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dition de Gustave. Enfin, il déclara que la Suède ne se laisserait point entraîner dans une guerre aussi étrangère à ses intérêts.

inté

Pendant que la politique s'agite et que les cabinets Affaires flottent entre leurs passions et les grands intérêts na- rieures tionaux, le volcan qui couvait en France vient de faire de sa terrible explosion, et pour en mieux juger les effets, France. il convient de reprendre les choses de plus haut.

D

Dans l'analyse rapide des travaux de l'Assemblée Nationale que nous avons présentée au chapitre III, le lecteur se sera convaincu de la vérité de cette maxime de Tacite Que des sujets ne peuvent jamais sans un grand danger pour l'État, inspirer des craintes à » l'autorité suprême, puisqu'il en résulte nécessairement » une méfiance réciproque ; et que pour s'assurer l'impunité d'une démarche téméraire, on est souvent » obligé de se réfugier dans les plus grands attentats. > Une triste expérience a démontré la justesse de cette observation profonde. Telle fut en effet la position dans laquelle l'Assemblée Constituante s'était placée, et l'embarras plus grand encore dans lequel les Girondins venaient de se précipiter. L'approche des armées étran gères menaçant d'une contre-révolution, il semblait que le moyen d'éviter la réaction et les vengeances, fût d'achever la ruine du trône, et d'entraîner la nation dans des crimes qui la placeraient toute entière dans la nécessité de vaincre ou de mourir.

Les Jacobins enhardis par les triomphes qu'ils avaient obtenus, et en attendant qu'ils pussent porter des coups plus certains à la royauté, travaillaient sans relâche à l'avilir par des pamphlets.

Le choix que Louis avait fait de ses ministres parmi

Le Roi

intime.

les hommes les plus dévoués aux nouvelles doctrines et à la faction de la Gironde (1), ne tarda pas à le livrer, comme on l'avait prévu, à la merci de ses ennemis.

Le seul homme de ce ministère capable de sauver le Roi, était Dumouriez; il possédait toutes les qualités d'un chef de parti, et peut-être que six mois plutôt, avec des pouvoirs illimités, il eût bien servi la mʊnarchie constitutionnelle; mais alors il n'était déjà plus temps: un pilote, quelque habile qu'il fût, ne pouvait sauver le vaisseau de l'État en s'emparant du gouvernail.

Dans une situation si critique, Louis crut devoir apcrée un peler près de lui un conseil intime, et fixa son choix sur conseil les ex-ministres Montmorin, Bertrand, et Malouet, hommes probes et éclairés qui possédaient toute sa confiance. Ce comité pouvait être utile, mais la faiblesse du Roi paralysait toutes ses résolutions, et d'un autre côté il devait amener, avec le ministère, un conflit dont le résultat inévitable serait la chute de l'un ou de l'autre.

Réduit ainsi à des conseils superflus, le comité se contenta de faire des largesses à des intrigants, qui ne servirent qu'à empirer le mal et à épuiser la liste civile, dernière ressource de la cour. On s'imagina qu'en achetant les chefs des Jacobins, tel que Danton et Fabred'Églantine, on parviendrait à se les attacher et à se rendre maître des délibérations de la société. Ces deux suppositions étaient également fausses; Danton

(1) On se rappelle qu'au commencement de l'année, Duranthon fut nommé au département de la justice, Dumouriez aux affaires étrangères, Servan à la guerre, Clavière aux finances, Lacoste à la marine, et Roland à l'intérieur.

reçut seul jusqu'à cent mille écus, qui furent employés à payer les agents subalternes de toutes les émeutes, et notamment de celle du 10 août.

Les premiers revers des armées, dont nous avons rendu compte au chapitre précédent, avaient d'abord effrayé la nation, mais les républicains songèrent ensuite à les faire servir à leurs projets. Les reproches de trahison insidieusement répandus, signalèrent le Roi lui-même comme l'auteur de tous ces désastres: » c'était lui, disaient-ils, qui livrait la France aux en» nemis, car ses parents, ses créatures, étaient à leur » tête, et les émigrés avaient grossi leurs cohortes. Le » refus qu'il faisait de sanctionner les derniers décrets » contre les émigrés et contre les prêtres réfractaires, » prouvait l'amour qu'il leur portait. »

Dans le choc des passions et des intérêts politiques, une mesure audacieuse en entraîne ordinairement une plus violente. La méfiance et la peur y ont plus de part que de profondes combinaisons, et souvent un parti attribue à la réflexion de l'autre, des plans qui ne sont que l'effet d'une haine permanente et prompte à saisir toutes les occasions de nuirc. On a cru généralement que les Jacobins et les Girondins, d'accord pour ériger une république sur les ruines du trône, avaient médité de longue main la perte de Louis; d'autres affirment qu'ils ne la résolurent que pour se venger de sa duplicité. Les écrivains les plus modérés du parti royaliste n'ont vu que des complots, là où il n'existait peutêtre que des précautions contre les entreprises des ennemis de la révolution : leurs antagonistes en ont usé de même; et en lisant Dumouriez, Servan et Bertrand de Molleville, il ne suffit pas de prendre le terme

Attaque

contre le

moyen entre leurs assertions, pour obtenir la vérité, car ils ont tous vu les événements à travers un prisme trompeur.

Mais si la chute du Monarque fut le résultat de la fausse position dans laquelle il s'était jeté, plutôt que celui d'une sourde conspiration, il faut avouer que sa perte une fois jurée, ses ennemis surent profiter en maîtres, des circonstances propres à l'accélérer, et que plusieurs des coups de partie qu'ils lui portèrent furent habilement dirigés. On mettra de ce nombre le licenciement de la garde constitutionnelle du Roi, et l'appel à Paris de plusieurs corps de fédérés qui, choisis par les clubs, devaient être les aveugles instruments de leurs desseins.

des Gi- Les attaques commencèrent par les violentes déclarondins mations de Brissot et de Gensonné, contre le comité conseil dont nous avons parlé : s'il fallait les en croire, un noir intime. complot se tramait à la cour, Louis s'était entouré de

perfides conseillers; enfin, à la honte de la nation, un comité autrichien siégeant aux Tuileries, tramait la perte de la France, et voulait livrer les amis de la révolution au fer de leurs ennemis. Il y avait du faux et du vrai dans ces allégations : les conseils du Roi ne voulaient point la contre-révolution; et si l'on peut nier qu'ils eussent placé quelques espérances dans les succès des coalisés, tout porte à croire que c'est parce qu'ils n'avaient pas trouvé de moyen qui pût garantir plus sûrement la France des effets désastreux de l'anarchie, et la sauver de la ruine totale dont elle était menacée. Licencie- Bientôt après, le licenciement de la garde constiment de tutionnelle est formellement demandé ; Bertrand as

la garde

royale. sure que ce fut sur les prétextes les plus frivoles : selon

Dumouriez, au contraire, cette garde qui devait être de dix-huit cents jeunes gens choisis dans les départements, n'avait pas moins de six mille spadassins recrutés sur le pavé de Paris. Comment l'histoire prononcera-t-elle entre les assertions si différentes de deux ministres qui se trouvaient également à même de savoir la vérité? Girardin s'écrie en vain que c'est violer ouvertement la constitution, et qu'on va livrer le Roi sans défense à ses ennemis; on passe à l'ordre du jour; non-seulement la garde est licenciée, mais le duc de Brissac, son chef, auquel on fait un crime du dévouement qu'il porte à son souverain, est traduit à la haute-cour nationale d'Orléans.

la forma

tion d'un

Cette première victoire remportée, il s'agit de pro- Servan céder à l'exécution de la seconde partie du plan. Le propose ministre de la guerre, Servan, proposa aux Girondins, sans autorisation préalable du Roi, de former un camp camp à de vingt mille hommes, sous Paris, mesure qui fut Soissons. adoptée avec acclamation.

Cette disposition, justifiée par les dangers auxquels le royaume allait être bientôt exposé à l'approche des Prussiens, eût été fort sage à ne la considérer que sous les rapports militaires : tous les partis s'accordèrent à Ini prêter un but bien différent. Les amis du Roi y voient le projet de renverser le trône dont on venait d'éloigner les derniers défenseurs, et observent que si les frontières sont réellement menacées, il faut y envoyer les vingt mille hommes, au lieu de les retenir sous les murs de la capitale.

Les Jacobins, de leur côté, pensent qu'une telle armée, dévouée aux Girondins, réduira à peu de chose l'influence de la populace et la tactique des

TOM. I.

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