ordonnés par le roi. Il faut protéger notre commerce; il faut que les couleurs nationales soient respectées

sur mer comme sur terre.

Premiers événemens de la GUERRE.

La guerre étant déclarée au chef de la maison d'Autriche, la plus forte de nos trois armées, celle du nord, placée sur les frontières voisines des Pays-Bas, devoit commencer les hostilités. Une entreprise sur la ville de Mons, secondée par une fausse attaque contre Tournay, c'étoit la première opération : en voici la mal-. heureuse histoire.

Dans la nuit du 28 avril, un corps de dix-huit cents hommes, presque tout de cavalerie, sort de Lille, et

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trou

marche vers Tournay, sous le commandement de M. Théobald Dillon. On avoit sans doute négligé de bien reconnoître le terrein. Nos troupes se vent tout à coup en face d'un corps d'Autrichiens très-supérieur en nombre. La mission du général français étoit d'inquiéter seulement l'ennemi, sans se commettre. Il se dispose à la retraite mais soit qu'il eût mal commandé, soit qu'il fût mal obéi, ce mouvement se fait sans ordre: on se laisse envelopper; la cavalerie, chargée de tous côtés, est bientôt rompue; les cuirassiers plient entièrement; l'infanterie, en trop petit nombre, reste en butte aux Autrichiens, qui la pour-. suivent jusqu'à un quart de lieue de Lille.

:

A travers le désordre de la retraite, des hommes vendus sans doute, crient à la trahison; ils excitent les soldats à massacrer leurs chefs. M. Dillon, menacé, se réfugie dans une ferme; on le poursuit, il est massacré, ses membres mis en pièces, et jetés au feu. De retour à Lille, le peuple épouse la fureur des troupes ; il cherche de nouvelles victimes. Un officier du génie, M. Berthois, un curé non assermenté, tous deux accusés de trahison, sont immolés par ces forcenés; on a même ajouté que, dans ce tumulte, des prisonniers autrichiens avoient été égorgés; c'étoit, dit-on, de faux transfuges qui avoient fait tomber l'armée dans une embuscade. Puisse ce dernier fait se vérifier, ou le premier se trouver faux! Car que penseroit l'Europe, à qui nous avons promis une guerre humaine et généreuse? Chez les Spartiates, aussi-tôt que la retraite avoit sonné, quiconque tuoit un ennemi, étoit puni comme assassin.

Quant au général Dillon et à M. Berthois, ils avoient. donné des preuves de patriotisme, et rien n'a jusqu'ici montré qu'ils fussent des traîtres. Quelle source de regrets! quel triomphe pour nos ennemis !

Tandis que tout ceci se passoit, le lieutenant-général Biron, chargé de la principale entreprise, à la tête d'un corps de dix mille hommes, montroit plus de force et d'habileté, mais n'avoit guère plus de succès. Le 29, à six heures du matin, il arrive à une lieue de Mons, ayant déjà chassé devant lui tous les corps autrichiens qu'il avoit rencontrés. Là, il trouve une armée ennemie,

placée entre Mons et lui, armée bien plus forte qu'il n'avoit dù l'attendre. Il passe la nuit en présence ; mais reconnoissant l'impossibilité de rien tenter contre Mons, il se préparoit à ménager sa retraite. Tout à coupil apprend qu'une partie des ci-devant dragons de la reine se retire; il se met seul à leur poursuite, les atteint, les accable de reproches, et les ramène. A son retour, il trouve son armée dans le plus grand dẻsordre. Les fuyards avoient répandu que le général étoit passé chez l'ennemi. La cavalerie, sur cette fausse nouvelle, s'étoit mise en mouvement pour fuir. L'infanterie seule avoit gardé son poste, attendant l'ordre pour se mettre en marche, et protéger sa retraite. Les Autrichiens alors, profitant du trouble des nôtres, les attaquent; mais ils sont repousses avec courage; et quoique harcelée et poursuivie pendant plusieurs heures, quoiqu'épuisée de fatigue et de faim, notre armée achève, sans avoir été entamée, cette honorable retraite, dans laquelle l'ennemi a perdu plus d'hommes que nous.

Telle a été l'intelligence et la bravoure qu'a montrées M. Biron dans cette journée, que, sans l'insubordination et les lâches perfidies qui l'ont traversé, il est certain qu'il eût remporté quelque grand avantage.

La perte, dans ces deux affaires, n'excède pas beaucoup 200 hommes. Ces échecs, faciles à réparer, auront fait un grand bien, s'ils ont appris aux soldats français qu'il n'est point de force sans ordre, et point de succès sans discipline. Ce qui nous console et nous ranime, c'est l'admirable conduite des gardes nationales dans ces premiers combats. Des vétérans n'eussent pas été plus fermes et plus subordonnés. Le second bataillon des volontaires de Paris s'est couvert de gloire; les hussards d'Esterhazy, et le régiment de cavalerie de Languedoc se sont aussi distingués.

Hi faut aussi imputer le malheur de ces événemens à des causes contre lesquelles le courage et le génie sont impuissans. Toutes les circonstances annoncent qu'un complot infernal avoit été formé de livrer nos armées sans défense au feu de l'ennemi, en y répar dant la défiance, l'insurrection, la discorde, et de les

déshonorer au premier pas par l'assassinat de leurs généraux. Il est certain aussi que le secret du plan d'attaque avoit été révélé aux ennemis; c'est la véritable. et la seule trahison bien clairement prouvée mais les traîtres sont inconnus.

Quelques-uns blâment cette première entreprise, tentée sur un seul point avec un corps de troupes si médiocre. On voudroit qu'une grande armée eût tout à coup envahi les Pays-Bas, balayé l'ennemi, moins nombreux, et décidé les mouvemens favorables des peuples. Nous ne pensons pas ainsi. Les mêmes moyens eussent été mis en œuvre pour faire débander nos troupes; ces moyens devoient réussir une première fois sur une grande masse d'hommes, leur horrible succès n'étoit que plus certain. Le désordre est en raison du nombre; la sédition et la terreur s'accroissent dans une vaste étendue. Qu'on songe à la perte d'une grande bataille: comment se relever d'une déroute de soixante mille hommes ? Le plan adopté étoit plus sage et moins hasardeux; il éprouvoit l'armée; il aguerrissoit le soldat. Enfin nous voulions ménager le pays où nous entrions; une grande armée est un grand désastre pour ceux qu'elle visite. Une telle invasion pouvoit, au premier pas, armer contre nous les peuples qui doivent se déclarer pour nous.

Valenciennes et Lille s'étoient un peu ressentis du trouble de ces événemens : tout y est tranquille; les troupes, plus animées que jamais, appellent la vengeance et pressentent lavictoire. Le maréchal Rochambeau a quitté son commandement, et le brave Luckner vient prendre sa place,

M. la Fayette est maintenant campé sous les murs de Givet avec une armée de douze mille hommes, tous pleins de confiance et d'ardeur.

Du côté du Rhin, nous avons été plus heureux; un corps de six mille hommes s'est emparé des défilés de Porentru, passage très-important qui rend la France inaccessible.

De l'Imprimerie de DESENNE, rue Royale, butte S. Roch, a?. 25;

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