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L'Assemblée Nationale, après avoir entendu sa commission extraordinaire des douze, réunie à ses comités militaire et diplomaque, et décrété l'urgence, décrète ce qui suit:

SECTION PREMIÈRE.

Articles généraux.

Art. 1er. L'armée de terre, destinée à défendre l'État contre ses ennemis extérieurs, sera portée, dans le plus bref délai possible, au complet effectif de quatre cent quarante à quatre cent cinquante mille hommes, tant en troupes de ligne de toutes les armes, qu'en gardes nationales volontaires et en gendarmeries nationales.

Art. 2. Les quatre-vingt-trois départements du royaume fourniront cinquante mille hommes destinés, d'après le mode qui sera ci-après fixé, à compléter les différents corps d'infanterie, cavalerie, troupes légères et artillerie de l'armée de ligne.

Cette levée sera répartie entre les différents départements, conformément au tableau annexé à la minute du présent décret.

Art. 3. Il sera tiré de différentes divisions de la gendarmerie nationale, dans toute l'étendue du royaume un nombre d'hommes suffisant pour former deux nouvelles divisions de gendarmerie, destinées å être employées contre les ennemis extérieurs : ces hommes seront sur-le-champ remplacés dans les brigades respectives dont ils auront été tirés, de la manière et d'après le mode qui sera ci-après déterminé.

Art. 4. Les différentes compagnies de vétérans nationaux, créées par le titre 3 de la loi du 10 mai dernier, relative au ci-devant Hôtel des Invalides, et dont la garnison est fixée par les articles 21 et suivants, seront mises à la disposition du pouvoir exécutif, pour être transportées partout où il le croira le plus utile, et notamment dans les places déclarées en état de guerre, afin de contribuer à leur défense, autant par leur exemple et leur expérience de la guerre, que par leur bravoure et leur patriotisme reconnus.

Les vétérans retirés à l'Hôtel, qui se croiraient encore en état de servir activement la patrie, ainsi que tous autres vétérans répandus dans toute l'étendue du royaume, sont autorisés, d'après le mode qui sera ci-après indiqué, à former de semblables compagnies.

Art. 5. Le nombre de quatre cent quarante à quatre cent cinquante mille hommes, auxquels, d'après l'article 1er, l'armée doit être portée, sera complété par des volontaires nationaux, tant par ceux destinés à former le complément déjà décrété pour les bataillons organisés, que par la levée de nouvelles compagnies et de nouveaux bataillons, ainsi qu'il sera ci-après déterminé.

Art. 6. Pour faciliter et rendre plus prompte la levée des hommes destinés à compléter l'armée, tant en troupes de ligne et en vétérans, qu'en volontaires nationaux et en gendarmerie nationale, il sera nommé, par chaque conseil de département, de district et de commune, deux commissaires pris dans son sein ou hors de son sein, qui seront spécialement et uniquement chargés, sous la surveillance de leurs conseils respectifs, d'accélérer ces différentes levées.

Les commissaires nommés par les conseils des communes, se concerteront avec ceux des districts, et leur rendront les comptes que ceux-ci leur demanderont en conséquence. Il en sera de même des commissaires des districts envers ceux nommés par lesdits conseils de département.

Art. 7. Conformément au décret des 4 et 5 juillet, qui fixe lès mesures à prendre lorsque la patrie est en danger, les gardes nationales et autres citoyens en état de porter les armes, se rassembléront par canton, trois jours après l'arrêté des directoires de départements; et là, sous la surveillance de la municipalite du chef-lieu, et en présence d'un commissaire nommé par le directoire du district, il sera ouvert trois registres : l'un pour l'inscription des vétérans, le second pour l'engagement dans les troupes de ligne, le troisième pour l'inscription des citoyens qui, ayant été choisis par leurs frères d'armes pour servir en qualité de volontaires, et marcher les premiers à la défense de la patrie, conformément à l'article 7 du décret des 4 et 5 juillet dernier, accepteront ce choix honorable.

Art. 8. Les commissaires de district, dont il est fait mention dans l'article précédent, et qui seront nommés indépendamment de ceux désignés dans l'article 6 ci-dessus, auxquels est confiée la surveillance générale et continue des levées à faire dans leurs arrondissements respectifs, se rendront au lieu du rassemblement ; et, après avoir invité les citoyens à voler à la défense de la patrie et de la liberté, ils inscriront sur chacun des trois registres désignés en

l'article précédent, les citoyens qui, ayant les qualités requises, se présenteront pour y être enregistrés.

Les officiers municipaux du chef-lieu de canton tiendront procèsverbal de la nomination qui aura été faite par les citoyens rassemblés, de ceux qui devront servir les premiers en qualité de volontaires: ce choix pourra se faire indifféremment parmi tous les citoyens, soit qu'ils fassent, ou non, partie de la garde nationale. Dans le cas où quelques-uns de ceux qui auraient été choisis déclareraient ne pouvoir accepter, il sera sur-le-champ procédé à leur remplacement; de manière que les citoyens de chaque canton ne puissent se séparer, sans avoir fourni le nombre d'hommes demandé.

Art. 9. Lorsque la levée prescrite par le présent décret à chaque département, sera entièrement terminée, les commissaires désignés dans l'article ci-dessus, n'en continueront pas moins à s'assurer les remplacements indispensables, tant dans les vétérans que dans les troupes de ligne, en pressant et recevant de nouvelles inscriptions et de nouveaux engagements. En conséquence, sur la demande du ministre de la guerre, il sera fait, s'il y a lieu, de nouveaux fonds pour cet objet.

Art. 10. Les citoyens inscrits, tant pour le complément des troupes de ligne, que pour celui des bataillons, et pour la formation de nouveaux corps de volontaires nationaux, partiront au plus tard dans la huitaine du jour de leur inscription, et se rendront dans les lieux qui leur seront désignés par les directoires des départements; d'après les ordres que ceux-ci recevront du pouvoir exécutif.

L'approche des Prussiens ne laissant pas le temps d'attendre ces mesures, on décréta le 27 août une levée de trente mille hommes, pris autour de Paris, sauf à les remplacer successivement.

N° 5.

Déclaration que que le duc de Brunswick, commandant les armées combinées de LL. MM. l'Empereur et le roi de Prusse, adresse aux habitants de la France.

Donnée au grand quartier-général de Coblentz, le 25 juillet 1792.

Leurs Majestés l'Empereur et le roi de Prusse, m'ayant confié le commandement des armées combinées qu'ils ont fait rassembler sur les frontières de la France, j'ai voulu annoncer aux habitants de ce royaume les motifs qui ont déterminé les mesures des deux Souverains, et les intentions qui les guident.

Après avoir supprimé arbitrairement les droits et possessions des princes allemands, en Alsace et en Lorraine; troublé et renversé dans l'intérieur le bon ordre et le gouvernement légitime; exercé contre la personne sacrée du Roi, contre son auguste famille, des attentats et des violences qui sont encore perpétués et renouvelés de jour en jour; ceux qui ont usurpé les rênes de l'administration ont enfin comblé la mesure, en faisant déclarer une guerre injuste à S. M. l'Empereur, et en attaquant ses provinces situées aux Pays-Bas. Quelques-unes des possessions de l'Empire germanique ont été enveloppées dans cette agression; et plusieurs autres n'ont échappé au même danger, qu'en cédant aux menaces impérieuses du parti dominant et de ses émissaires. S. M. le roi de Prusse, uni avec Sa Majesté Impériale par les liens d'une alliance étroite et défensive, et membre prépondérant lui-même du Corps Germanique, n'a donc pu se dispenser de marcher au secours de son allié et de ses co-états; et c'est sous ce double rapport qu'il prend la défense et de ce Monarque et de l'Allemagne.

A ces grands intérêts se joint encore un but également important, et qui tient à cœur aux deux Souverains; c'est de faire cesser l'anarchie dans l'intérieur de la France, d'arrêter les attaques portées au trône et à l'autel, de rétablir le pouvoir légal, de rendre au Roi la sûreté et la liberté dont il est privé, et de le mettre en état d'exercer l'autorité légitime qui lui est due.

Convaincus que la partie saine de la nation française abhorre

les excès d'une faction qui la subjugue, et que le plus grand nombre des habitants attend avec impatience le moment du secours, pour se déclarer ouvertement contre les entreprises odieuses de leurs oppresseurs, S. M. l'Empereur et S. M. le roi de Prusse les appellent, et les invitent de retourner sans délai aux voies de la raison, de la justice, de l'ordre et de la paix. C'est dans ces vues que moi, le soussigné, général commandant en chef des deux armées, déclare

I. Qu'entraînées dans la guerre présente par des circonstances irrésistibles, les deux cours alliées ne se proposent d'autre but que le bonheur de la France, sans prétendre s'enrichir à ses dépens par des conquêtes ;

II. Qu'elles n'entendent point s'immiscer dans le gouvernement intérieur de la France; mais qu'elles veulent uniquement délivrer le Roi, la Reine et la famille royale de leur captivité, et procurer à S. M. Très Chrétienne la sûreté nécessaire pour qu'elle puisse faire sans danger et sans obstacle les convocations qu'elle jugera à propos, et travailler à assurer le bonheur de ses sujets, suivant ses promesses, et autant qu'il dépendra d'elle;

III. Que les armées combinées protègeront les villes, bourgs, villages, les personnes et les biens de tous ceux qui se soumettront au Roi, et qu'elles concourront au rétablissement instantané de l'ordre et de la police dans toute la France;

IV. Que les gardes nationales sont sommées de veiller provisoirement à la tranquillité des villes et des campagnes, à la sûreté des personnes et des biens de tous les Français, jusqu'à l'arrivée des troupes de LL. MM. Impériale et Royale, ou jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné, sous peine d'en être personnellement responsables; qu'au contraire, ceux des gardes nationales qui auront combattu contre les troupes des deux cours alliées, et qui seront pris les armes à la main, seront traités en ennemis, et punis comme rebelles à leur Roi, et comme perturbateurs du repos public;

V. Que les généraux, officiers, bas-officiers et soldats des troupes de ligne françaises, sont également sommés de revenir à leur ancienne fidélité, et de se soumettre sur-le-champ au Roi, leur légitime Souverain;

VI. Que les membres des départements, des districts et des municipalités, seront également responsables, sur leurs têtes et sur leurs biens, de tous les délits, incendies, pillages, assassinats et

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