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En un mot, une guerre active et d'invasion était commandée :

1° Par la situation politique de la France;

2. Par la position relative de l'armée française ; 3° Par le but que les puissances belligérantes s'étaient proposé.

Il ne s'agissait plus que de proportionner les moyens à la grandeur de l'entreprise, et à prendre les mesures convenables pour en assurer la réussite.

La ligne d'opérations du centre était la plus avantageuse par ses rapports avec la situation politique, attendu qu'elle menait directement au but, et sur le point le plus accessible de la frontière. En la choisissant, on manoeuvrait sur le centre d'une ligne étendue et affaiblie, dont les extrémités se trouveraient isolées et en danger d'être détruites successivement, dès que les mouvements seraient exécutés avec vivacité. Enfin, les alliés occupaient, sur cette partie faible des frontières, les importantes forteresses de Luxembourg et de Mayence, dont la position avantageuse donnait une excellente base d'opé rations et les meilleures places d'armes que l'on pût désirer.

Il paraît que le duc de Brunswick avait saisi tous ces avantages. La guerre d'invasion fut résolue, et l'on choisit la ligne d'opérations du centre. Nous allons voir que l'exécution ne répondit pas à la justesse de ces premières combinaisons.

Le roi de Prusse arriva le 25 juillet, à l'armée, Manifeste campée près de Rubenach. Le duc de Brunswick fit paraître le même jour l'imprudent manifeste dicté par Calonne, et qui eut trop de part aux événements pour

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1,4 août.

ne pas trouver place dans toutes les histoires de cette guerre (1).

Le 28 juillet, les derniers corps prussiens arrivèrent au camp; et l'armée fut répartie dans l'ordre de bataille ci-contre.

Dès les premiers jours du rassemblement des troupes, on éprouva quelque peine à leur procurer des subsistances. Par un mélange de parcimonie et de légèreté, on avait négligé de se pourvoir de boulangers en partant de Prusse, soit qu'on comptat en trouver sur le Rhin, soit qu'on s'attendît à être abondamment pourvu de tout par les nombreux partisans des émigrés. Enfin, le 80 juillet, l'armée se mit en mouvement, et perdit 'encore plusieurs jours pour franchir méthodiquement les défilés de Martinsthal et d'Isbach: précaution inutile, puisqu'on était à dix marches des forces encore disséminées de l'ennemi. Après avoir passé la Moselle, le 5 août, l'armée prussienne vint camper, le 6, sur les hauteurs de Kons, où elle séjourna jusqu'au 12, au moment même où le canon de l'insurrection foudroyait les Tuileries.

mes

Le corps des émigrés, fort de dix à douze mille homse trouvait le 8 à Trèves. L'armée prussienne se porta, le 13, à Montfort, où elle séjourna de nouveau 18 acut, jusqu'au 18, dans une position défensive. Il y avait lieu de s'étonner qu'une armée, qui croyait marcher à la conquête de Paris comme à une promenade, choisit des positions défensives à quatre ou cinq marches de l'ennemi qu'elle affectait de traiter avec mépris. Enfin le 19, après avoir mis vingt jours à faire qua

(1) Voyez pièces justificatives, no 5.

ne entre

en

rante lieues, l'armée prussienne franchit la frontière L'armée de France, et campa à Tiercelet, où elle se réunit à prussienClairfayt, qui campait à Roman avec dix-huit mille hommes amenés de Flandre. Les Hessois se portèrent France. à Niederdouven; l'armée des princes, à Bredimus. L'avant-garde marchant jusqu'à Crune, donna sur les postes du général Després-Crassier, qui campait à Fontoi avec un corps de quatre mille hommes, et se replia à l'approche de l'ennemi.

des

armées

ses.

Pour suivre avec plus d'intérêt la marche des alliés, Situation il faut porter un instant nos regards sur ce qui se pasdispersée sait dans l'armée française. On se rappelle qu'à la suite de son inutile course françaivers Courtrai, le maréchal Luckner était revenu sur le Rhin, où il avait répété sous Landau, les scènes qui avaient prouvé sa médiocrité. Lafayette, tout occupé de ce qui se passait à Paris, et résolu trop tard de sauver la monarchie, ne négligeait aucun moyen pour gagner ses soldats; mais le ministère et les Jacobins, qui avaient l'œil sur lui depuis ses sorties des 16 et 23 juin, le contrariaient dans toutes ses mesures, et cherchaient tout à-la-fois à restreindre son commandement, et à détruire son influence dans l'armée ; on alla même jusqu'à retenir les troupes en marche de l'intérieur pour le renforcer. Il avait à peine vingt-quatre mille hommes disponibles, soustraction faite des garnisons, et avec cette poignée d'hommes, il devait couvrir l'espace entre la Meuse et la Chiers.

Le général Luckner, avec l'armée du centre, couvrait la Moselle, par les camps de Fontoi et de Richemont: un corps de quinze mille hommes, sous Custine, campait à Wissembourg: Kellermann était chargé de

Effets du 10 août.

Fuite de

défendre la Sarre, et Biron, le Haut-Rhin. Au Nord, les généraux Carlen, Beurnonville, Dumouriez et Lanoue commandaient toujours des divisions isolées, réparties dans les camps de Dunkerque, de Lille, de Maulde et de Maubeuge.

Les événements du 10 août tenaient toutes les armées françaises en suspens; et bien qu'en général elles ne Lafayette fussent point disposées à soutenir la cour, néanmoins il était possible qu'à la voix des chefs qui avaient capté la confiance des troupes par leur popularité, elles devinssent tout-à-coup les appuis du trône. Mais alors la plupart des généraux étaient subjugués par les factions désorganisatrices: Dumouriez et Custine affiliés dès longtemps aux Jacobins, ne voyant peut-être dans le renversement de la monarchie qu'une occasion d'obtenir un commandement plus considérable, approuvérent tous les résultats du 10 août et prêtèrent sans répugnance le serment que l'Assemblée exigea d'eux. Dillon après s'y être refusé, fit une espèce d'amende honorable, d'une action qui n'avait rien que de louable, et eut recours au crédit de Dumouriez, pour conserver son commandement. Le vieux maréchal de Luckner, peu habitué à feindre, refusa, il est vrai, de reconnaître d'autre maître que le Roi, mais il avait perdu tout empire sur ses troupes; les autres généraux, à l'exception de Lafayette, attendirent l'événement pour se décider.

Ce dernier qui avait sondé toute la profondeur du gouffre où les partisans de la monarchie constitutionnelle allaient être jetés, n'hésita point à se prononcer contre l'Assemblée. Il fit arrêter ses commissaires à Sedan, mais ayant perdu le temps en délibérations, et

n'ayant pas su électriser son armée au moment décisif, il fut destitué et mandé à la barre. Ce coup qu'il aurait dû prévoir, lui ayant enlevé une partie de ses partisans dans le camp de Vaux, il sentit dès-lors qu'il compromettait inutilement le petit nombre de bataillons qui lui était resté fidèle, et crut devoir chercher son salut dans la fuite. Espérant de retourner aux États-Unis qu'il avait si bien servis, il partit dans la nuit du 18 au 19 avec Latour-Maubourg, Alexandre Lameth et Bureau 19 août. de Puzy; mais arrêtés d'abord aux avant-postes autrichiens, comme prisonniers de guerre, et jetés ensuite comme criminels d'État dans les cachots d'Olmutz, ces martyrs de la liberté y expièrent d'une manière cruelle leur amour chevaleresque pour les idées libérales.

La nouvelle de l'attentat du 10 août produisit aussi sur les chefs de la croisade royale des impressions bien différentes. Le duc de Brunswick en fut effrayé : il n'augurait rien de bon d'une course dans un pays, dont la population était exaltée au point d'assaillir le palais du Roi, de massacrer ses gardes, et de le tenir dans la captivité. Déjà, dans les conseils de Potzdam, il parut vouloir bannir de ses plans d'opérations, les espérances frivoles conçues par une noblesse présomptueuse. Il avait insisté pour agir avec des moyens proportionnés, en prenant les précautions d'usage pour une guerre longue et difficile.

Instruit à son arrivée à l'armée que le prince de Hohenlohe, au lieu de cinquante mille Autrichiens n'en amenait pas plus de dix-huit mille, le duc mesura les dangers qu'il courait dans une entreprise dont les moyens diminuaient à mesure que les obstacles grossissaient, et en conçut de justes alarmes.

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