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comité

des

Tels furent les préludes de la fatale journée du 10 Formaaoût. Les Jacobins forment un comité d'insurrection, il tion du ne manque plus qu'un prétexte pour commettre l'atten- insurrectat. Bientôt les nouvelles les plus alarmantes se répan- tionnel dent, et sont confirmées par les déclarations du duc de Jacobins. Brunswick, qui remontait au même instant la Moselle pour se diriger sur Longwy. Le Roi projette, dit-on, de fuir pour se joindre aux ennemis. Cette cour dont les menées semblaient avoir décidé l'invasion et attiré un outrage aussi sanglant à la nation, n'inspire plus, même aux hommes modérés, qu'un sentiment d'indifférence, pour ne pas dire de haine. On plaint le Roi, mais on le soupçonne d'être l'instrument de ses conseils et des princes fugitifs : dès-lors les conspirateurs ont un champ ouvert à toutes les entreprises.

Les bruits sinistres, exagérés à dessein, ne manquent pas leur but. Déjà les sections ont réclamé la déchéance, en menaçant d'un soulèvement, si l'on ne se hâte de la prononcer. Le comité insurrectionnel ayant pris toutes ses mesures, fait battre la générale et sonner le tocsin. Les gardes nationales s'assemblent: des détachements sur lesquels on comptait le plus, se rendent au château pour en occuper les avenues.

du

10 août.

Cependant Louis, instruit que le projet de ses ennemis Journée consistait à s'emparer de sa personne, à défaut de garde constitutionelle, avait appelé près de lui plusieurs com- Mesures pagnies suisses; des gentilshommes, des militaires dé- de dévoués, s'étaient aussi rendus volontairement au poste fense du périlleux, dans la journée du 9 et pendant la nuit du 9 au 10. Les Tuileries se trouvaient donc défendues par deux mille cinq cents gardes nationaux, deux bataillons suisses, et environ cinq cents gentilshommes ou anciens

Roi.

Coup d'état des

Jacobins.

militaires, rassemblés sous les ordres du vieux maréchal de Mailly. A cinq heures du matin le Roi descend, visite les postes, passe en revue l'infanterie, la cavalerie; et partout il est accueilli avec enthousiasme. Quoique certain du zèle de ces troupes, il ne mettait guère d'espérance en leur secours, et loin de songer à prendre l'initiative, il laisse paraître le trouble dont il est frappé. Les résolutions promptes et énergiques étaient hors de son caractère, contraires à ses sentiments pour les Français, et combattues par ses craintes pour ceux qui l'entouraient.

Les nuances d'opinions et celles de l'accueil que leur faisait la cour, divisaient encore ces corps qui, même bien unis, eussent à peine suffi pour sa défense. Déjà deux bataillons mal disposés ou excités par des agents, quittent le jardin, sous prétexte que les Suisses veulent tirer sur le peuple: deux autres suivent cet exemple, et arrêtent sur la place du Carrousel, les nouveaux détachements accourant pour les joindre.

Péthion se présente au chtâeau où l'avaient déjà précédé plusieurs membres de la municipalité, annonçant les progrès de la révolte; on se saisit de lui, on le retient en otage, on lui fait signer un ordre aux troupes de repousser la force par la force. Cet acte motiva ensuite sa disgrace dans le parti républicain.

Mais dans ces entrefaites, un événement remarquable se passait dans Paris. Les Jacobins décidés à se saisir de l'autorité, profitent du moment où la générale avait réuni tous les citoyens, pour se rendre de nuit, au nombre de cinq à six cents, dans les différentes sections, où, se déclarant délégués du peuple souverain, ils cassent le conseil de la commune, qu'ils ne croyaient plus ca

pable de pouvoir sauver la chose publique, et le remplacent par d'autres magistrats qu'ils élisent entre eux. Ils marchent ensuite à l'hôtel-de-ville et s'y installent: cet acte arbitraire, un des plus étonnants dont l'histoire d'aucun peuple retrace le souvenir, décida du sort de la monarchie et eut une influence fatale sur les destinées de la France. Ce coup d'État, dont les uns font honneur à Danton, et que d'autres attribuent à Robespierre, fut probablement le résultat du commun accord de tous les ambitieux qui, voulant se saisir du pouvoir, avaient découvert le moyen le plus simple et le plus sûr d'y parvenir.

Tandis qu'on faisait au château des préparatifs insuf fisants pour sa défense, et que d'audacieux conjurés venaient de créer une puissance nouvelle, les meneurs de cette sanglante catastrophe mettaient, à l'organiser, une tactique plus savante que celle déployée dans l'insurrection du 20 juin. Convaincus par l'expérience que cette journée aurait eu le succès désiré, si les chefs eussent pris la précaution de faire précéder la multitude par un corps de troupes soldées, ils s'attachèrent cette fois à réparer leur faute. Vers les huit heures du matin, les Marseillais joints à un bataillon de fédérés Brestois, se présentent au premier poste de Tuileries; sa garde leur refuse le passage; ils insistent, mais en vain; la bonne contenance des troupes leur en impose. Bien des gens ont pensé que, si elles eussent reçu dans ce moment l'ordre de charger, la cause de Louis eût triomphé. Le commandant Mandat, qui était à la tête des bataillons de Paris, en avait dans sa poche l'autorisation du Maire; un message de la commune, qui appelait ce chef pour lui rendre compte de l'État des choses,

Le

est

acheva de tout perdre. Mandat arrivant à l'hôtel-deville, y trouve à son grand étonnement, au lieu des magistrats qu'il connaissait, le conciliabule dont nous venons de rapporter le coup d'autorité, et voulant regagner le palais, il est massacré par des assassins apos. tés. Santerre, l'un des conjurés, est aussitôt proclamé général des gardes nationales, qui, par cette seule formalité, passèrent en instant du rôle de défenseurs du trône à celui d'instrument des conjurés.

Sur ces entrefaites, les flots d'un peuple mutiné se château pressent autour de cette troupe : quelques individus forcé. s'écrient qu'ils sont des pétitionnaires, qu'ils ont des suppliques à présenter. La garde hésite, et finit par en laisser passer quelques-uns; les Marseillais et les Brestois s'aperçoivent de ce changement : ils reprennent courage et reviennent sur leurs pas; le Carrousel en est inondé le prussien Westerman, ami et créature de Danton, est à leur tête et leur communique son audace. Le tumulte augmente, la confusion est à son comble. On se trouble dans le château ; les avis se croisent et se contredisent, le roi écoute et considère sans rien décider, cela seul glace les plus fermes courages.

Le Roi se

sein de

Alors entre le procureur-syndic, il informe le roi réfugie que la plus grande partie de la garde nationale est dédans le cidée à soutenir la cause des insurgés, que le reste l'Assem-chancelle, et qu'il ne reste d'autre moyen de salut à blée Na- Louis, que de se réfugier dans le sein de l'Assemblée législative ce dernier parti s'était, dit-on, déjà présenté à l'esprit de ce malheureux prince, qui ne s'était tiré jusqu'alors de péril, qu'en employant des moyens mixtes. Ce dernier et funeste avis fixe son ame irréso

tionale.

lue, il accepte la proposition, et abandonne avec la

reine et sa famille, le palais des rois pour n'y plus ren

trer.

Suisses.

Soudain le château est déserté par ses défenseurs, Massacre dont le dévouement est désormais inutile; la garde na- des tionale et les gentilshommes se retirent consternés. Les Suisses irrésolus et s'attendant à recevoir l'ordre d'en faire autant, avaient dès ce moment perdu toute leur force morale, lorsque les perfides Marseillais, dont l'ardeur était irritée par tant de délais, attirent cinq d'entre eux dans leurs rangs, se jettent sur eux et les égorgent; un coup de pistolet tiré sur les autres vint ajouter à leur indignation; sur l'ordre de leurs officiers, les soldats furieux font pleuvoir des fenêtres et des portes une grêle de balles, qui met en fuite les assaillans; le champ de bataille couvert de leurs morts et de leurs blessés, reste un instant aux Suisses.

leur

château.

Louis était déjà au milieu de l'Assemblée, lors de ce Le Roi fatal événement; le sifflement du plomb meurtrier par- ordonne vient jusqu'aux oreilles des députés, et produit la d'évaplus vive alarme; on entoure le Roi, on le conjure de cuer le faire cesser le carnage. Aussitôt il envoie aux Suisses l'ordre de quitter le château, et cet ordre rendu public, ramène et excite les Marseillais à l'attaque'; ils fondent avec impétuosité sur ces militaires qui vendent chèrement leur vie. Le palais des rois n'offre plus qu'une scène de carnage et d'horreur: elle s'étend bientôt aux rues adjacentes, et près de trois mille victimes des deux partis attestent des fureurs que notre plume répugne à retracer.

Le Roi est

et renfermé au

Un spectacle non moins déplorable appelle nos re- suspendu gards c'est celui de la famille royale au milieu de l'Assemblée législative; Louis n'aperçoit autour de lui que Temple.

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